Les smartphones Huawei sans Google. Existe-t-il une alternative crédible?

Tribune
Par Alexandre De Saedeleer · 05/11/2019

Comme vous avez certainement déjà pu le lire ou l’entendre, la pression opérée par le gouvernement américain sur les sociétés-phare chinoises, telles que Huawei, continue d’être exercée et la Chine l’a bien compris.

Dans la domaine technologique, Huawei, acteur majeur chinois dans l’ICT, voit déjà son futur sans Google. Jusqu’à présent les smartphones mis sur le marché par Huawei embarquent le système d’exploitation de Google (Android) et bénéficient du PlayStore pour permettre aux utilisateurs de télécharger des applications.

A partir du Mate 30 Pro, uniquement commercialisé en Chine jusqu’à présent, tous les nouveaux smartphones ne seront plus équipés du Play Store, ce qui empêchera chaque propriétaire d’un smartphone Huawei nouvelle génération de télécharger ses applications.

Vraiment? Un téléphone sans app? Non, la réalité n’est pas aussi drastique que ça puisque Huawei fournit déjà une alternative au Play Store. En effet, chaque device est aussi équipé d’une “Huawei Gallery” qui est l’équivalente du Play Store de Google. Seul problème: le nombre très faible d’applications disponibles pour les utilisateurs européens, y compris en Belgique.

Actuellement pas de Facebook, d’Instagram, pas plus que d’app bancaire ou d’app de streaming. On est d’accord, ça pose un problème et Huawei l’a bien compris. Le risque de voir les ventes de smartphones dégringoler en Europe est trop grand que pour ne pas prévoir un plan d’action. Mais quel plan d’action?

Huawei n’y va pas par quatre chemins. Conscient de l’importance de fournir une alternative crédible sur ses smartphones, le géant chinois investira un milliard de dollars pour financer son plan d’action.

Un plan d’action en deux phases

Le premier challenge à relever sera de convaincre tous les éditeurs d’applications de venir publier leur app sur le Huawei Gallery en créant un compte développeur sur la plate-forme. On devrait donc, après cette première phase, voir des applications connues en Belgique (banque, médias, retail, finance, transport…) sur la Huawei Gallery et être en mesure de les télécharger. Pour les éditeurs, rien de compliqué puisqu’il faudra uniquement ouvrir un compte développeur et y publier une version de l’app identique à celle qui se trouve sur le PlayStore.

Dans un deuxième temps et dans la prolongation du divorce avec Google, Huawei demandera aux éditeurs de remplacer les services GMS (Google Mobile Services) par des HMS (Huawei Mobile Services). 

De quoi parlons-nous ici? En réalité de certains modules utilisés par les développeurs pour construire une app. Voici quelques exemples: l’utilisation de Google Maps dans votre app, les notifications Push, certains (mais pas tous !) outils d’analytique…

Cela signifie qu’à ce moment-là, des développements complémentaires seront nécessaires et qu’une version spécifique de l’app devra être développée par les éditeurs pour la Huawei Gallery.

Huawei prépare sa propre “Gallery”, équivalente du PlayStore de Google. Mais il faudra convaincre les éditeurs d’adapter leurs apps, si possible avant mars 2020, date à laquelle les nouvelles gammes de smartphones sans Google Mobile Services seront mis sur les marchés européens.

 

A noter qu’il ne s’agira pas pour l’éditeur de développer une seconde version de l’app, mais bien d’en créer une variante qui retire les “dépendances” aux composants propriétaires de Google. En effet, ces nouveaux téléphones Huawei tourneront toujours sur une version d’Android, mais privée des services non open source de Google. La charge de travail nécessaire pour l’éditeur sera variable et à déterminer au cas par cas. Une application de navigation basée sur Google Maps et qui fait un usage intense des notifications push sera plus difficile à adapter qu’une application de prise de notes par exemple. Certaines apps n’auront besoin d’aucune adaptation. C’est notamment sur ces aspects qu’une société comme Tapptic peut apporter toute son expertise en conseil et en développement.

Une fois ces services HMS intégrés dans l’app, Huawei pourra alors être indépendant de Google et fonctionner de manière autonome avec l’écosystème développé autour. Mais l’horloge tourne, et idéalement Huawei doit réussir à convaincre les éditeurs d’adapter leurs apps d’ici à mars 2020, date à laquelle les nouvelles lignes de smartphones sans les GMS seront mis sur les marchés européens.

Une alternative crédible 

Dans un contexte d’écosystème stable et bien implanté – chez Apple (iOS) et chez Google (Android) -, Huawei a-t-il une opportunité pour devenir le troisième acteur principal sur le marché? La situation peut faire penser à celle de Microsoft à l’époque du système d’exploitation Windows Phone, à l’exception près que les moyens mis en place par Huawei semblent dépasser les attentes et que les ambitions chinoises ont le mérite d’être évoquées clairement.

Le challenge se situera probablement plus du côté de la robustesse de l’écosystème et de la qualité des HMS mis à disposition pour les développeurs car cruciaux dans certaines applications, comme celle du TEC par exemple. Nul doute que les moyens mis à disposition par le géant chinois puissent aider à accélérer les développements des HMS.

Une ambition sérieuse et une volonté de réussir

Huawei a mis la machine en route en Europe et nous verrons dans les mois à venir s’ils seront parvenus à convaincre les éditeurs des 150 apps belges les plus téléchargées à venir publier leur app sur le Huawei Gallery et à remplacer les GMS. Les premiers retours sont positifs et Huawei parvient déjà à amener les éditeurs d’app dans son sillage pour que, fin 2019, les principales apps belges soient disponibles au grand public dans la Huawei Gallery.

Les enjeux sont importants tout comme l’est le challenge à relever et ce ne sont pas les moyens qui manquent pour y arriver. Si les éditeurs sont prêts à monter à bord de l’écosystème, nul doute qu’une alternative Huawei pourra cohabiter avec Apple et Google sur le marché des smartphones en Europe.

Alexandre De Saedeleer

Group Managing Director
Tapptic