Pimento Map: outil d’évaluation de business model

Hors-cadre
Par · 29/01/2014

Pimento Map est une méthodologie qui veut faciliter le processus d’évaluation de pertinence auquel doivent nécessairement se livrer les porteurs de projets et starters mais aussi à tous ceux qui veulent évaluer le potentiel du business model, voire simplement de l’idée qui est à la base de ces projets.

L’outil, en soi, n’est pas neuf. Cédric Donck, qui en est l’auteur, l’a concocté pour ses besoins propres – il combine des profils d’entrepreneur et de business angel – voici déjà près de quatre ans.

Pendant près de trois ans, il en a vérifié la validité en confrontant son mécanisme et ses fondements avec la réalité, comparant les prévisions qui avaient été faites avec la manière dont les projets et jeunes pousses se comportaient réellement au fil du temps sur le marché.

Cédric Donck est par ailleurs passé à l’étape suivante: à savoir, faire de cet outil personnel une solution mise à disposition des porteurs de projets et de ceux qui les accompagnent ou qui envisagent de les financer.

Aujourd’hui, Pimento Map est devenu un outil que l’on peut solliciter en-ligne pour procéder à une auto-évaluation de projet.

“Un starter a toujours tendance à considérer que son projet est le plus beau bébé du monde. Il lui manque donc un cadre objectif.” Et la subjectivité vaut aussi pour les investisseurs potentiels: “eux aussi, qu’ils soient de simples particuliers, des amis du porteur de projet, des business angels ou des venture capitalists, ils ont toujours des raisons subjectives pour choisir une idée ou embrayer sur un pitch.”

La Pimento Map veut donc leur procurer un cadre permettant d’évaluer plus objectivement un projet, de comparer plusieurs pistes, idées ou hypothèses, de baliser l’évaluation qu’on donne au projet, de le faire évoluer…

Un outil dans une chaîne

“Pimento Map est une méthodologie qui permet de cartographier un business model pour faciliter la formulation d’un feedback. Elle permet de générer des pistes de réflexion et d’action pour éventuellement le réorienter ou l’amender”, explique Cédric Donck.

Il la présente comme complémentaire à d’autres outils tels le BMC (business model canvas) et la méthodologie Lean Startup. “Le BMC intervient plus en amont, pour la définition et la mise en carte du business model. L’approche Lean Startup, elle, vient en aval. Une fois que l’idée a été validée avec Pimento Map, elle intervient davantage dans la phase d’exécution. Il n’y a donc pas de redondance ou de chevauchement entre les trois outils. Chacun a sa valeur propre dans le processus de création d’une activité.”

Rubik’s cube… circulaire

Impossible de décrire efficacement par des mots la manière dont opère la Pimento Map. Seule la représentation de cette carte (voir l’illustration ci-contre) va nous permettre d’expliquer les grandes lignes de son fonctionnement.

L’outil en-ligne (le formulaire en-ligne est accessible via le site de Pimento) fonctionne sur la base de 18 questions auxquelles celui qui l’utilise doit apporter des réponses (les plus objectives et honnêtes possibles).

Au fur et à mesure que les réponses s’additionnent, des algorithmes turbinent en arrière-plan et génèrent automatiquement une “carte” colorée (codage couleur classique: vert, jaune, orange, rouge), divisée en quadrants et couches concentriques. Chaque pièce de ce puzzle circulaire, organisé en couches concentriques, correspond à une compétence, un angle d’attaque, une “dimension”: industrie, marché, équipe, finances, modèle financier, modèle commercial, structure de coûts, image, proposition de valeur (financière, technologique, commerciale….) etc.

En même temps que la carte, le système génère un scoring global ou détaillé par pièce du puzzle (selon un indice étalonné de 1 à 100). “Ce score évalue les chances de succès du busines model selon plusieurs axes.”

Quelques commentaires, rassemblés en cinq ou six paragraphes, sont par ailleurs générés automatiquement, agrémentés de “conseils pour améliorer l’idée d’entreprise.”

Plus il y a de vert, plus l’entrepreneur est dans le bon et plus son projet ou sa société a de chances d’être sur la bonne piste. Mais la présence d’éléments colorés d’orange ou de rouge – comme on le verra un peu plus loin – n’est pas pour autant synonyme de danger immédiat, de défaut rédhibitoire, de diagnostic fatal. Tout est une question, dans une large mesure, d’équilibre et de progression dans le temps.

