Les bots devaient marquer la fin des applis en 2016. Où en est-on ?

Pratique
Par Frédéric Feytons (Tapptic) · 14/09/2017


La “mode” des chatbots a connu des hauts et des bas ces derniers temps. Avec des signaux parfois mal interprétés venant de Facebook, notamment. De bons à tout faire, ils sont désormais perçus comme des outils dont l’usage devra être plus sélectif. Analyse de la situation et des perspectives par Frédéric Feytons, CTO de Tapptic.

Avril 2016, Marc Zuckerberg annonce en grande pompe l’arrivée des bots sur Facebook Messenger. L’ensemble de la presse spécialisée titre “Les applis sont mortes, vive les bots!”. Les bots sont annoncés comme étant “intelligents”, capables de comprendre le “langage naturel” utilisé par les humains pour communiquer entre eux.

Fini donc d’appuyer sur des boutons pour obtenir la météo du jour, à partir de maintenant vous demanderez à un bot “Dois-je prendre mon parapluie aujourd’hui pour aller à Bruxelles ?”. Fini d’appeler le fleuriste ou de passer une commande sur son site web, vous expliquerez au bot que c’est l’anniversaire de votre compagne et que vous avez besoin de fleurs, il s’occupera du reste !

Menu hiérarchique en lieu et place du clavier

Pourtant, près d’un an plus tard, en mars 2017, une mise à jour discrète de Facebook Messenger supprime l’accès immédiat au clavier lorsque vous discutez avec un bot. A la place ? Un menu hiérarchique, le retour des boutons ! Et la presse de titrer “Facebook met à jour ses chatbots de sorte à éviter que les utilisateurs n’essaient de chatter avec eux”.

Derrière cette mise à jour, le constat est sans appel: les bots sont nombreux (près de 100.000) mais l’immense majorité d’entre eux peine à trouver des usages significatifs.

Pourquoi ?

Premier problème – et de taille -, celui de la découverte: où trouver les bots ? Force est de constater que si la quasi totalité des utilisateurs de smartphones ont le réflexe d’aller dans l’App Store ou le Play Store pour découvrir de nouvelles applis, ces mêmes utilisateurs ne savent bien souvent pas où aller pour découvrir les bots.

Pire encore, une tranche importante de la population ne sait toujours pas ce qu’est un bot ni quelle est sa valeur ajoutée par rapport à une appli ou un site web.

Face à cette difficulté, Facebook a d’ailleurs annoncé en avril 2017 la mise à disposition dans Messenger d’un “Discover Tab” – sorte d’App Store des bots -, mais cela n’est pas encore déployé dans toutes les zones géographiques du globe.

Les alternatives en attendant le “Discover Tab” : taper le nom exact du bot dans la barre de recherche d’un contact (une faute de frappe et vous n’obtiendrez pas le bot !), ou encore scanner son “Messenger Code” si celui-ci est disponible mais, là aussi, peu d’utilisateurs sont habitués au scan de ce type de code.

Le problème des attentes des utilisateurs

Second problème d’importance: le petit monde du bot a fait une erreur fondamentale l’année passée. A savoir que la barre des attentes des utilisateurs a été fixée beaucoup trop haut. Toutes les annonces autour des bots ont été réalisées en expliquant aux utilisateurs qu’ils pourraient avoir une conversation en langage naturel grâce aux technologies à base d’Intelligence Artificielle de type “NLP” ou “Natural Language Processing”.

Ainsi, tout bon bot des premières heures commençait par vous demander comment vous alliez et vous installait dans le sentiment que vous alliez pouvoir vous exprimer comme bon vous semblait.

Malheureusement, aussi avancées que soient les technologies de NLP, elles restent encore relativement limitées et, si vous avez utilisé un bot entre avril 2016 et aujourd’hui, il y a 10 chances sur 10 pour que vous ayez expérimenté plus d’une fois cette réponse devenue aujourd’hui emblématique des bots : “Désolé, je ne comprends pas ce que vous me demandez”.

En d’autres termes, la plupart des expériences avec des bots des premières heures ont été extrêmement décevantes, ce qui n’a pas aidé à les rendre suffisamment populaires que pour être adoptés par une tranche significative de la population.

Est-ce la fin des bots ?

Non, pas pour autant ! Au bout de cette année, on y voit enfin plus clair. S’il est aujourd’hui évident que les bots ne provoqueront pas la fin des applis, il y a par contre de grandes chances pour qu’ils provoquent la fin des échanges humains “à faible valeur ajoutée”.

Le cas d’usage le plus emblématique et avec le plus de traction aujourd’hui est sans conteste celui du support utilisateur : les bots ont la capacité de prendre et traiter la plupart des interactions “simples” – quelles sont les heures d’ouverture ? quelle procédure suivre si je veux retourner cet article qui ne me convient pas ? quel est le statut de ma commande ? …

Et dès qu’une question nécessite plus de réflexion, la communication est transférée vers un agent humain.

Résultat: on constate une amélioration de 30% en moyenne de l’efficacité du traitement des demandes utilisateur lorsque les agents humains sont assistés par des bots.

