Patrick Cohendet (MosaiC): “La capacité à intégrer la diversité des savoirs est le nouveau moteur de croissance”

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Par Olivier Fabes · 14/11/2013

Hier, à l’occasion de la Semaine de la Créativiité, Laurent Simon et Patrick Cohendet de l’institut québécois MosaiC, émanation de HEC Montréal dédiée à la recherche sur l’économie créative, donnaient une Master Class à l’Aula Magna de Louvain-la-Neuve. Thème: la créativité comme nouveau moteur de croissance économique.

Patrick Cohendet: “Le scientifique ou l’expert n’est pas mis de côté, mais il doit pouvoir échanger avec des personnes d’autres horizons.”

Plusieurs fois, les deux professeurs de HEC Montréal ont fait référence à l’une des “bibles” sur le rôle économique de la créativité, à savoir: “Mass Flourishing” du Prix Nobel d’économie (2006) Edmund Phelps. Cet économiste est l’un des plus fervents défenseurs de la théorie selon laquelle ce n’est plus le progrès technique qui pousse la croissance des entreprises mais la capacité à intégrer des idées de divers horizons au sein d’une démarche d’innovation.

L’accès aux idées a été considérablement démocratisé (notamment sous l’effet de l’Internet), les entreprises doivent donc exploiter cette mine potentielle. “Nous avons connu la société industrielle, puis la société de l’information, puis la société basée sur les connaissances et à présent la société créative. Dans cette dernière, la richesse ne vient pas de l’accumulation des machines ou des connaissances mais de la faculté à intégrer des savoirs dispersés,” résument Patrick Cohendet et Laurent Simon.

Concrètement, cette diversité implique, d’un point de vue managérial, que le point de vue d’un scientifique n’est pas nécessairement plus précieux que celui d’un artiste, d’un développeur ou d’un activiste de l’environnement.

“Le scientifique ou l’expert n’est pas mis de côté, mais il doit pouvoir échanger avec des personnes d’autres horizons,” expliquent les deux professeurs, qui se sont attardés sur quelques caractéristiques des industries dites créatives (jeux vidéo, audiovisuel, culture, loisirs, gastronomie, etc.). “La plupart des ‘champions’ de ces industries créatives n’ont pas de département R&D formalisé, pas de laboratoire bien délimité.”

Patrick Cohendet: “La richesse ne vient pas de l’accumulation des machines ou des connaissances mais de la faculté à intégrer des savoirs dispersés.”

L’entreprise toute entière est un laboratoire en quelque sorte, décloisonné. “Et les grandes entreprises manufacturières et automobiles commencent d’ailleurs à s’intéresser à ces labos.” Deuxième spécificité: les leaders de la créativité sont rarement dépendants d’un seul “génie créatif”. “Regardez Google, IBM ou Ubisoft pour prendre un exemple québécois.”

L’exemple de l’iPod

Les deux professeurs illustrent la victoire de la créativité par l’intégration sur la créativité purement scientifique par un exemple connu de tous: l’iPod. “Ce produit comporte en fait très peu d’éléments créatifs d’un point de vue scientifique, si ce n’est quelques éléments de mémoire Flash achetés à des Coréens. Et la fameuse molette tactile est le résultat d’un brevet acheté dès 1983 à une petite société américaine tierce [Ndlr: un Japonais conteste d’ailleurs toujours la paternité de ce brevet]. Par contre, l’iPod se démarque par une forte créativité esthétique et par une très forte créativité au niveau du business model. L’iPod a véritablement créé un nouveau modèle pour l’industrie du disque. Steve Jobs a lui même reconnu que le succès de l’iPod était d’avoir misé habilement sur la diversité des savoirs.”

Savoirs des ingénieurs, des designers, des artistes mais aussi des commerciaux de la ‘music industry’.