Yves Pigneur et l’importance du prototypage: tester et encore tester

Hors-cadre
Par Olivier Fabes · 19/11/2013

Diplômé (notamment) en informatique des Facultés de Namur, Yves Pigneur a consacré une bonne partie de son enseignement et de sa recherche aux systèmes d’informations et aux nouvelles technologies. Et même s’il s’en est un peu écarté au profit de recherches plus transectorielles sur la pertinence des “business models”, ses référents sont souvent liés au secteur des technologies de l’information au sens large.

Son Business Model Canvas, méthode pour définir un “business model” cohérent et holistique, basé sur 9 blocs (activités, canaux, partenaires, ressources, clients-cibles, etc.) était conçu à la base pour de jeunes entrepreneurs. Il est de plus en plus adopté par de grandes firmes désireuses de se réinventer.

Valider les besoins des clients

Impossible bien sûr de résumer un exposé très dense de 3 heures en quelques lignes, mais s’il ne fallait retenir qu’une chose des leçons apprises par Yves Pigneur, c’est bien l’importance du prototypage dans toute démarche d’entreprise. Tel un architecte, il faut réaliser des croquis, comparer des scénarios, tester chaque idée, prévoir une ou plusieurs alternatives. Avancer par “trial and error”.

Yves Pigneur: “De plus en plus d’investisseurs de capital-risque utilisent des modèles de testing. L’argent n’est plus libéré d’un coup, mais au fur et à mesure de la validation des différents prototypes.”

Chaque prototype doit permettre de tester et valider une hypothèse à propos des besoins du client. Trop d’entrepreneurs imaginent des besoins qui n’en sont pas. Et de citer deux exemples d’entreprises dans le secteur technologique qui ont perdu des centaines de millions de dollars pour s’être méprises sur les besoins réels des clients.

Flo TV, tout d’abord, une initiative pionnière portée par le CEO de Qualcomm, qui pensait populariser de petits écrans de TV pour regarder la télévision n’importe où. Le public n’a jamais accroché. Les terminaux étaient trop petits et trop coûteux et les gens n’ont pas si souvent l’occasion et/ou l’envie de regarder un film sur un terminal mobile. Et puis les smartphones sont arrivés…

L’autre exemple, toujours axé sur la TV sur Internet, concerne l’échec de l’alliance entre Google TV (logiciels et contenus) et Logitech (boîtier hardware). Les deux sociétés ont mis fin à l’aventure en novembre 2011, face à un cuisant échec commercial.  “Le concept est arrivé trop tôt”, diront-elles.

Pour éviter de telles mésaventures, nous explique Yves Pigneur, de plus en plus d’investisseurs de capital-risque utilisent des modèles de testing, notamment dans leur soutien financier aux développeurs de logiciels: “l’argent n’est plus libéré d’un coup, mais au fur et à mesure de la validation des différents prototypes.”

Le succès des Amazon Web Services

A l’inverse, une bonne recette consiste parfois à partir d’un modèle existant pour en créer un nouveau. C’est le cas d’Amazon avec le lancement de ses Amazon Web Services en 2004. La société de Jeff Bezos a eu l’idée d’utiliser sa propre infrastructure IT, à la solidité éprouvée lors des pics de fin d’année notamment, pour proposer des services web à des sociétés qui veulent vendre sur l’Internet. Résultat: un nouveau business pesant 4 milliards de dollars, avec des marges confortables et une croissance de 200%…

Les trois mutations selon Yves Pigneur

– d’une innovation basée sur la technologie et les produits à une innovation basée sur le ‘business model’ (exemples: Nespresso ou Dell)

– de ‘check lists’ et ‘business plans’ à des ‘business model stories’ (un modèle d’affaires doit raconter une histoire, avec des interactions et des mécaniques)

– de modèles d’affaires durables à des modèles d’affaires transitoires: ne pas hésiter à modifier les tarifs, les canaux, etc. Les bons modèles d’affaires sont en mouvement permanent.