Vivre hyper-connecté: les revers de médaille

Hors-cadre
Par · 03/01/2013

Qui, parmi vous, pendant la “trêve” festive de fin d’année, a fait voeu d’e-chasteté, a promis, ne serait-ce que quelques heures, de faire l’impasse sur ce fil-à-la-patte moderne qu’est le GSM, smart phone ou autre terminal connecté Internet? Qui d’entre vous a décidé de refaire du social “the old fashion way”?

Il y a de fortes chances que le peloton de ceux qui l’ont fait continue de s’étioler. En effet, plusieurs études et sondages démontrent que la “nomophobie” gagne de plus en plus de terrain. Nomophobie, kesako?

Petite définition: la “nomophobie” – c’est-à-dire la “no-mobile-phobie” – est “l’état de stress, voire carrément la névrose, induit(e) par le fait de ne pas avoir son téléphone (mobile ou intelligent) sur soi ou à portée de main…” Voilà donc bien une maladie caractéristique de nos temps post-modernes, maladie que nos générations omni-connectées se sont appropriées (à l’origine, le terme “nomophobie”- venu du grec ‘nomos’– désignait la crainte excessive des lois ; le glissement de signification est on ne peut plus révélateur).

Quelques symptômes de la nomophobie? Coeur “serré”, difficultés respiratoires, tremblements, accélération du rythme cardiaque, voire carrément crises de panique.

Quoi qu’il en soit, la peur du vide numérique touche apparemment une tranche de plus en plus importante de la population. En novembre dernier, l’opérateur québécois Rogers Communications (services sans-fil voix+données, télévision par câble, Internet et  téléphonie) a procédé à une étude auprès d’un échantillon représentatif de la population. Résultat: 64 % des participants à l’étude disent se sentir “démunis sans leur téléphone intelligent et leur accès Internet.”

C’est que leur portable est devenu comme un organe dont on ne se défait plus: “près de 50% des personnes interrogées dorment avec leur téléphone sans-fil. 77 % des Québécois utilisent leur téléphone intelligent lorsqu’ils sont à la salle de bains, et 74 % affirment consulter leur sans-fil le matin avant de se brosser les dents.”

Mais il y a pire: une étude américaine (voir plus bas) révèle que 10% des jeunes de moins de 25 ans répondent à des SMS ou à des messages envoyés via les réseaux sociaux  alors… qu’ils font l’amour. Sans commentaire.

Un mal de plus en plus endémique

La première étude de la nomophobie remonte à 2008, lorsque la Poste britannique donna mandat au cabinet d’études YouGo d’observer “les angoisses subies par les utilisateurs de téléphones mobiles” (cela ne s’invente pas). A l’époque déjà, au pays des pourtant impavides British citizens, 53% des utilisateurs de mobiles – et 76% parmi les 18-24 ans – se disaient “anxieux” lorsqu’ils se retrouvaient sans GSM (pour cause de perte, de vol, de batterie à plat ou de crédit épuisé).

Au Royaume-Uni, le pourcentage de nomophobes serait aujourd’hui passé à 66%. Etant donné que la tendance est plutôt à la stabilité du côté de la tranche d’âge 18-24 ans (77% contre 76%, quatre ans plus tôt), il faut en conclure que le phénomène gagne l’ensemble des usagers.

Un mal pour un… mal ?

Etre privé de connexion semble donc faire des ravages. Mais qu’en est-il de la situation inverse?

A l’occasion du lancement d’une version rafraîchie de son site dédié à l’analyse des avantages et inconvénients (voire risques) que présente le réseautage social, ProCon.org, association américaine qui se présente comme “un organisme de recherche indépendant, dédié à une approche critique de questions controversées”, s’est posé les questions suivantes: les médias sociaux favorisent-ils des changements sociaux, politiques et économiques positifs ou provoquent-ils une dépendance nocive par rapport aux technologies basées sur les écrans et engendrent-ils des relations interpersonnelles moins pertinentes? notre nouveau monde de connectivité permanente a-t-il pour nous des effets positifs ou cet état de communications accrues génère-t-il plus de problèmes?

La totalité des résultats de l’enquête peut être consultée sur le site de ProCon mais voici déjà un constat qu’il faudra sans doute confirmer et objectiver mais qui pourrait être lourd de signification:

  • une utilisation “pathologique” (exagérée) d’Internet et des réseaux sociaux provoque des sentiments de solitude, de dépression et d’anxiété ; les rythmes accélérés qui caractérisent les réseaux sociaux ont un effet non négligeable sur le réseau, organe “plastique” s’il en est, provoquant des modifications du cortex préfrontal. Les conséquences peuvent être des difficultés dans les rapports sociaux dans la vie réelle, la recherche constante de satisfaction, voire une distorsion de la personnalité;
  • les étudiants qui fréquentent des sites de réseaux sociaux tout en étudiant obtiennent des résultats 20% inférieurs à ceux de leurs condisciples.

Autres chiffres révélateurs:

  • 49,1% des personnes interrogées avaient appris des infos erronées via les réseaux sociaux, parfois avec des conséquences inattendues lorsqu’un début de panique s’installe (écoles fermées, forces de police dépassées lors de fausses infos concernant des tirs d’arme à feu ou des incendies)
  • 4,7 millions d’utilisateurs de Facebook ont “aimé” une page parlant de problème de santé ou d’un traitement médical suivi par un internaute. En soi, rien de choquant? Problème (encore limité aux Etats-Unis): les assurances se servent de cette information pour augmenter les primes…
  • les pertes de temps: 40% des jeunes Américains interrogés (âgés de 8 à 18 ans) passent 54 minutes par jour sur les réseaux sociaux ; lors d’un message les attirant vers un site social où est annoncé un événement ou une activité, les internautes mettent en moyenne de 20 à 25 minutes avant de reprendre l’activité qu’ils ont interrompue (dans 30% des cas, la durée est de … 2 heures).

Pour terminer, quelques chiffres à vous donner le tournis mais qui soulignent à quel point les mobiles et les sites de réseautage sont devenus endémiques: pendant le seul mois de juillet 2012, les Américains ont passé 121,2 milliards de minutes sur les réseaux sociaux, dont 5,7 milliards en utilisant leurs mobiles.

Ce qui donne, en moyenne (en comptant les nourrissons et les centenaires!): 3,9 heures par personne sur un mois.