Automatisation juridique: une menace pour les professions juridiques “classiques”?

Tribune
Par Romain Keppenne · 06/04/2016

Les start-ups digitales qui se lancent dans le secteur de la “legal automation”, originellement née aux États-Unis, sont de plus en plus nombreuses et développent leurs services à grande vitesse. Les entrepreneurs se trouvant derrière cette révolution numérique voient leurs offre comme un outil et un complément à l’activité des juristes de nombreux secteurs, au contraire d’une large part de la profession juridique “classique” qui perçoit cette évolution comme une “uberisation” dangereuse et dévalorisante pour le secteur.

Cependant, il est à noter que ces services d’automatisation ne proposent que les documents qui permettent cette mise en forme conditionnelle, dynamique, et basée sur des algorithmes.

L’automatisation juridique est une digitalisation de documents et d’actes divers de la vie juridique quotidienne, qui permet la mise en place de plates-formes en ligne permettant leur rédaction simplifiée par l’intermédiaire d’un simple questionnaire. Une mise en forme conditionnelle, permise par de puissants algorithmes, adapte le document final aux modalités et spécificités réclamées par le client.

Il apparaît donc que ces nouveaux services ne visent pas à remplacer le pendant à réelle valeur ajoutée que proposent les métiers du secteur juridique, à savoir le rôle de conseiller apporté au client, un rôle qui ne peut être remplacé par un questionnaire dynamique, quelle qu’en soit la puissance.

Les start-ups d’automatisation juridique perçoivent donc principalement leur outil comme un complément utile aux services que rendent les avocats et autres juristes en général.

Mise en relation avec l’avocat

Il apparaît donc avec évidence que les avocats ne doivent pas être effrayés par cette soudaine émergence de services s’aventurant à la lisière de leur coeur de métier. La preuve en est qu’une grande partie de ces plates-formes en ligne incorporent à leur contenu des possibilités de contacter des avocats par leur biais afin de bénéficier de leur expertise directe, en parallèle des services centraux de ces sites d’automatisation. L’automatisation juridique, loin de menacer la profession d’avocat, la renforce et lui fournit des clients qui, sans cela, n’auraient pas fait la démarche du rendez-vous ou de l’entretien.

“L’automatisation juridique, loin de menacer la profession d’avocat, la renforce et lui fournit des clients qui, sans cela, n’auraient pas fait la démarche du rendez-vous ou de l’entretien.”

En plus de cela, les services automatiques vont permettre des gains de temps phénoménaux aux juristes, qui pourront se concentrer sur l’essence des problèmes juridiques sans devoir s’inquiéter de la mise en place des documents nécessaires à leur réflexion.

“Consommer du droit” autrement en Belgique?

L’automatisation juridique n’est pas une révolution complète: les avocats ne seront pas au chômage dans dix ans parce que remplacés par des ordinateurs et intelligences artificielles. L’avenir de la profession n’est pas menacé. Il s’agit ici d’une nouvelle façon de consommer du droit qui émerge en Belgique ainsi qu’ailleurs en Europe.

Une start-up belge comme LeBonBail, une plate-forme dynamique permettant au bailleur de créer et de gérer son contrat de bail en ligne, n’offre pas de concurrence aux notaires, mais fournit un service précis qui est une transcription digitale du droit obligatoire en matière de logement.

“Plutôt que de supplanter, il s’agit bien plus d’intégrer et de développer des services subsidiaires à destination de la profession juridique dans son ensemble.”

Le produit proposé est un questionnaire qui comprend toutes les spécificités de la loi afin de s’adapter à la situation de bailleur concerné, et permet ensuite un suivi juridique automatique du contrat de location.

D’autres services en Belgique sont plus adaptés à certains domaines où le droit supplétif joue un plus grand rôle: certaines start-ups comme Lawbox mettent à la disposition de leurs clients une bibliothèque à jour de documents juridiques pouvant être adaptés et modulés plus librement par le client en fonction du type de contrat qu’il souhaite mettre en place.

En d’autres termes, aucun secteur juridique, quel qu’il soit, n’échappe au phénomène de digitalisation sous une forme ou une autre.

Ces différents services peuvent aisément être intégrés à des outils de gestion d’entreprise plus complexes, sous la forme d’API, et constituer des immobilisations à proprement parler pour les clients. Plutôt que de supplanter, il s’agit bien plus ici d’intégrer ainsi que de développer des services subsidiaires à destination de la profession juridique dans son ensemble.

Romain Keppenne

business analyst, LeBonBail