HERA Awards 2019: outil de promotion d’une vision ICT à 360 degrés

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Par Delphine Jenart · 15/05/2019

“Il faut accepter de planter pour que d’autres récoltent ailleurs et plus tard.” Cette citation de l’auteur de science-fiction Bernard Werber résume la philosophie d’un organisme lui bien réel, à savoir la Fondation pour les Générations Futures (FGF).

Créée il y a plus de 20 ans avec pour leitmotiv de “transmettre un monde habitable à nos enfants”, la Fondation organisait ce 9 mai la dixième cérémonie des Hera Awards (Higher Education and Research Awards for future generations” à l’université Saint-Louis de Bruxelles. Voir encadré ci-dessous.

La Fondation se définit comme “plateforme de philanthropie transformatrice”: étudiants, chercheurs, porteurs de projets et philanthropes sont ensemble appelés à trouver des solutions “360 degrés” à la gestion de la complexité de ces défis. Par défis entendez transitions durable, énergétique, économique, démocratique, numérique, démographique…

Hera implique les 6 universités de Fédération Wallonie-Bruxelles et sous la bannière “Préparer les cerveaux de demain”, compte aujourd’hui 9 prix d’excellence: le bisannuel “Doctoral Thesis Award for Future Generations” (d’une valeur de 7.500 euros) et l’annuel “Master’s Thesis Awards for Future Generations” (d’une valeur de 2.500 euros) qui met en lumière huit domaines (neuf dès 2020), dont celui des technologies de l’information durables: alimentation, santé, architecture, design et ingénierie, finance, économie, ICT/technologies de l’information, démocratie, ainsi que sciences de l’ingénieur dès 2020.
Au-delà de six universités, le Prix Hera mobilise 60 membres pour le jury, 740 membres professeurs qui relaient les appels à candidatures, 98 étudiants et doctorants candidats, 20 nominés, 23 promoteurs et 20 partenaires mécènes parmi lesquels Cera, le Fonds Philippe Rotthier, la Banque Triodos, ou encore EVS et Civadis qui soutiennent le Master Thesis dédié aux technologies de l’information durables.

Adresser les grands défis de notre époque en misant sur une approche de pensée et d’action à 360 degrés pour tendre vers un développement soutenable de nos sociétés: le message de la Fondation résonne avec force à l’heure où jeunes et moins jeunes investissent les rues soucieux de l’avenir de la planète.

“L’enseignement et la recherche jouent un rôle essentiel dans cet objectif de transition”, avance Benoît Derenne, directeur exécutif de la fondation FGF, dans son discours d’ouverture de la cérémonie. “Le changement passe par de nouvelles manières de penser et d’évaluer. Il nous appartient à tous de créer ces nouveaux modèles d’hybridation.”

“Préparer les cerveaux de demain” 

Une approche à 360° ou comment articuler quatre dimensions (sociale, environnementale, économique et participative) dans toute prise en compte de ces problématiques. Ce sont là les quatre “P” constitutifs de l’ADN de la Fondation: People pour l’impact sur le bien-être des êtres humains, Planet pour l’impact sur l’environnement et le cadre de vie, Prosperity pour la viabilité économique sur le long terme, et Participatory governance pour la prise en compte des enjeux démocratiques.
Pour développer ce “logiciel” à large échelle, le Prix Hera de la FGF est à coup sûr son action la plus visible.

Faire avancer la réflexion et les pratiques liées aux technologies de l’information dans un cadre soutenable.

Le principe des Master’s Thesis Awards: récompenser les étudiants ayant déjà été délibérés (la distinction est le niveau minimum requis) pour leur approche transversale ou “360” de la problématique traitée.

Trois prix “Sustainable IT”

Lancée en 2017, la catégorie “Master Thesis Award Sustainable IT” couvre le champ des matériels, logiciels et services utilisés pour la collecte, le traitement et la transmission de l’information. Il s’adresse prioritairement aux étudiants en informatique, quoique le palmarès 2019 ait révélé des profils dans les sciences et la gestion de l’environnement ou le droit des technologies de l’information et de la communication.

Présidé par l’administrateur délégué de l’Union Wallonne des entreprises Olivier de Wasseige, le jury a choisi cette année de mettre trois travaux en lumière pour leur capacité à traduire des préoccupations prégnantes en propositions technologiques concrètes, et pour la complémentarité de leurs approches.

Implications environnementales de la blockchain

Bâtie sur le principe de décentralisation, la blockchain nous est vendue depuis plusieurs années comme l’une des technologies les plus prometteuses et trouve des développements multiples allant de la finance à la démocratie, si l’on en croit certains travaux relatifs notamment à l’avenir du vote électronique.