Pensez à tous ces temps d’attente au téléphone ou par mail vers la compagnie d’électricité, vers votre fournisseur de téléphonie, vers votre concession, etc.

Ou pensez aux services d’urgence: leur plus important problème aujourd’hui est de faire le tri à la plus grande vitesse possible entre les vraies urgences et le reste – la situation à absolument éviter étant bien sûr celle d’une personne dans une vraie situation d’urgence bloquée dans la file d’attente pendant que le service répond à des demandes moins importantes.

Un bot leur permet de démultiplier leurs capacités de triage pendant que les agents humains se chargent du traitement de l’urgence.

Pas de problème de découverte: le bot se branche sur votre canal existant de communication avec vos utilisateurs. Pas de problème d’attente utilisateur non plus: dès que le bot se sent en difficulté, il transfère la requête vers un agent humain.

On constate une amélioration de 30% en moyenne de l’efficacité du traitement des demandes utilisateur lorsque les agents humains sont assistés par des bots.

Autre usage des plus intéressants pour un bot: la création d’un nouveau canal de notifications. KLM exploite actuellement cette piste. A la fin d’un processus de commande de billets d’avion sur l’interface web (PC), vous pouvez choisir de recevoir les notifications liées à votre vol sur Messenger plutôt que par SMS.

Triple avantage: premièrement le coût du SMS disparaît, ensuite vous vous créez un canal de communication par notification avec le smartphone même si votre appli n’est pas installée sur le téléphone de l’utilisateur, et troisièmement l’interaction est plus riche puisqu’il est plus simple de transférer du contenu de type image via Messenger plutôt que par SMS (carte d’embarquement…) et, surtout, vous pouvez avoir une interaction légère avec votre utilisateur sous la forme d’un bouton pour modifier  par exemple le vol ou la place.

En d’autres termes, le bot constitue également un excellent canal d’interaction secondaire, en support d’un canal d’interaction primaire, dans ce cas-ci le Web. Vous avez alors la possibilité de poursuivre l’interaction avec votre utilisateur là où celle-ci se serait normalement terminée à la fermeture de la fenêtre du navigateur de l’utilisateur.

Un contenu adapté au canal

Chaque canal mérite un contenu adapté et force est de constater que cela a parfois été oublié dans le cas des bots.

Beaucoup de rédactions de sites d’actualité se sont en effet lancées sur ce canal quasiment en “copiant-collant” leur contenu web vers les bots.

C’est ainsi qu’en tant que lecteur, vous vous retrouviez très vite à ouvrir des pages web mobiles depuis le bot pour lire un contenu parfois relativement long. Certains acteurs ont compris aujourd’hui qu’il est nécessaire de ré-éditer l’article avec du contenu plus léger, et dans un style d’écriture plus adapté à une interface de messagerie.

A gauche, TechCrunch qui envoie très vite ses utilisateurs sur son site web mobile et, à droite Freshr, avec un contenu ré-écrit pour mieux s’adapter au support.

C’est par exemple le cas du bot Freshr en France dont l’équipe comporte un rédacteur chargé de réécrire les articles d’actualité des grandes rédactions en articles au style et au format optimisé à un bot.

A gauche, TechCrunch qui envoie très vite ses utilisateurs sur son site web mobile et, à droite Freshr, avec un contenu ré-écrit pour mieux s’adapter au support.

Un contenu adapté en particulier plus court et plus “facile” à lire donne au bot une valeur ajoutée plus perceptible par rapport aux “raccourcis vers un site web mobile”.

Les Smart Speakers : une renaissance pour les bots

Une autre opportunité pour les bots: le déferlement sur le marché des “Smart Speakers”, ces enceintes audio équipées de micros longue portée, capables non seulement de jouer de la musique mais aussi et surtout de répondre à vos commandes vocales.

Equipés de l’AI “Alexa” d’Amazon ou de “Google Assistant” de Google, ces appareils peuvent répondre à des questions générales (météo, news, informations de type Wikipedia…), contrôler votre domotique et également accueillir des bots qui pourront étendre leurs fonctions.

Encore peu présents sur nos marchés francophones de par leur support absent ou trop limité du français, les Smart Speakers d’Amazon (l’Amazon Echo) et de Google (le Google Home) connaissent un succès retentissant outre-Atlantique. A titre d’exemple, l’engouement était tel pour l’Amazon Echo qu’Amazon – maître incontesté de l’e-commerce – s’est retrouvé en rupture de stock à quelques jours de Noël.

Le succès de ces nouvelles interfaces vocales s’explique notamment par le fait que ces nouveaux appareils se placent dans des moments d’usage encore peu exploités: tous ces moments où vos mains et/ou vos yeux sont occupés à autre chose et ne peuvent pas se servir d’une interface tactile. De nombreuses interactions deviennent ainsi possibles sans recourir à la gestuelle: suivre une

recette de cuisine, lire et répondre à ses messages en conduisant, gérer la musique de la pièce, etc.

Frédéric Feytons

CTO de Tapptic