L’industrie du futur, c’est tous ensemble !

Tribune
Par Thierry Castagne · 19/06/2018

L’Industrie 4.0 est en marche et un nombre croissant de nos entreprises, y compris dans les PME, ont saisi l’urgence d’investir dans la digitalisation, l’additive manufacturing (impression 3D industrielle), l’Internet des Objets et/ou la robotisation pour ‘fabriquer autrement’.

Leur défi, dans un monde où la production de masse est condamnée à s’effacer au profit d’une production de plus en plus personnalisée, est d’utiliser les technologies, non pas pour faire comme tout le monde, mais pour optimiser leurs processus et/ou concevoir des produits plus ‘intelligents’, qui répondent aux nouvelles attentes des clients. 

En effet, la transformation digitale ne doit jamais perdre de vue les questions fondamentales: qui sont nos clients, quels marchés voulons-nous atteindre, avec quels produits et avec quel positionnement ?

Pour se transformer et explorer de nouveaux modèles d’affaires tout en gardant les pieds sur terre (comprenez, sans mettre en péril leurs revenus existants), nos entreprises doivent s’ouvrir davantage. Non seulement aux nouvelles technologies, mais aussi et surtout à de futurs partenaires au sein d’écosystèmes qui restent encore largement à construire. Elles doivent accepter que, vu les évolutions rapides de marché et les produits de plus en plus complexes, il devient quasiment impossible pour elles de réunir toutes les compétences au sein d’une même entreprise. 

Ne plus se cacher

Pour qu’un cercle vertueux d’Industrie 4.0 se mette en place, il est essentiel que les acteurs concernés fassent preuve davantage d’ouverture, non seulement technologique mais aussi ‘culturelle’. Comme nous le constatons régulièrement lors d’événements ou de remises de prix, les PME wallonnes sont souvent encore trop discrètes et rechignent à partager leurs bonnes pratiques.

Bien sûr, il ne s’agit pas de trahir des secrets de fabrication, mais l’adage ‘pour vivre heureux vivons cachés’ n’est plus de mise dans un monde industriel de plus en plus collaboratif. Pour construire les usines du futur, les PME manufacturières doivent sortir du bois, ou plus exactement des travées de leurs lignes de production.

Si votre entreprise récolte les premiers fruits de votre stratégie de transformation, n’hésitez pas à vous manifester auprès de Digital Wallonia ou www.madedifferent.be/fr et devenez peut-être l’un des prochains ambassadeurs Made Different.

Cela signifie que les entreprises traditionnelles doivent de plus en plus souvent réinventer leur façon de faire des affaires. Pour réussir dans ce processus de changement complexe, il est fondamental d’inclure le pouvoir de partenaires externes et de saisir les opportunités d’autres chaînes de valeur. De nouveaux modèles d’affaires basés sur la co-création et la mutualisation de ressources apparaissent, modifiant les relations entre les différents acteurs habituels et faisant parfois des concurrents d’hier les alliés de demain.  

Parmi ces entreprises qui conservent une longueur d’avance en créant une chaîne intégrée avec d’autres acteurs de proximité, figurent les 7 lauréats des prix Ambassadeurs Made Different décernés ce printemps par Digital Wallonia, à savoir : Atelier de l’Avenir, Stabilame, Emac, Prayon, Mobic, Lasea et Burnsen. Attardons-nous quelques instants sur ces deux derniers, qui ont placé le concept d’usine connectée au cœur de leurs stratégies.

Lasea mise sur l’ouverture

Lasea, PME liégeoise qui développe et produit des solutions laser de haute précision pour le monde industriel, notamment dans les secteurs de la santé et de l’horlogerie, a véritablement inscrit la collaboration dans son ADN. Et ce, dans tous les domaines : développement commercial, ressources humaines et bien sûr R&D.

Elle y voit une façon de doper sa croissance. L’un de ses fournisseurs, Amplitude Systèmes, est devenu l’un de ses partenaires. Avec Citius et Unisensor, deux autres acteurs industriels de la région liégeoise, Lasea a créé Ciseo en 2017. Et, de manière générale, Lasea est fer de lance dans le développement d’un écosystème liégeois et wallon centré sur les applications et équipements industriels de niche.

Cette ouverture lui permet de transférer et de valoriser le savoir-faire wallon en Belgique et à l’étranger, au travers de collaborations scientifiques dans des domaines applicatifs très pointus (projets européens, universités, centres de recherche). L’entreprise liégeoise va d’ailleurs jusqu’au bout de la démarche puisqu’elle participe aux activités de plusieurs réseaux de chefs d’entreprise (jusqu’au Québec !).

A travers ces partenariats, Lasea a accès aux nouvelles technologies développées par ses fournisseurs et anticipe mieux les besoins de ses clients. L’entreprise de pointe a pu ainsi orienter ses développements pour mettre sur le marché une source laser cinq fois plus puissante que ce que propose la concurrence. 

Burnsen booste sa réactivité

Pour ‘fabriquer différemment’, Burnsen a repensé son usine de Seneffe pour gagner en flexibilité et en réactivité. L’entreprise spécialisée dans le développement et la commercialisation de solutions technologiques pour la production d’eau chaude sanitaire et le chauffage à usage résidentiel et tertiaire s’est engagée depuis 2014 dans un ambitieux plan de transformation misant notamment sur l’automatisation et la robotisation. 

Comme nous l’apprend un témoignage réalisé par Innovatech.be, les résultats ne se sont pas faits attendre. Les robots affectés aux travaux de soudure et de tôlerie ont augmenté la productivité de ces services de 50%. Les délais de livraison ont été drastiquement réduits, passant de 6 à 8 semaines à 1 à 2 semaines. Surtout et dans la foulée d’une importante restructuration, cette modernisation de l’outil s’est avérée vitale pour construire une complémentarité entre le site de production de Burnsen en Slovaquie, dédiée à la production de masse, et une nouvelle usine de Seneffe capable de produire des petites et moyennes séries de nouveaux produits destinés à de nouveaux marchés, notamment américains, à des prix compétitifs.

Au niveau de son écosystème, Burnsen a fait appel au centre de recherche Sirris pour valider un certain nombre de scénarios et a confié la réalisation de nouveaux bancs tests à Jadition, une PME de Hannut.

Aujourd’hui, Burnsen est en mesure de produire 20 à 25 types de produits différents sur une seule ligne, avec la même machine, les mêmes opérateurs et sans set-up. Cette flexibilité lui permet d’aborder l’avenir avec confiance. 

Les exemples de Lasea et Burnsen démontrent que la transformation digitale est possible même dans des ‘petites’ structures. Ils doivent insuffler un mouvement d’émulation vis-à-vis d’autres PME, qui restent pour l’instant en retrait par rapport à la transformation requise. 

Thierry Castagne

directeur général d’Agoria Wallonie

Made Different à la conquête de l’Europe
La Commission européenne vient de débloquer 2 millions d’euros en faveur d’un élargissement européen du projet belge Made Different. Agoria, avec le soutien de Sirris et de 15 partenaires dans diverses régions européennes, prend la direction de ce projet important pour les entreprises manufacturières belges.
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