Dimensions et équilibre de couleurs

La manière dont les questions, l’analyse des réponses et la carte sont structurées permet, selon Cédric Dock, d’analyser une idée ou un projet selon trois angles d’attaques.

Cédric Donck: “La Pimento Map est un outil, pas une boule de cristal. C’est plutôt un outil qui permet d’avoir une conversation claire entre entrepreneurs ou avec des investisseurs, des professionnels… Elle n’a d’autre but que de vous simplifier la vie.”

L’impactabilité de l’idée. “Si les réponses données font apparaître une offre concurrentielle trop forte sur le créneau visé, le starter sera poussé à faire pivoter son idée parce que cela révèle qu’il n’est pas positionné sur le bon créneau. Si le financement apparaît comme trop faible mais que le marché potentiel, lui, existe, cela peut simplement signifier qu’il est trop tôt pour se lancer. Si ces indicateurs – potentiel du marché, offre existante insuffisante et financement – sont au vert ou même au jaune, la conclusion est que le porteur de projet peut se lancer.”

L’analyse de temporalité. Pour évaluer les chances qu’a un projet ou une société de survivre avec succès à ses toute premières années d’existence, le regard doit se porter vers les deux couches extérieures de la “carte pimentée”.

Le verdict des couleurs dans chacun de ces cercles déterminera si une société a des chances de grimper de catégorie: au niveau de l’avant-dernier cercle, il sera possible de voir si une jeune pousse ou une TPE peut se muer en PME; au niveau du dernier cercle, c’est la progression vers une entreprise (avec des ambitions internationales) qui est évaluée.

“Dans une perspective à moyen terme, l’analyse porte sur des critères du genre “le starter s’est-il entouré des bons partenaires pour survivre aux premières années?”. A long terme, l’évaluation porte davantage sur la qualité du réseau. C’est là une chose super importante pour la croissance et la stabilité. Toutefois, si la société a trop d’orange ou de rouge dans ce dernier cercle, ce n’est pas grave. Cela veut simplement dire que son projet n’a pas un potentiel mondial mais que la société peut toujours continuer à évoluer sous forme de PME.”

Cédric Donck: “En tant qu’entrepreneur et que business angel, j’ai entendu pas mal de “pitchs’”. Aucun projet ne présente jamais la parfaite bonne idée, ou, a contrario, une idée vraiment mauvaise.”

Les points forts et les points faibles. C’est dans cette troisième manière d’utiliser la carte qu’intervient la comparaison des scores couleurs. La comparaison se fait entre deux quadrants qui se font vis-à-vis, dans la même couche. Exemple: modèle de revenus contre structure de coûts, avantages concurrentiels contre compétences; intensité de la concurrence contre partenariats. “Un arc de cercle rouge peut être compensé par un vert à condition que ce dernier soit son vis-à-vis, dans la même couche.” Un exemple cité par Cedric Donck: “une équipe riche en compétences peut arriver à compenser un manque de compétitivité.”

De même, “si l’orange ou le rouge domine dans le demi-cercle inférieur, ce n’est pas forcément rédhibitoire parce que cela touche surtout aux ressources financières. C’est-à-dire quelque chose que le porteur de projet peut toujours tenter de trouver…”

Aide à l’évaluation

Vous l’aurez compris, jongler avec ces différents composants n’est pas forcément évident ou à la portée de tous. Cédric Donck en a pris conscience. D’autant plus que la subjectivité ou les erreurs d’auto-évaluation, même si cette dernière est plus ou moins canalisée par l’outil, demeurent des écueils fréquents.

Voilà pourquoi il a décidé, voici quelques mois, de faire évoluer la solution. Le question d’auto-évaluation en ligne – gratuit, par ailleurs – continuera d’exister mais il sera enrichi ou “encadré”.

Enrichi parce que Pimento Map prévoit d’ajouter des fonctions d’analyse plus poussée afin de pouvoir générer un rapport plus riche, “une sorte de quide pour l’entrepreneur. Avec, par exemple, des renvois vers des lectures utiles.” Les travaux de développement des algorithmes sont en train de se terminer. La nouvelle fonctionnalité (payante cette fois) devrait être disponible à la mi-février.

