Nos exposants à Barcelone: entre être, paraître et convaincre

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Par Brigitte Doucet, Olivier Fabes · 25/03/2015

Une vingtaine de sociétés francophones (wallonnes et bruxelloises) ont eu l’occasion de participer, au début mars, à la grand-messe du mobile qui se déroule traditionnellement à Barcelone. La majorité d’entre elles ont pu partager un stand au salon Mobile World Congress tandis que deux autres (deux jeunes start-ups wallonnes) avaient planté leur tente au 4 Years from Now (4YFN), le petit cousin, réservé aux start-ups qui leur permet de distinguer de la foule compacte des exposants au “grand” salon.

Qu’en ont-elles retiré, une telle participation a-t-elle réellement de l’intérêt, quelles furent leurs impressions générales? Nous avons posé la question à quelques-unes d’entre elles.

D’une manière générale, tous apprécient d’avoir eu l’occasion de s’exposer pendant près d’une semaine, de “pitcher” leur projet à des partenaires ou investisseurs potentiels. “Le Mobile World Congress permet de rencontrer des gens avec qui on parle parfois depuis longtemps mais qu’on n’a jamais rencontrés”, déclare Georges-Alexandre Hanin, patron de Mobilosoft. “C’est aussi l’occasion de se confronter au marché, de brainstormer. C’est là que naissent les accords, les partenariats, les idées…”

Pour Freddy Janssens, fondateur de ReunIT, société de Courcelles spécialisée dans la virtualisation d’applications, il ne fait aucun doute que le stand belge, qui en impose d’emblée par sa taille et son animation (les fameuses fins de journée bières belges…), apporte une visibilité et une crédibilité à toutes les PME qui y prennent part. “On touche directement les bonnes personnes. L’effet d’accélération est évident.”

ReunIT tend pour ses raisons à privilégier le MWC à un autre grand événement technologique, le CeBIT à Hanovre, qui a lieu dix jours plus tard.

George-Alexandre Hanin: “Le Mobile World Congress, c’est l’occasion de se confronter au marché, de brainstormer. C’est là que naissent les accords, les partenariats, les idées…”

Christophe Hendrickx, responsable business development l’étranger chez Escaux, un fournisseur de services de communication unifiée (voix sur IP), dresse lui aussi un bilan très positif de sa présence sur le stand belge au MWC. Escaux est une habituée, présente pour le 5e fois: “L’avantage est de pouvoir non seulement rencontrer des clients et prospects mais surtout de leur donner à voir des démos de nos nouvelles solutions. Les gens prennent le temps de découvrir les possibilités d’une expérience de communication unifiée.”

Source: HoccInvest

Si des contacts se sont noués, la concrétisation n’est pas toujours au rendez-vous. C’est que les visiteurs, qu’ils soient des professionnels ou de possibles investisseurs, étaient venus, pour beaucoup, se faire une idée globale, voir un maximum d’exposants, faire en sorte du lèche-vitrine avant de passer à l’acte. C’est en toute cas la manière dont le duo de la start-up liégeoise Generycs (voir notre portrait par ailleurs) a ressenti les choses.

D’autres ont davantage réussi à “concrétiser l’essai”. Ce fut le cas pour ReunIT.

Depuis peu, la société cible plus spécifiquement les opérateurs télécoms soucieux de proposer à leur clientèle PME des solutions applicatives tout en un. C’est surtout dans cette optique que l’entreprise avait pris un stand cette année au MWC, après avoir prospecté en “simple visiteur” l’année précédente. “Notre objectif est effectivement de nouer des contacts avec des opérateurs en démontrant notre complémentarité: ils apportent la connectivité, nous adaptons l’applicatif à cette connectivité”, résume Freddy Janssens, le fondateur de ReunIT.

Freddy Janssens (ReuniIT): “Pour être efficace, la présence au salon doit être bien préparée dans les deux ou trois semaines qui précèdent. Le MWC constitue un deadline qui nous oblige à être créatifs.”

Et visiblement, il n’a pas été déçu: “Nous avons pu initier deux contacts concrets, l’un avec Telecom Luxembourg qui a déjà débouché sur des rendez-vous pour finaliser les contrats, et un autre très prometteur avec Télécom Tunisie. Nous voulons d’abord démontrer notre compétence dans de petits pays, avant d’aller démarcher les plus grands.” Cerise sur le gâteau, ReunIT a également pu rencontrer des professionnels indépendants intéressés par son offre de formation en virtualisation, à travers toute l’Europe.

