Unified Post, une inconnue wallonne (ou quasi) aux grandes ambitions

Portrait
Par Olivier Fabes · 22/03/2016

Si vous appelez le ‘contact center’ de Unified Post, vous tomberez essentiellement sur des interlocuteurs néerlandophones et pourtant, le siège social du groupe Unified Post (UP Group) est basé en Wallonie, à La Hulpe. Son CEO et co-fondateur Hans Lebaert nous reçoit dans son bureau avec superbe vue sur le domaine Solvay et le château de la Hulpe, dans un immeuble-campus où siège également le promoteur immobilier Atenor (pour ceux qui connaissent).

“Je vais essayer de sonner aussi wallon que possible“, nous dit-il avec cet humour surréaliste si belge… “Historiquement, Unified Post est né en 2000 sur les bases du rachat d’une société de développement Millsurf, basée à Genval. Le fonds d’investissement public wallon SRIW, via CD-Technicom, a été notre actionnaire de référence jusqu’en 2010, année où elle a vendu ses parts au fonds d’investissement néerlandais Nimbus.

En 2014, ce dernier s’est lui-même retiré lors d’un management buy-out, soutenu par une série d’investisseurs. De Genval, nous avons assez rapidement déménagé vers la Hulpe. Nous nous sommes toujours sentis bien dans le Brabant wallon, pourquoi changer?”,  retrace Hans Lebaert. Plus prosaïquement, il épingle que les aides publiques wallonnes, sous forme d’avances récupérables, ont constitué un atout non négligeable pour une entreprise de logiciels qui investit par définition pas mal dans la R&D avant d’en retirer les dividendes.

Momentum digital

Pendant 14 ans, l’entreprise a ‘vivoté’ tranquillement, avec un chiffre d’affaires aux alentours de 3 millions d’euros. Jusqu’à ce qu’elle réalise que le momentum de la digitalisation était là pour passer à la vitesse supérieure.

Unified Post a levé, fin janvier, 10 millions d’euros auprès de divers investisseurs: PE Group (la famille Van Rompaey, derrière les succès DocPharma et Uteron), SmartFin Capital (le fonds ‘fintech’ cofondé par Jurgen Ingels, ex-Clear2Pay, auquel participe ING), Cytiholding (Michel Delloye, ex-RTL Group et EVS) et, last but not least, le fonds Fortino de Duco Sickinghe (ex-CEO de Telenet), qui rejoint le conseil d’administration.

Du beau monde donc, plutôt du nord du pays, même si Michel Delloye et Baudouin Jolly (‘partner’ dans Fortino) sont francophones. A noter encore que Unified Post avait déjà levé 6 millions fin 2014.

Cette manne est mise à profit pour poursuivre une stratégie d’acquisition déjà bien à l’œuvre depuis plusieurs mois. L’entreprise a notamment racheté, début de cette année, ZET Solutions, une société néerlandaise spécialisée dans l’e-invoicing et les services d’intégration. Elle avait déjà mis la main en Belgique ou aux Pays-Bas sur des sociétés de niche comme Finodis, PowertoPay et The eID Company (à Wavre). Un directeur général – belge – vient d’être engagé pour intégrer toutes ses acquisitions en un ensemble cohérent, plutôt qu’une galaxie de filiales et entités juridiques comme actuellement.

Ce nouveau DG n’est autre que Tom Van Acker, auparavant CIO de la division “factoring” de BNP Paribas Fortis pour l’Europe, qui avait précédemment (jusqu’en 2004) travaillé chez EDS en qualité de consultant et ensuite de responsable business development.

“Notre métier historique est la facturation électronique”, explique Hans Lebaert, “mais nous avons étendu notre offre à l’e-paiement, à la gestion sécurisée des documents et à la gestion de identités. Toujours en mode SaaS. Nous voulons développer une sorte d’Appstore sur des niches de marché ‘fintech’, explique Hans Leybaert.

S’estimant à présent leader dans le Benelux, Unified Post a pour ambition de conquérir l’Europe et prépare une acquisition en ce sens. Son chiffre d’affaires de près de 19 millions (fin 2015) est généré pour 10 millions aux Pays-Bas, 3 millions au Luxembourg et le solde en Belgique. L’entreprise possède une équipe de développement en Roumanie. Une septantaine de collaborateurs travaillent à la Hulpe, dont environ une moitié de Wallons, à en croire Hans Lebaert.

Hans Leybaert: “Nous voulons développer une sorte d’Appstore sur des niches de marché fintech.”

Ambitieuse, Unified Post table sur un chiffre d’affaires de 25 millions cette année (+ 39%) et compte porter ses effectifs de 180 à 220 d’ici la fin de l’année. “L’avantage du modèle ‘cloud’ est la récurrence des revenus. Chaque euro investi génère plus qu’un euro de revenu.”

L’entité Unified Post s.a., elle aussi logée à la Hulpe, a terminé l’année 2014 avec des pertes de 3,2 millions d’euros. “Des pertes exceptionnelles dues à une dépréciation comptable des investissements réalisés entre 2012 et 2014 et à un litige en justice avec un client, entre-temps réglé par un accord,” explique Hans Lebaert. Les résultats consolidés du groupe, fin 2015, affichent un résultat net négatif de 2 millions. Les investissements devraient en principe porter leurs fruits dès cette année, avec un retour à la rentabilité attendu pour fin 2016.

Garagistes, comptables ou intérimaires

Pour grandir, Unified Post mise sur une diversification de son offre – des grandes entreprises vers les PME. Via la fédération Renta (pour les sociétés de leasing automobile), elle connecte déjà 3.000 garagistes à une centrale de pneus pour tout ce qui touche à la facturation et au paiement. Avec les professionnels du chiffre regroupés dans Forum for the Future, Unified Post a développé Bill2Box, une solution d’e-invoicing pour les comptables.

Et si les intérimaires peuvent désormais directement signer électroniquement leur contrat sur leur lieu de travail, c’est grâce à une collaboration entre Unified Post et la fédération Federgon.

Parmi les grands comptes, les références de l’entreprise sont notamment Lampiris, Randstad, Assuralia (via l’application Zoomit), Rabobank ou Reuters.

“Notre objectif est d’être leader en Europe en capitalisant sur notre position dans le Benelux et notre expertise du monde SaaS. Face à la concurrence internationale, surtout américaine, le cloud crée la possibilité d’un paysage informatique plus ‘glocal’ (Ndlr: contraction de global et local) où il y a de la place pour plusieurs acteurs interconnectés,” estime Hans Lebaert.

Le temps des gros dinosaures ERP serait donc révolu. Il sait de quoi il parle puisqu’il a travaillé jadis pour l’éditeur ERP néerlandais Baan.