Développement des scale-ups en Belgique: la responsabilité revient à tous les acteurs

Tribune
Par Jürgen Ingels · 31/01/2018

La Belgique est lâchée par le peloton des scalers… et navigue loin derrière.

En ce qui concerne l’aide au développement des scale-ups, la Belgique est clairement un mauvais élève. En effet, il n’existe tout simplement pas, à proprement parler, de “scalers” dans le pays, c’est-à-dire d’entreprises en croissance qui sont sorties de leur phase de démarrage et qui ont déjà réalisé une levée de fonds de plus d’une centaine de millions d’euros.

Si l’on se compare à d’autres pays de l’Union européenne, dont la population avoisine la nôtre, on ne peut que constater qu’ils font beaucoup mieux: sept scale-ups en Suède, trois aux Pays-Bas et une au Luxembourg. Chez B-Hive (anciennement Eggsplore – voir note en fin d’article) et Scale-Ups.eu, nous avons réalisé une analyse et proposons une solution.

Un manque d’argent et de réseau

Nous avons remarqué que les scale-ups ont des besoins financiers de plus en plus croissants. Cela peut aller de 5 à 30 millions d’euros chacun. Le problème ? La plupart des fonds de placement en Belgique ne disposent que de 75 à 100 millions d’euros. Ils ne peuvent donc pas assurer le financement de toutes les scale-ups désireuses de réunir le financement nécessaire à leur développement.

Cela a pour fâcheuse conséquence de voir ces scale-ups belges déménager à l’étranger afin de trouver des “super-fonds” suffisants pour pouvoir se développer.

Les sociétés Silverfin et Collibra, par exemple, sont respectivement parties à Londres et à New-York parce que ces villes proposaient de meilleurs fonds d’investissement. Elles auraient été folles de refuser.

La raison principale de ce manque de fonds (ou super-fonds, comme on dit dans le milieu financier) réside dans la trop grande fragmentation du marché en Belgique.

Le gouvernement va-t-il trouver la solution ?

Cela peut être surprenant pour un entrepreneur mais le gouvernement donne déjà le bon exemple: le ministre des Finances, Johan Van Overtveldt, a décidé de mettre en place un fonds qui rassemblerait entre 200 et 300 millions d’euros, et pourrait même atteindre 400 millions d’euros. Un grand pas pour la Belgique.

Les exemples ne s’arrêtent pas là car des initiatives sont également prises au niveau inférieur: d’autres organismes publics, comme la SRIW (Société Régionale d’Investissement de Wallonie), pourraient aussi participer à ces investissements de grande ampleur. Ils ont dernièrement investi dans des entreprises comme Pharmasimple ou encore Qualifio. L’objectif est d’arriver à une situation où nous aurons plusieurs fonds d’investissement riches en capitaux, gérant chacun plusieurs centaines de millions d’euros.

Le rôle des entreprises

Les initiatives doivent également venir du monde des entreprises. Dans d’autres pays de l’UE, on constate également qu’il y a davantage d’“entrepreneurship” et une propension plus nette à prendre des risques.

En effet, selon l’indicateur annuel “Rising Star Monitor” de Vlerick Business School et de Deloitte, les entreprises belges souffrent effectivement d’un certain manque d’ambition : près de la moitié des organisations interrogées, surtout des sociétés issues du secteur des technologies de l’information, ont indiqué qu’elles n’avaient pas l’intention de croître.

Cette observation montre bien qu’il ne s’agit pas seulement d’une responsabilité des pouvoirs publics mais bien aussi des entreprises. De plus, l’argent n’est pas l’unique élément à prendre en compte: les connaissances sont également importantes voire essentielles au développement de scale-ups.

La recette du succès: créer des clusters

En Belgique, il n’est pas rare de voir trois ou quatre entreprises du même secteur se faire concurrence sur le marché belge. C’est du gaspillage pur et simple.

Ces start-ups devraient plutôt unir leurs forces et envisager la poursuite de leur développement ensemble, à l’échelle internationale. Une fois la capacité maximale atteinte, ces pôles pourront procurer un avantage compétitif à l’échelle mondiale.

Cette association permettrait à certaines entreprises d’acquérir une certaine expérience et les futures start-ups pourront ainsi compter sur leurs aînés (comment éviter certaines erreurs, par exemple). C’est là un phénomène que nous avons pu constater chez Scale-Ups.eu.

De plus, lorsqu’elles disposent d’un réseau déjà existant, les entreprises dont la réussite est la plus évidente parviennent à gagner du temps (l’Université de Liège, avec l’intelligence artificielle, est un bon exemple).

Jürgen Ingels: “Les clusters bénéficiant d’une renommée mondiale et travaillant sur des thèmes proches peuvent, à terme, mener à l’émergence d’une coopétition.”

On peut d’ailleurs observer que des initiatives ont déjà été mises en oeuvre en Belgique. Quelques autres clusters existent dans notre plat pays: Plastiwin, Infopole Cluster TIC, etc.

Mais nous ne devons pas nous contenter de ceux déjà existants, il faut persévérer aussi dans le développement de pôles de compétitivité. Ce qui manque encore, c’est une diversification de ces clusters. L’objectif est d’être compétitif dans plusieurs secteurs et ne pas se limiter à ceux pour lesquels nous sommes déjà reconnus mondialement.

Les clusters bénéficiant d’une renommée mondiale et travaillant sur des thèmes proches peuvent, à terme, mener à l’émergence d’une coopétition: ils se concurrencent entre eux mais peuvent également tirer profit d’une coopération à une échelle plus large que sur leur seul territoire géographique. L’innovation n’en serait que boostée.

Nous voyons les avantages d’un cluster tous les jours chez B-Hive. B-Hive a justement pour but de faciliter la cohésion et de rassembler les acteurs des secteurs financiers et technologiques. Cet objectif ne se limite pas à la Belgique car il vise aussi à attirer les connaissances et les expertises de toute l’Europe à Bruxelles, ce qui apporte une grande valeur ajoutée à nos membres.

En résumé, il est donc temps d’encourager l’ensemble des acteurs à créer de multiples réseaux destinés à favoriser l’émergence de clusters à l’échelle internationale. Nous possédons incontestablement les capacités nécessaires pour devenir un grand acteur économique mondial.

Jurgen Ingels

Co-fondateur de B-Hive

fondateur de Scale-Ups.eu

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B-Hive, anciennement Eggsplore, est une plate-forme fintech destinée à promouvoir les échanges de connaissances, la collaboration et la fertilisation croisée de projets fintech. Eggsplore s’était muée en “B-Hive” au début 2017 dans le cadre d’un appel à de nouveaux capitaux destinés à renforcer ses moyens d’action.

Si le gros du financement vient du privé, la plate-forme avait été officiellement reconnue et supportée, début 2017, par le gouvernement fédéral sous la forme d’un financement de deux millions d’euros. 

L’incubateur Eggsplore avait vu le jour en 2015, à l’initiative de Jürgen Ingels, fondateur de Clear2Pay, et Wim De Waele, ancien patron d’iMinds.

Partenaires-fondateurs: Belfius, BNP Paribas Fortis, Cresco, Euroclear, ING, KBC, McKinsey, Proximus, SmartVentures et SWIFT.

Partenaires de “recherche”: le groupe “Banking technology” d’Agoria, Febelfin, iMinds, Solvay Business School, Startups.be et Vlerick Business School.  [ Retour au texte ]