Former les commerçants au “commerce connecté”. Le point en 2015

Tribune
Par Dominique Moraux · 23/02/2015

Nous avons toujours à l’esprit le commerce local, bien ancré dans son mode de vente traditionnel, et le e-commerce pour les achats en ligne.

Pourtant, aujourd’hui, le numérique fait partie de la vie courante de la majorité des individus et transforme profondément les processus d’achat.

Prenez votre cas ou celui de vos proches.

Vous passez de la recherche d’un objet en ligne à l’essayage en magasin ou vice-versa. Vous comparez les prix via Internet et identifiez les promotions disponibles près de chez vous. Vous vérifiez les “avis clients” et suivez les conseils de vos “amis” sur les réseaux sociaux. Vous recevez des informations publicitaires personnalisées et géolocalisées lorsque vous surfez. 

Et vous faites tout cela, à tout moment, en utilisant le PC, la tablette et le smartphone.

Oui, le parcours d’achat a totalement changé en comparaison de celui d’il y a 10 ans ou même d’il y a 3 ans. Et ceci n’est encore que le balbutiement de ce qui verra le jour dans les années futures. Il est grand temps pour les commerçants de sauter dans le train en marche.

La santé du commerce passe par son adaptation au “commerce connecté”

Passer vers le commerce connecté demande avant tout une véritable prise de conscience pour les commerçants, une connaissance des nouveaux enjeux et une bonne utilisation des outils courants.

Pour une liste – certes non limitative – des formations disponibles, voir notre article “Quelles formations numériques pour les commerçants?” 

A première vue, l’offre de formations est riche et variée (la liste que nous publions n’est d’ailleurs pas du tout exhaustive). On constate toutefois que ces initiatives sont très disparates en termes de publics visés, de contenus et d’objectifs à atteindre et que les commerçants ne disposent pas d’un aperçu clair et complet des formations auxquelles ils peuvent avoir accès.

Cet éventail de formations couvre-t-il les besoins de nos commerçants?

Certainement pas!

L’accompagnement des commerçants vers le numérique est un point dont il est essentiel de se préoccuper en 2015 et qui demande une véritable analyse :

  • en quoi consistent les nouveaux mécanismes de vente que les commerçants devraient maîtriser?
  • les commerçants sont-ils demandeurs et prêts à s’investir?
  • faut-il former directement les commerçants ou plutôt les décideurs et les organismes locaux?
  • quelles sont les pistes à envisager pour l’avenir?
En quoi consistent les nouveaux mécanismes de vente?

Utiliser uniquement les termes  “site web” et  “e-commerce” est aujourd’hui bien dépassé.

Les spécialistes du commerce parlent de show-rooming, de cross-canal, de web-to-store, de web-in-store, de ropo (research online, purchase off-line), de click & collect, de commerce connecté, de retargeting… Autant de concepts hermétiques pour bien des commerçants.

Ces spécialistes analysent ces thématiques et l’évolution prévue dans les prochaines années. Ils développent des solutions, des applications et des technologies innovantes pour aller encore plus loin dans cette nouvelle approche du commerce.

  • De grandes enseignes, comme Darty en France, ont réellement mis en place des solutions performantes pour répondre très largement aux attentes des clients. A voir, cette petite vidéo sur DailyMotion.
  • D’autres chaînes, comme Hunkemöller ou Desigual, adoptent également le cross-canal pour faciliter les achats. La cliente a accès au Click & Collect, c’est-à-dire qu’elle peut faire son shopping en ligne et identifier les articles dans le point de vente de son choix, pour aller les essayer et finalement les acheter s’ils conviennent.
  • Les commerçants indépendants devraient également tirer parti des solutions numériques dans leur processus de vente s’ils veulent rester concurrentiels. Les Food Trucks comme “Keep on Toasting” l’ont bien compris et utilisent Twitter, Facebook ou Foursquare pour indiquer à leurs clients l’endroit où ils se trouvent et le menu du jour.

Les exemples de bonne utilisation du numérique sont nombreux et extrêmement variés.

Mais, dans la pratique, on constate aujourd’hui un véritable fossé entre les enseignes les plus actives et bon nombre de commerces locaux qui n’adaptent pas leurs techniques de vente.

Encore faut-il que les commerçants aient une vue claire des enjeux et du potentiel du commerce connecté et la volonté d’évoluer.

Les commerçants sont-ils prêts à s’investir dans le numérique?

Tous les commerçants ne peuvent certainement pas être placés dans le même panier.

Les grandes enseignes disposent en interne d’une équipe formée au marketing et au numérique. Elles peuvent également dégager des budgets pour suivre des formations de haut niveau ou faire appel à des spécialistes externes en stratégie numérique.