Jean-Claude Englebert (à dr.) reçoit une HERA Awards, catégorie Sustainable IT, pour un travail d’étude consacrée à la blockchain – Source: Fondation pour les générations futures.

C’est son application dans la sphère environnementale qu’a choisi d’explorer Jean-Claude Englebert, diplômé d’un master de l’Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire (IGEAT) de l’ULB, par ailleurs échevin de l’environnement à la commune de Forest de 2012 à 2018 et lauréat 2019 du prix Sustainable IT.

A travers un travail d’évaluation environnementale de la blockchain, le lauréat pose la question de sa pertinence pour résoudre des problématiques environnementales et pour ce faire, l’envisage en termes de consommation de ressources, de consommation énergétique, de mode de gouvernance… “Etudier la manière dont une technologie transforme la relation entre la société et l’environnement”: Jean-Claude Englebert évalue aussi le coût énergétique des blockchains Bitcoin et Ethereum, tout en plaçant le sujet en perspective avec des enjeux éthiques et politiques.

Jean-Claude Englebert entend poursuivre l’exercice dans le cadre d’une thèse de doctorat et contribuer aux applications environnementales de la blockchain en offrant un cadre de réflexion de référence absent jusqu’alors.

Durabilité multi-critère pour équipements électroniques

Et si l’on dotait chaque device électronique d’un indicateur allant de 0 à 10 permettant d’aiguiller le consommateur dans un acte d’achat plus responsable? L’explosion de ces équipements n’est pas sans effet sur l’environnement et les matières premières. Egalement diplômé en sciences et gestion de l’environnement de l’IGEAT (ULB), David Junot propose l’adoption d’un indicateur de durabilité relatif aux métaux rares intervenant dans la fabrication des équipements de type smartphones, tablettes et ordinateurs portables, en appliquant une liste de critères de durabilité à ces métaux (durée de vie du produit, énergie consommée lors de l’extraction, criticité à savoir l’importance économique et le risque d’approvisionnement desdits métaux).

La problématique des droits de l’homme posée par l’extraction des minerais dans certaines parties du monde est aussi prise en compte dans la réflexion du mémorant, qui plaide pour une plus grande sobriété matérielle dans le domaine des TIC.

L’éco-conception, enjeu logiciel de demain

Si l’impact de l’informatique sur l’environnement est aujourd’hui bien circonscrit dans sa dimension matérielle, on en sait par contre beaucoup moins sur sa dimension logicielle et pourtant il s’agit là d’un réel enjeu. Car si le hardware est l’infrastructure de notre société numérique, le logiciel en est le paysage.

“Planter pour que d’autres récoltent ailleurs et plus tard”: Les Hera Awards invitent chaque année à une fête de l’esprit à 360 degrés, car les enjeux sont de taille, et les générations futures le valent bien.

Son master en sciences informatiques de l’université de Namur en poche, Antoine Sacré a poursuivi avec une spécialisation en droit des technologies de l’information et de la communication et a développé dans ce contexte une revue complète de la littérature internationale sur les enjeux environnementaux et la soutenabilité des logiciels considérés sur l’ensemble de leur cycle de vie.

Son objectif concret à terme: équiper les concepteurs de logiciels d’une grille d’analyse compilant les facteurs d’impact sur l’environnement (activités réalisées durant le processus de développement et de maintenance, la durée d’exécution du logiciel, etc). Ce travail a le mérite de lister également un certain nombre d’écueils à surmonter pour améliorer l’éco-conception logicielle, tels que l’absence d’unanimité quant à la définition même de durabilité informatique, la confusion entre soutenabilité et longévité, le manque d’informations rigoureuses sur les facteurs influençant la durée de vie, le faible recours aux énergies renouvelables, etc.

Technologies de l’information, développement durable et coopération au développement

Soulignons aussi parmi les autres catégories du Prix, le mémoire d’Erica Berghman, lauréate de la catégorie “Master Thesis Award Design et ingénierie”.

Cette diplômée ingénieur civil informatique de l’école polytechnique de l’ULB a mis au point la modélisation informatique d’un système de production d’eau potable alternatif par filtration naturelle sous lit de rivière, afin d’approvisionner en eau potable des populations boliviennes éloignées des canaux classiques de distribution. Une solution testée in situ (le projet s’inscrit dans le cadre d’un partenariat mené entre l’ULB et la société bolivienne des eaux et des égouts) pour optimiser le rendement de ces systèmes de filtration (réduction des coûts financiers et environnementaux).