“Encadré” parce qu’une “Pimento Map Academy” a vu le jour. A savoir des formations certifiantes d’une journée à destination de “professionnels de l’encadrement de porteurs de projets: consultants, analystes, investisseurs, coachs ou business angels trouveront dans cette formation des outils leur permettant de mieux analyser les opportunités des projets qui leur seront présentés. Nous insistons beaucoup sur la formation. En effet, si l’outil en-ligne est aisé à utiliser, sa vraie valeur vient du consulting et d’une utilisation par des professionnels.”

Des profils fort divers

Si les premiers utilisateurs visés par l’outil (en tout cas dans sa forme de questionnaire d’auto-évaluation) sont les porteurs de projet et entrepreneurs, Pimento Map veut également séduire d’autres publics. “Les investisseurs, par exemple, qui ont besoin d’une méthode objectif pour formuler un feedback aux porteurs de projets mais aussi pour présenter par exemple un rapport à leur conseil d’administration.”

Dans cette catégorie, l’outil a déjà convaincu des acteurs tels que des collaborateurs du fonds d’investissement Internet Attitude, de l’incubateur WSL ou d’Impulse (ci-devant Agence Bruxelloise pour l’Entreprise). “Internet Attitude utilise par exemple l’outil pour comparer les analyses faites par plusieurs personnes et objectiver les décisions d’investissement pour les présenter à leur comité d’investissement.”

Autre catégorie d’utilisateurs visés: les banques. “Les séances de certification permettront de former des analystes financiers, leur permettant d’objectif le volet stratégique de leur analyse.”

Autre catégorie encore: les coachs et accompagnateurs d’entrepreneurs. Parmi eux, les initiateurs des CoWE (CoEntrepreneur Weekend) et de NestUp.

Prochaines évolutions

La méthodologie Pimento Map, dont l’outil en-ligne est aujourd’hui disponible en français et anglais, caresse des ambitions à l’international. “Nous voulons trouver des partenaires, notamment dans les grandes villes francophones. A commencer par Paris, dans les registres du coaching et des structures d’investissement.” Idem outre-Atlantique.

Une version espagnole est par ailleurs d’ores et déjà au programme.

Un livre existe par ailleurs qui explique les principes de la méthodologie. Intitulé “Pimento Map: évaluer les chances de succès de votre business model”, il devrait bientôt exister sous forme électronique, pour téléchargement via “tous les grands diffuseurs” (Amazon, Apple, FNAC…).

Autre évolution pour la Pimento Map: faire son entrée dans les milieux universitaires. “Nous prévoyons des codes gratuits pour les professeurs en entrepreneuriat qui pourraient ainsi utiliser l’outil dans leurs cours…”

Valider davantage la méthode

Il est une autre étape que Cédric Donck veut franchir à court ou moyen terme, et c’est un adoubement académique. “Nous voulons faire valider nos hypothèses par le monde académique qui va les confronter à la réalité des entreprises et des entrepreneurs.”

Et cela se fera avec deux partenaires, l’un belge (Solvay Brussels School), l’autre américain (un groupe de chercheurs de l’université de Babson à Boston, “réputée pour son enseignement de l’entrepreneuriat”).

A la Solvay Business School, le professeur Olivier Witmeur et ses étudiants vont suivre, pendant trois ans, douze sociétés “à vocation technologique” actuellement au stade “pre-seed”/pré-startup afin de valider la pertinence du modèle et des algorithmes. “Il est nécessaire de choisir des sociétés à ce stade précoce parce qu’elles pivotent beaucoup. Des start-ups plus mûres évoluent moins.” Elles seront sélectionnées parmi les projets accompagnés par le programme Création & Croissance (Solvay Entrepreneurs).

Outre-Atlantique, la forme que prendra la validation académique n’a pas encore été complètement définie mais l’idée est de “comparer les différents algorithmes et éléments de la méthodologie avec ce qui existe dans la littérature [orientée entrepreneuriat], les différents modèles qui existent, tels le modèle de Porter. S’il existe de nombreux modèles, ils ne valident que certaines parties de la chaîne de valeur. A cet égard, les travaux de Babson apporteront certainement de nouvelles dimensions…”