Parmi les commerçants locaux, une minorité d’entre eux se sentent à l’aise avec le numérique et l’utilisent dans le cadre professionnel. S’ils identifient des techniques qui leur seraient utiles, ils font eux-mêmes la démarche de rechercher les conseils ou les formations dont ils ont besoin pour les mettre en place. Voir cette vidéo sur YouTube.

Malheureusement, une grande partie des commerçants sont encore très frileux par rapport au numérique. Certains utilisent à peine l’e-mail. S’ils possèdent un site Internet, il a souvent été réalisé sans aucune réflexion stratégique, juste pour répondre à l’effet de mode.

Ils ne disposent en tout cas pas des connaissances nécessaires pour définir leurs besoins, élaborer un plan d’action bien pensé, ni même identifier le module de formation qui leur sera utile.

Pourtant, aborder le numérique ne doit pas se faire au hasard mais tendre vers des objectifs précis comme:

  • être visible, facile à contacter et mettre en valeur ses points forts et ses promotions
  • avoir une bonne réputation
  • fidéliser les clients
  • diversifier ses canaux de vente.

Chaque commerce devrait être en mesure d’établir sa propre stratégie, de faire preuve de créativité et de sélectionner les applications et prestataires en toute connaissance de cause.

Les aspects qui touchent au “commerce connecté” sont très vastes et il n’est pas possible de tracer un parcours unique à transmettre à l’ensemble des commerçants. Bien au contraire !

Chaque commerce devrait être en mesure d’établir sa propre stratégie, de faire preuve de créativité et de sélectionner les applications et prestataires en toute connaissance de cause.

Former le plus largement possible ces commerçants, et les aider à atteindre ces objectifs, nécessiterait:

  • des outils de conscientisation bien pensés et largement diffusés
  • un accompagnement individualisé, de la définition des objectifs à la mesure des résultats obtenus
  • un éventail bien structuré de modules de formations

Former les commerçants locaux au commerce connecté nécessiterait la mise en place d’une véritable politique globale.

Former les commerçants ou les organismes et décideurs locaux ?

Il ne faut pas oublier qu’aider les commerçants locaux, c’est aussi un moyen de soutenir l’emploi local, de sauvegarder un cadre de vie agréable pour les habitants et de redynamiser l’image du centre-ville.

 

Lire notre dossier complet sur les (petits) commerçants face à l’e-commerce et les pistes qui s’offrent à eux.

Les décideurs et les organismes locaux ont donc un rôle important à jouer et doivent certainement s’en préoccuper.

Former les échevins du commerce et les responsables d’organismes locaux (ADL, Gestion centre-ville…) fait probablement partie des priorités afin qu’ils puissent à leur tour mettre en place des solutions numériques pour dynamiser leurs quartiers commerçants et y faire participer les commerçants eux-mêmes.

Différentes initiatives intéressantes, en France, sont à souligner:

  • le “Réseau des Centres-Villes Durables et de l’Innovation” s’intéresse tout particulièrement aux questions relatives au commerce connecté
  • le programme “Transition numérique” gère un réseau de conseillers sur tout le territoire pour sensibiliser et accompagner les PME dans leur appropriation du numérique
  • le CEFAC (Centre d’ Etudes et de Formation des Assistants techniques du Commerce) a réalisé des modules pédagogiques mis à disposition de ces conseillers pour qu’ils forment à leur tour les commerçants et artisans locaux
  • l’Institut Supérieur des Métiers donne aux élus les clés pour percevoir les spécificités des initiatives pour le territoire et pour ancrer ces initiatives dans un projet de développement durable.
D’autres pistes à envisager pour l’avenir?

Nous sommes dans une période de transition. Les commerçants actifs aujourd’hui n’ont pas été formés au numérique en début de carrière. La situation est d’ailleurs comparable avec celle du secteur de l’enseignement.

Par contre, il serait utile de réagir au plus vite pour que cette situation soit prise en charge pour l’avenir.

Les études de type enseignement professionnel ou les formations qualifiantes telles que dispensées par l’IFAPME devraient largement aborder les “aspects numériques du futur” pour mettre tous les outils à portée de leurs étudiants.

De même, des formations axées sur la “vente connectée”, à destination des demandeurs d’emploi, donneraient certainement des débouchés intéressants.

En conclusion

Pour redynamiser le secteur du commerce, et en particulier les commerces locaux, il est indispensable de les aider à franchir le pas vers les solutions numériques et le commerce connecté. Place à nos pouvoirs publics et aux organismes concernés à prendre en main et coordonner au plus vite des actions bien pensées.

Dominique Moraux se décrit comme une “passionnée par les outils numériques et le développement territorial”. Elle a ainsi initié l’expérience-pilote de Dour, en partenariat avec l’asbl Dour Centre-Ville.