PIX fait ses (vrais) débuts en Belgique: phase de généralisation tous publics à la rentrée

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Par · 31/08/2022

“Evaluer, développer et certifier les compétences numériques des francophones” afin que chacun et chacune puisse de manière optimale “communiquer, s’informer ou encore réaliser des démarches administratives dans le cadre de sa vie personnelle, professionnelle et citoyenne”. Tel est l’objectif annoncé de la mise en oeuvre – après un long périple de préparation (c’est un peu un sujet “monstre du Loch Ness”…) – du référentiel et de la plate-forme d’acquisition de compétences numériques Pix.

L’outil, d’origine française, étendu entre-temps à l’international comme aide au développement de compétences numériques, existait certes depuis de nombreuses années mais son utilisation est sujette à certaines conditions selon les publics visés – simples citoyens, personnes en formation (scolaire ou autre), entreprises, agents des pouvoirs publics… “En France, l’accès de Pix est certes gratuit pour les citoyens mais pas pour les administrations ou le monde de l’enseignement”, indique par exemple Aurélien Fiévez, conseiller à la transition numérique au sein du CEN (centre d’expertise numérique) de l’ETNIC (partenaire informatique du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles). Les contenus demeuraient en outre très hexagonaux.

Toutes raisons qui ont poussés le Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles à rechercher un accord avec le ministère français de l’Éducation nationale , de la Jeunesse et des Sports et le G.I.P. (groupement d’intérêt public) Pix afin de procéder à une “échange d’expertise” dans le cadre de la transposition de l’outil et du contenu de la plate-forme en-ligne à destination d’un public belge francophone. La convention passée permet en outre – et surtout – d’en ouvrir l’utilisation (gratuite) au grand public, au monde de l’enseignement belge francophone – du primaire jusqu’à l’universitaire – et de l’administration.

Toute extension future à d’autres publics (entreprises, agences à l’emploi…) devra faire l’objet de conventions séparées avec les organes compétents. On peut par exemple penser à Agoria, au Forem ou à Actiris..

En mode projet-pilote depuis deux ans

Quelque 350 fonctionnaires et collaborateurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles – promus cobayes ou testeurs pour la circonstance – ont goûté aux contenus Pix depuis environ deux ans, avant même que la convention officielle avec son homologue français et le consortium Pix ne soit donc signée, début 2022.

Objectif: “défranciser l’outil”, en éliminant les spécificités (par exemple, compétences et processus propres à l’assurance-maladie française), vérifier la pertinence des contenus pour un public belge et, dans un deuxième temps (encore à venir), ajouter des contenus “belgo-belges” là où les pratiques et contextes locaux l’exigent.

Au sein du Ministère, la phase de test a donc impliqué quelque 350 fonctionnaires qui ont ainsi été chargés d’identifier les compétences sur lesquelles mettre la priorité, évaluer l’outil en termes d’ergonomie, de fonctionnalités et vérifier la pertinence des contenus, explique Aurélien Fiévez.

Dans la foulée de la phase de test, le déploiement au sein du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles a démarré voici quelques mois. A ce jour, quelque 1.200 agents, sur un total de 7.500, ont ainsi découvert Pix. Ces premiers de cordée font essentiellement partie du personnel d’encadrement, histoire de pouvoir diffuser ensuite vers leurs équipes (courant 2023).

Le recours à la plate-forme Pix a concerné prioritairement les processus de gestion des ressources humaines. Et ce, à trois niveaux: la formation, le recrutement et l’accueil des nouveaux agents et, enfin, l’évaluation des agents.

Seules les deux premières finalités sont actuellement visées par l’utilisation de Pix (la formation depuis quelques mois, l’accueil de nouveaux agents depuis le début de l’été).

La troisième (évaluation des agents) doit encore faire l’objet d’une évaluation par le comité de direction (sans doute en décembre de cette année) et d’une discussion avec les syndicats.

Les premiers résultats, à des fins de formation ou d’évaluation de candidats, sont prometteurs, affirme Aurélien Fiévez. En mode formation, quelque 2.000 sessions de formation sont ainsi passées par Pix – ce qui indique que certains agents (parmi les 1.200 concernés) ont procédé à plusieurs exercices et évaluations. 

Pour les besoins du recrutement, certains profils sont d’ores et déjà évalués en ayant recours à la plate-forme Pix (via des exercices d’auto-évaluation). “Par le passé, l’évaluation des compétences numériques des candidats se faisait classiquement sur PC. Par exemple pour évaluer leur aptitude à maîtriser des outils bureautiques ou de collaboration.

Le recours à Pix permet désormais de mieux cibler les compétences et nous fait gagner beaucoup de temps.”

Quels types d’aptitudes sont évaluées? Des compétences en collaboration (travail en équipe, projets…), gestion de la sécurité, dextérité en accès à l’information, gestion de dossiers…

Le fait est que la phase-pilote préliminaire et les premiers mois d’utilisation en situation réelle sont en quelque sorte tombés à pic pour le Ministère. En raison du Covid et des nouvelles méthodes de travail qu’il a instaurées, il était nécessaire pour les agents (nouveaux ou déjà en poste) d’acquérir rapidement de nouvelles compétences. Exemple-type: la maîtrise des outils de visioconférence et de collaboration à distance…

A noter ici que les contenus et parcours d’apprentissage de la plate-forme Pix, “belgicés” par les “cobayes” du Ministère de la Fédération, peuvent être utilisés par des fonctionnaires quel que soit le niveau de pouvoir auquel ils opèrent – en ce compris donc au niveau des pouvoirs locaux. D’après Aurélien Fiévez, certaines administrations locales auraient déjà manifesté un intérêt potentiel à recourir à la plate-forme Pix pour leurs propres collaborateurs.

