Un certificat “Digital Skill Indicator” pour tous dès 2020?

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Par · 29/05/2019

Agoria, parmi d’autres, tape constamment sur le clou: la numérisation de tous les métiers impose une nouvelle attitude par rapport à l’apprentissage de compétences. Pour faire court: personne n’y échappe et l’adaptation doit être constante.

L’étude Be the Change avait donné du contexte à quelques chiffres bruts: perte de 235.000 emplois entre 2016 et 2030 en raison de la “digitalisation” et de l’automatisation, création potentielle de  840.000 nouveaux emplois pendant la même période et pour les mêmes raisons (mais des emplois dont on ne soupçonne souvent pas encore la nature – et les exigences).

Mais – surtout – un immense no-man’s-land de 584.000 postes non pourvus si l’on ne déploie pas une stratégie de formation et de requalification adéquate. Relire l’article détaillé que nous consacrions au sujet lors de la sortie de l’étude Be the Change d’Agoria.

Quelle que soit la nature de son travail, chacun devra donc, dans des proportions croissantes, maîtriser une certaine gamme de compétences numériques. Agoria, avec l’aide du Forem, d’Actiris et du VDAB, a décidé de proposer un outil permettant à toute personne active ou en recherche d’emploi de pouvoir faire état de son niveau de connaissances et compétences numériques.

Le “Digital Skill Indicator” est sensé servir d’attestation, de certificat d’aptitude d’un genre nouveau, listant les compétences que la personne détient parmi un panel de 24 “digi-skills”.

“Commençons par le plus petit commun dénominateur…”

Parmi la longue – quasi-interminable – liste de compétences numériques possibles (allant s’allongeant au gré de l’apparition de nouvelles technologies et solutions numériques), Agoria en a pointées 24, considérées comme “standard” [Ndlr: ou devant le devenir] sur le marché. 24 compétences-repère qui constituent une base de référence.

A noter que les 24 compétences ont été définies en recourant à une terminologie “la plus simple et universelle possible”. Elles sont donc stipulées dans des termes assez génériques. Pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, parce que les compétences et profils numériques ne sont pas réellement codifiés sur le marché. Ensuite – et c’est une conséquence directe -, parce qu’il existe des différences dans la manière dont ces compétences et profils sont exprimés par le Forem, Actiris, le VDAB et sur les différents marchés (géographiques et sectoriels).

Autre raison invoquée par Jeroen Janssen, chef de projet “Be the Change” et expert Marché de l’emploi et RH chez Agoria: “utiliser un langage simple permet de l’appliquer à la totalité du marché du travail du pays et le rend compréhensible par tout le monde”.

Jeroen Janssen (Agoria): “le plus important est de rendre l’outil et l’explication des compétences le plus simple possible pour chaque individu. En effet, le numérique fait encore peur. Et, par ailleurs, les gens ne s’imaginent pas encore très bien ce que le numérique veut dire dans le cadre de leur métier.”

 

A charge pour chaque entreprise, pour chaque employeur, d’effectuer une corrélation entre ce vocabulaire simplifié avec ses propres terminologie et critères. “En interne, la définition des compétences sera bien entendu affinée.”

Un exemple: l’une des 24 compétences listées est intitulé “multilinguisme”. “Cela couvre notamment l’aptitude ou la possibilité qu’a l’individu d’apprendre un nouveau contexte logique, un nouveau langage informatique…”

Auto-évaluation et laissez-passer

Ces 24 compétences ont été croisées avec les 75 profils “les plus présents sur le marché du travail”. Cette “matrice de compétences”, bien évidemment et nécessairement, est appelée à évoluer dans le temps.

Source: Be the Change – Agoria 2019.

Le “Digital Skill Indicator” est présenté comme un “passeport”, une sorte de document en mode laissez-passer que chacun pourra produire, un certificat bon-pour-le-service-numérique. Un indicateur que chacun se construira en mode auto-évaluation et qui permettra à chacun de se faire une idée de ce qu’un métier, actuel ou futur), ou ce que des perspectives professionnelles imposent comme connaissances et compétences numériques. Chacun pourra alors se servir de ce “passeport” au quotidien – dans ses démarches professionnelles, dans son CV…

La forme exacte du Digital Skill Indicator doit encore être précisée. Un certificat virtuel hébergé et géré sur un site centralisé, consultable à la demande, avec lien actif vers les réseaux sociaux, le profil LinkedIn…? Un certificat que l’on emporte partout avec soi – dans son eID, sur une clé USB, via une appli sur son smartphone…?