Concrètement…

Pour Generycs, le salon 4 Years from Now fut l’occasion de confirmer une intuition. A savoir que l’Espagne est potentiellement une terre fertile pour les paris sportifs (même pas ou peu intéressés). Comme le jeu existe déjà en espagnol…

Ce fut aussi l’occasion d’une rencontre avec un entrepreneur… indien, qui possède un site en Angleterre. D’une pierre deux coups (virtuels). Mais aussi la perspective de décliner le jeu pour un autre type de public. Si le foot est roi outre-Manche, l’Inde, elle, n’est pas encore convertie. Par contre, le cricket est une cible toute trouvée – et très prisée aussi au-delà des white cliffs… Perspective intéressante mais qui ne se transformera en produit qu’à la condition qu’un partenariat tant entrepreneuriat que financier puisse être conclu. “Lors de notre passage dans la Silicon Valley, nous avions également réalisé un prototype pour le basketball [NBA oblige] mais nous ne voulons pas en faire un véritable module tant que nous n’avons pas la communauté [d’utilisateurs] nécessaire ni les sponsors.” Cette démarche est valable également pour d’autres sports.

La société a également noué un contact préliminaire avec une radio de Barcelone qui pourrait devenir partenaire (ou sponsor) pour l’appli.

Tant Generycs que Tribab (les deux invitées wallonnes du salon 4YFN) ont pu “pitcher” devant quelques investisseurs. Il faudra (r)animer leur intérêt éventuel dans les mois qui viennent.

Du côté de Mobilosoft, la semaine catalane fut l’occasion de nouer des contacts avec d’éventuels futurs partenaires dans le monde du retail et des nouveaux médias. Tous acteurs qui sont intéressants dans le cadre de son propre positionnement qui est celui de la diffusion d’informations pour points de vente sur un maximum de supports et canaux (Internet, réseaux sociaux…). “Médias et canaux sociaux sont très demandeurs d’une solution qui leur permettrait de mettre leurs données à jour, ce qui n’est pas leur métier”, souligne Georges-Alexandre Hanin.

Barcelone n’a pas permis de signer des contrats immédiats mais certains contacts sont jugés “porteurs”. En ce compris du côté de possibles partenaires belges.

Tribab, elle, a apprécié de pouvoir entrer en contact avec une audience directement intéressée par les innovations que proposent de jeunes start-ups. “Au MWC, les gens – en ce compris les médias – ne s’intéressent qu’aux tout grands. Au 4YFN, il est plus facile de les accrocher.”

Loin de chez soi, près des voisins

Comme d’habitude, comme lors de tout salon ou mission économique à l’étranger, la première satisfaction des participants belges est d’avoir pu rencontrer des concullègues bien de chez nous, quel que soit le côté de la frontière linguistique concerné.

On n’en finit pas de s’étonner qu’il faille embarquer tout le monde aux antipodes ou, en l’occurrence, de l’autre côté des Pyrénées, pour que les acteurs locaux découvrent qu’il y a d’autres pépites et partenaires potentiels à un jet de pierre de chez eux.

Ce constat, nous l’avons à nouveau entendu de la bouche des responsables de Mobilosoft ou de Generycs. C’est à Barcelone que cette dernière s’est découvert de possibles atomes crochus avec Tribab qui était également du voyage. Voir le portrait que nous en dressons dans cet autre article.

Ce qui est d’autant plus étonnant que ces deux sociétés sont toutes deux des lauréates du concours Boostup Industries créatives (programme Creative Wallonia) et que le lien, dès lors, aurait pu être tissé plus tôt, sans quitter le sol national pour une mise en relation…

Même si les Belges se sont découverts entre eux lors du MWC, bien du chemin reste à faire pour réellement faire tomber toutes les barrières. “Pourquoi ne pas organiser, entre nous, toutes Régions confondues, une petite séance de pitch, le matin, avant que n’arrive la foule des visiteurs? 30 secondes chacun pour se présenter, apprendre à se connaître”, propose Georges-Alexandre Hanin (Mobilosoft). “Quand on voit les Français… Ils se connaissent tous et s’entr’aident…

Créer et marketer une marque belge. Georges-Alexandre Hanin (Mobilosoft): “Ce qu’une agence a réalisé pour les Diables rouges, ne peut-on pas le faire pour les sociétés technologiques?”

S’il a apprécié d’avoir sa place sur le stand conjoint des Régions belges au MWC, il n’en demeure pas moins envieux de ce que font par exemple les Français avec leur bannière French Tech. “On voyait la marque partout. Si, en Belgique, on pouvait créer une marque telle que French Tech, les gens en parleraient plus. Nous pourrions tous la valoriser.” Et d’ajouter sur le ton de la boutade (mais en est-ce une?): “nous les Belges sommes plus sympa, plus compétents. Nous avons de multiples atouts mais nous ne les ‘marketons’ pas. Ce qu’une agence a réalisé pour les Diables rouges, ne peut-on pas le faire pour les sociétés technologiques?”

A noter que cette réflexion est venue quelques jours avant que les auteurs du Startup Manifeste belge ne proposent la “marque” #BeWafflePrendra-t-elle? Relire notre article