La Wallonie regorge de talents dans le domaine du numérique. Par ailleurs, le tissu industriel wallon est majoritairement composé de PME, souvent spécialisées dans le registre B2B. N’y a-t-il pas des outils à mettre en place pour encore mieux rapprocher ces atouts et ainsi tirer profit d’un gisement de valeur non encore pleinement exploité?
Sur le terrain, on constate en effet une fracture entre, d’une part, les sociétés focalisées sur la production de hardware innovant et, d’autre part, les prestataires de services software à haute valeur ajoutée. Même s’il existe des fleurons wallons qui rassemblent une expertise à la fois hardware et software, les nouvelles pousses tendent à se focaliser sur un seul de ces deux créneaux au début de leur activité.
Désamour?
Les facteurs suivants expliquent ce constat :
- Du côté “hardware”, on a tendance à percevoir le logiciel comme un mal nécessaire. Les sociétés habituées aux produits mécaniques et électroniques se sentent perdues devant des sous-traitants qui appliquent des méthodologies de développement dites “agiles” qui leur sont inconnues. Confrontées à de nombreux “buzzwords” (big data, deep learning, blockchain, cloud…), elles peinent à déterminer si telle fonctionnalité est simple ou complexe à programmer, et à définir un budget global réaliste. Il n’est pas rare de devoir traiter avec plusieurs prestataires qui ont des spécialités différentes (par exemple pour développer les fonctionnalités embarquées, puis un serveur d’analyse de données, puis une application mobile), ce qui rend d’autant plus incertain le processus d’industrialisation et sa valorisation.
- Du côté “software”, on préfère se tenir à distance respectable du matériel. Dans la mesure où ce dernier est perçu par les informaticiens comme une boîte noire régie par des lois physiques qui n’ont pas été apprises durant les études, peu de sociétés software se spécialisent en informatique industrielle. Elles ont plutôt tendance à miser sur la “customisation” de produits standard (dits “COTS” – “commercial off-the-shelf”), comme un ERP ou un site Internet) ou sur le développement d’applications Web et mobiles. Par ailleurs, leurs clients tendent à sous-traiter au coût le plus bas, dans un contexte de concurrence à l’échelle globale, aux dépens de la qualité du logiciel et de la dynamisation du tissu industriel local.
Plus que jamais, la Wallonie doit pourtant cultiver des synergies pluridisciplinaires combinant hardware et software. C’est pourquoi le WSL, partenaire des techno-entrepreneurs en Wallonie, a initié, en complément de sa plate-forme de prototypage hardware WSLlab, le projet Atom-IT afin de rapprocher le logiciel intelligent du matériel innovant, dans une perspective B2B, au service d’une chaîne de valeur intégrée.
Eviter les écueils communs
Atom-IT se positionne comme un interlocuteur technique neutre et de confiance en matière d’ingénierie logicielle. L’idée est d’éviter les écueils communs aux entreprises innovantes qui combinent hardware et software, à travers une promotion des technologies et méthodologies reconnues dans l’industrie.
Plus que jamais, la Wallonie doit cultiver des synergies pluridisciplinaires combinant hardware et software.
Il est en effet de notoriété publique que l’informatique a fait un immense bond en avant: les méthodologies de développement et les langages de programmation sont de plus en plus matures, toutes les briques logicielles de base sont librement disponibles grâce à l’essor de l’open source, le hardware bénéficie d’une standardisation sans précédent qui autorise le prototypage rapide (Raspberry Pi, Arduino…), la main d’œuvre wallonne est d’excellente qualité…
Le franc doit tomber
Il ne reste plus qu’à évangéliser et à créer du lien. Voici quelques messages de fond qu’Atom-IT essaime auprès de l’industrie :
- Les entreprises et les services publics doivent avant tout investir dans les talents numériques, et non dans le matériel. La meilleure infrastructure IT du monde aura toujours besoin de femmes et d’hommes pour la rentabiliser. Pour ce faire, la sensibilisation au codage et à l’algorithmique à l’école et en entreprise est capitale.
- Il faut s’appuyer sur des technologies pérennes et qui ont fait leurs preuves. L’informatique moderne regorge d’exemples d’outils “en vogue”, mais dont la durée de vie n’a pas excédé quelques années.
- À tout moment, il doit être possible de récupérer l’intégralité de ses données et de les migrer vers un autre logiciel ou vers une autre infrastructure. C’est tout l’enjeu de l’interopérabilité et des architectures ouvertes.
- La valeur d’un logiciel ne se mesure pas en lignes de code ou en puissance nécessaire pour le faire tourner. Au contraire, il faut favoriser la concision et la légèreté, qui rendent le système plus versatile et maintenable par une plus petite équipe. Les systèmes monolithiques ou totipotents doivent inspirer la méfiance.
Les entreprises et les services publics doivent avant tout investir dans les talents numériques, et non dans le matériel. La meilleure infrastructure IT du monde aura toujours besoin de femmes et d’hommes pour la rentabiliser.
Dès janvier 2017, Atom-IT a appliqué ces lignes directrices à la promotion des technologies de l’Internet des Objets (IoT): cycle d’expérimentation pratique auprès d’entrepreneurs, d’universités et de Hautes Écoles ; accès, pour les entreprises partenaires actives dans les dispositifs électroniques communicants, à un interlocuteur technique pour des échanges autour de l’ingénierie logicielle ; site Internet pour la fertilisation croisée entre sociétés ; mise à disposition du “serveur Atom-IT” sous forme d’un logiciel libre et open source permettant de “couler une chape” par-dessus les réseaux de télécommunication utilisés en IoT (5G, LoRa, Sigfox…). Autrement dit, permettant à une application qui travaille avec des séries temporelles de facilement basculer d’un réseau à un autre.
Le 10 octobre, WSL inaugurera son nouveau site du Val Benoît à Liège. Si vous désirez échanger avec ses équipes à cette occasion, envoyez un message pour être informés des détails pratiques.
Agnès Flémal (WSL)
Sébastien Jodogne (Osimis, ULiège)
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