Covid-19: Pourquoi le secteur numérique ne fait-il pas partie des “infrastructures critiques” essentielles?

Hors-cadre
Par Laurens van Reijen · 09/04/2020

Malgré les restrictions sanitaires imposées depuis ces trois dernières semaines, le secteur technologique se porte plutôt bien en Belgique. Grâce à la numérisation croissante du travail, 92% des employés continuent de travailler à domicile, réduisant ainsi le chômage technique à son minimum. Selon Agoria, dans les secteurs du numérique et des télécommunications, le chômage temporaire équivaut actuellement à environ 7%.

Sur la base de ces chiffres, le secteur numérique semble essentiel. Or, selon le législateur,                              l’infrastructure qui sert à la prévention d’un incident de sécurité n’est toujours pas considérée comme “essentielle” ou “critique”. L’“infrastructure critique”, tel que définie actuellement, couvre uniquement la production “vitale” et le transport d’énergie, les noeuds du transport essentiels, les maillons indispensables des transferts financiers électroniques et les connexions vitales des communications électroniques.

Il est étrange que le secteur numérique n’en fasse pas pleinement partie. La législation dans le domaine des infrastructures critiques est à la traîne.

Pourtant, avec la crise du COVID-19, l’infrastructure numérique a bien été reconnue par le gouvernement comme un “service essentiel”, c’est-à-dire indispensable à la protection des besoins vitaux de la nation et de la population.  Toutefois, la définition que le législateur donne de l’“infrastructure numérique” n’est pas claire. Reste à espérer que la démarche soit pragmatique…

Démonstration par l’extrême

La récente crise sanitaire a montré la valeur ajoutée qu’offre le secteur du numérique. Le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC) constitue en effet l’un des principaux secteurs innovants de l’économie.

Au total, la Belgique compte plus de 200.000 travailleurs des TIC et le besoin augmente de 4% chaque année. En ce moment, le secteur manque cruellement de 16.000 experts numériques. Cette carence ne couvre pas seulement les collaborateurs les plus diplômés, mais aussi les techniciens d’installation et les sous-traitants qui bâtissent l’infrastructure des télécommunications.

Chez LCL, par exemple, l’un de nos clients a mis à niveau son système informatique ces derniers jours, afin de permettre à ses employés d’accéder au réseau de l’entreprise dans le cadre du télétravail. Plus de 4.000 employés ont ainsi échappé au chômage technique! Dans nos centres de données, de nombreux opérateurs LCL travaillent d’arrache-pied pour assurer ces mises à niveau des systèmes et augmenter les volumes de données gratuitement pour faciliter le travail à domicile.

Cependant, tous les métiers dans les centres de données et les TIC ne peuvent pas s’effectuer virtuellement. Une grande part de travail doit encore être effectuée physiquement. Aujourd’hui, de nombreux techniciens s’activent, chez Fabricom, chez Veolia… – pour effectuer les réparations et l’entretien des installations. Il faut en tenir compte.

En outre, si la mise à niveau des systèmes reste aisée, si le redimensionnement des machines virtuelles est suffisamment rapide, nous avons néanmoins déjà utilisé ces deux dernières semaines toutes les infrastructures initialement planifiées pour les six prochains mois. Sans compter les constats suivants: dans notre pays, les charges de travail et les capacités de calcul des centres de données ont augmenté d’un facteur 6,5 entre 2010 et 2018. Ces huit dernières années, le volume de données a été multiplié par 26!

Autre exemple, pensez à la 5G et aux retards de la 4G à Bruxelles. Que ce serait-il passé si on n’avait pas investi dans la 4G à Bruxelles?

L’infrastructure informatique doit toujours rester accessible. La continuité du travail doit être assurée à tout moment. L’introduction de la virtualisation et de la technologie cloud est une avancée majeure qui va dans le bon sens. Mais l’absence de soutien aux entreprises de développement technologique est un véritable problème.

LCL, tout comme les entreprises des secteurs TIC, espère une évolution rapide, positive et pragmatique de la législation. Les centres de données et les TIC devraient jouer un rôle de premier plan dans cette législation. La crise actuelle a démontré la nécessité d’un soutien renforcé des entreprises de développement technologique, de l’information et de la communication. Elles sont cruciales sur les plans socio-économique, environnemental et sanitaire. Concrètement, les infrastructures du numérique doivent être intégrées dans les “infrastructures critiques”. De surcroît, la notion d’ « infrastructure du numérique » devrait être clairement définie.

Ce n’est pas une question de confort mais de contribution active au bien-être et à la survie de tous.

Laurens van Reijen
Directeur général
LCL Data Centers