L’évaluation des compétences, elle, se fera via un questionnaire en-ligne. “Si le niveau est satisfaisant et si la personne obtient un score suffisant, elle reçoit un certificat, avec date d’expiration.”

L’“indicateur individuel de compétences numériques”, pour garder sa pertinence, devra être régulièrement remis au goût du jour. “Ce sera une sorte de diplôme, mais avec une date d’expiration”, souligne-t-on chez Agoria. Logique puisque, par définition, les compétences acquises et/ou maîtrisées vieillissent vite, de plus en plus vite, se font ringardiser et dépasser par l’évolution constante des technologies et des métiers.

Jeroen Franssen (Agoria): “A terme, le but est de favoriser un développement maximum des 24 compétences répertoriées auprès de la population active.”

 

Le passeport personnel permettra d’afficher les trois principales compétences que l’on maîtrise déjà et trois autres qu’on se fait fort – ou “pour lesquelles on formule l’ambition” – d’acquérir à courte ou moyenne échéance. “Les entreprises doivent mieux communiquer, en interne, sur l’importance qu’il y a à maîtriser et à faire évoluer ses compétences numériques. Mais les employés, eux aussi, devraient communiquer clairement sur leurs ambitions, sur ce à quoi ils s’engagent”, déclare Jeroen Franssen

Pourquoi se limiter à trois compétences? La raison invoquée par Agoria laisse un peu penseur. Ce ne serait qu’une limite appliquée dans les premiers temps de l’existence du Digital Skill Indicator. Une manière de “mettre tout le monde sur un même pied d’égalité”.

“Généralement, sur un CV, on ne mentionne d’ailleurs pas plus de compétences. Nous voulons surtout permettre à tout le monde et en particulier aux jeunes de jouer à égalité, quel que soit leur parcours jusqu’ici. Un jeune ayant suivi l’université et une série de cours lui procurant des compétences orientées numérique aurait forcément plus de choses à afficher qu’un jeune en décrochage qui est par exemple passé par Molengeek et dont le CV est encore quasiment vierge. L’idée, au départ, est de créer un level playing field et d’ouvrir la porte de l’avenir à tout le monde…

Révision tous les trois ans

Evaluer le degré de compétences numériques d’une personne sur le marché de l’emploi exigera que le “Digital Skill Indicator” lui-même et l’outil d’évaluation en-ligne soit en concordance avec l’évolution des technologies, les besoins du marché, les caractéristiques et exigences des différents métiers. Comment Agoria compte-t-il actualiser cet outil? Comment évaluer l’obsolescence des compétences, métier par métier, technologie par technologie? Comment déterminer les dates de péremption?

La “matrice” qui croise compétences et métiers ou profils sera réactualisée tous les trois ans, promet-on. Compétences et exigences des profils et métiers seront analysées par des experts métier (Agoria dit pouvoir s’appuyer sur un panel de 80 experts, avec au minimum deux spécialistes de chaque secteur d’activités).

Et il sortira quand ce Digital Skill Indicator?

Le questionnaire en-ligne permettant à chacun(e) de s’auto-évaluer devrait être en ligne à la fin de l’année.

Agoria, les trois organismes régionaux pour l’emploi et, côté wallon, les Centres de Compétences (Technofutur TIC, Technifutur, Technobel, Techoncité), sont en train de travailler à un autre volet de l’outil. Un volet plus informatif mais aussi pratico-pratique. L’idée est de lier à chaque compétence numérique listée, en fonction du secteur d’activités dans lequel elle devra être exercée, à des informations concrètes sur les programmes de formation disponibles pour les acquérir ou les remettre à niveau. “Pour telle compétence, toute personne pourrait ainsi déterminer quelle formation est possible, auprès de quel organisme, selon quel degré de spécialisation…”

Dans une phase ultérieure, prévue vers 2020, Agoria dit vouloir mettre à disposition une appli qui, via des mécanismes de gamification, incite chacun à développer davantage ses compétences numériques, en se faisant ainsi valoir auprès de sa communauté, ou encore “partager des bonnes pratiques, se défier…”