Robots-conseilles bancaires: l’apocalypse du travail [lisez: emploi] devra attendre (3ème partie)

Hors-cadre
Par Carl-Alexandre Robyn · 26/06/2017

Il y a quand même une complémentarité entre l’algorithme et les employés de la banque. En effet, la composante humaine reste intéressante en amont et surtout en aval du conseil per se. On a toujours besoin d’opérateurs, à la fois pour convaincre le client de se soumettre à l’algorithme-maison, l’aider à encoder ses données privées et professionnelles, traiter ses réclamations, l’accompagner administrativement dans la mise en œuvre de solutions financières complexes découlant de l’ingénierie patrimoniale prônée par le robot, par exemple.

Le gestionnaire humain sera toujours nécessaire: il deviendra simplement moins important ! A moins que le client ne donne la primauté à tout ce qui entoure le conseil et non pas à la recommandation elle-même. Quoi qu’il en soit, si des plans de formation pointus sont prévus pour le personnel bancaire, ils doivent surtout viser à améliorer les soft skills plutôt que l’expertise des employés (universitaires ou non), celle-ci ne pouvant atteindre qu’un plafond qui sera à terme aisément dépassé par de nouveaux algorithmes.

“La composante humaine reste intéressante en amont et surtout en aval du conseil per se.”

Un client ne se résume pas à des paramètres objectifs. En quelques minutes, en voyant et en écoutant comment un client raconte sa situation, évoque son problème, par exemple, on apprécie son état mental mieux qu’un ordinateur. Les conseillers bancaires jouiront encore longtemps de l’avantage de leur quotient émotionnel dont sont dépourvus les robots. Ainsi, les relations humaines entre conseillers et clients, précieuses pour certains, ne seront pas totalement sacrifiées.

Les syndicats montent au créneau pour dénoncer le sentiment croissant d’insécurité par rapport à l’emploi dans les banques. En effet, les transformations que subit le secteur bancaire engagé dans une digitalisation à marche forcée, ne sont pas sans conséquences sur les risques psychosociaux, le stress et la souffrance au travail des équipes. C’est la conclusion d’une enquête universitaire réalisée pour le compte du premier syndicat de la branche bancaire française (le Syndicat national de la banque – SNB-CFE-CGC) auprès de 6.736 salariés.

“Les conseillers bancaires jouiront encore longtemps de l’avantage de leur quotient émotionnel dont sont dépourvus les robots. Ainsi, les relations humaines entre conseillers et clients, précieuses pour certains, ne seront pas totalement sacrifiées.”

Même si l’irruption de l’IA et du digital fait grandir le sentiment d’insécurité par rapport à l’emploi dans les banques, il n’y a pas lieu de paniquer. Des conseils automatisés délivrés à tout moment du jour ou de la nuit, par des robots de mieux en mieux conçus engendreront beaucoup plus de requêtes de la part des clients et donc davantage de solutions financières à apporter et à mettre en œuvre. Comme les solutions prônées par les robots sont quasi-instantanées tandis que leur mise en œuvre s’étale dans le temps, la charge de travail requérant un accompagnement administratif humain ira en s’accroissant, et par conséquent la nécessité pour les banques de recruter des “secrétaires de clients” sera plus prégnante.

Dès lors, le banquier clamant que “Grâce aux robots on a besoin de moins d’effectifs, on peut faire de la croissance sans recruter !” est atteint de myopie.

Source: KissKissBankBank

En réalité, si l’IA ne va pas remplacer les conseillers, elle va quand même considérablement modifier les métiers. Le digital ne change pas seulement les perspectives des salariés, il altère aussi leur quotidien. Selon l’étude citée précédemment: de moins en moins de salariés estiment disposer du temps nécessaire pour accomplir leur travail et de plus en plus, notamment les employés dans les fonctions de front-office des réseaux d’agences, en contact permanent avec la clientèle, indiquent que leur rythme de travail est imposé par des contraintes techniques.

Cette dimension doit donc être intégrée dès aujourd’hui dans les études financières.  L’automatisation des activités de la profession de conseiller financier a des conséquences tout à la fois sur le profil des candidats recherchés et sur la formation. Les banques devraient recommencer à recruter des universitaires (bacs+5: titulaires du diplôme supérieur de finance et de gestion, grade master) à la sortie de l’université ou des écoles de commerce, ou alors des bacs+3 en alternance en vue de se former pour un bac+5. Bref, les candidats les plus à l’aise en informatique, pour maîtriser les systèmes d’information.

Sentiment d’insécurité, manque de formation, course aux résultats, quantités colossales d’informations à emmagasiner expliquent pourquoi la plupart d’entre nous avons un jour ou l’autre eu le sentiment désagréable que notre conseiller financier ne nous écoutait pas vraiment lors de l’entretien et/ou avait tendance à comprendre une réalité autre que celle que nous tentions de lui expliquer ou encore nous donnait l’impression qu’il/elle, pensait savoir d’avance ce qui nous convenait. Probablement en fonction des informations parcellaires qu’il/elle, détenait ou qu’il/elle, avait choisi de sonder et peut-être aussi en fonction de l’envie de nous vendre tel ou tel produit ou service engendrant une plus belle commission.

Carl-Alexandre Robyn

Start-up Financial Architect (Cabinet Valoro)