Il existe certes d’autres outils d’évaluation des compétences numériques de chacun – l’AdN notamment a mis en ligne un outil d’auto-diagnostic de “maturité numérique” (le DigiScore, à destination des entreprises et entrepreneurs). Mais ce sont des outils fonctionnant selon une grille QCM et souvent en mode purement déclaratif: l’utilisateur “déclare” connaître voire maîtriser telle ou telle compétence, en se positionnant sur une échelle d’aptitude.

“La différence, c’est que Pix est un outil in vivo. Il faut, concrètement, procéder à des exercices sur diverses thématiques. C’est donc un outil qui vient en complément des outils déclaratifs existants…”, souligne Aurélien Fiévez.

Contenu à étoffer

Le contenu de la plate-forme Pix (à découvrir via ce lien), telle qu’elle pourra être utilisée en Belgique, est encore appelé à être enrichi. Les futurs contenus seront conçus en collaboration avec la France et le consortium Pix. De nouveaux exercices et défis, “co-construits par Pix et la Fédération Wallonie-Bruxelles”, viendront s’ajouter afin “d’aborder des compétences numériques propres au contexte de la Fédération, relatives par exemple aux démarches en-ligne”. A la manoeuvre notamment, des ingénieurs pédagogiques, des experts et des développeurs informatiques de la Fédération.

Mais de quels types de contenus parle-t-on? Des exercices, des “défis ludiques”, des “mises en situation”. Exemples? Des exercices de manipulation de fichiers et de données, des enquêtes sur le Web, des questions de “culture numérique”… Du genre: valider la qualité des données dans un fichier de mailing, vérifier si une source d’infos n’est pas un ramassis de fake news (et comment le faire), réaliser une tâche précise avec un logiciel de mise en page, de gestion photo, prendre les mesures minimales pour sécuriser son ordinateur… Le tout allant en ordre croissant de difficulté.

Aux niveaux de compétences 4 à 6, les apprenants auront des défis plus ardus à se mettre sous la dent. En voici deux exemples…

 

 

Les contenus et les types de compétences numériques couvertes ont été structurés en 16 compétences – calquées sur le référentiel européen DigComp – et cinq domaines.

A savoir:
– capacité à utiliser et gérer informations et données
– aptitudes de communication et de collaboration
– création de contenu
– compétences en matière de sécurité d’utilisation des outils et ressources numériques ou de comportement au quotidien
– connaissance de l’“environnement numérique” (systèmes d’exploitation, problèmes techniques, histoire de l’informatique…).

Ces contenus et exercices sont en outre organisés en six niveaux, permettant à tout apprenant, quel que soit son niveau de départ, de progresser au fil des exercices, défis et mises en situation. 

Le système procède à l’évaluation automatique des résultats obtenus pour chaque exercice.

Un algorithme adaptatif turbine en effet en coulisses pour proposer dans la foulée, en fonction du niveau atteint par l’apprenant ou encore de la manière dont il répond à un exercice, des conseils ou des capsules de formation (tutoriels) pour acquérir ou renforcer les compétences identifiées comme manquantes ou insuffisantes.

 

Au minimum, l’objectif est que tous les agents et collaborateurs du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles soient pointés au niveau 3 de compétences numériques. A noter que, parmi les premiers utilisateurs, il s’en trouve qui ont procédé à des évaluations de niveau 5 et 6.

 

Sur base des réponses données et scores enregistrés, le contenu est ainsi progressivement adapté au niveau de l’apprenant. 

A noter que l’évaluation des compétences étant automatisée, la plate-forme Pix n’évalue que les compétences jusqu’au niveau 6 de l’échelle DigComp qui en comprend 8. “Une réflexion est en cours pour les niveaux 7 et 8 qui exigent une évaluation humaine…”.

Etendre la cible

Outre le Ministère de la Fédération, deux autres acteurs publics ont également commencé à utiliser la plate-forme Pix. A savoir, l’ARES (fédération des établissements d’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles) et l’EAP (Ecole d’Administration Publique Wallonie-Bruxelles). Des discussions sont par ailleurs en cours du côté de la Rtbf.

A partir de septembre de cette année, le public-cible qui pourra utiliser la plate-forme Pix sera étendu. A commencer par les établissements d’enseignement secondaire, supérieur et de promotion sociale.

A la rentrée, de premières universités et hautes écoles auront recours à la plate-forme Pix pour préparer les étudiants à la certification Pix. Le but, indique-t-on à la Fédération Wallonie-Bruxelles, est que “dans les années qui viennent, l’ensemble des acteurs, élèves et étudiants puissent bénéficier de la certification Pix”.

Le citoyen lambda, lui aussi, a d’ores et déjà accès aux contenus de la plate-forme. Mais la campagne de communication doit encore être planifiée – moyennant déblocage de budgets au niveau des Régions… Des acteurs tels que l’AdN en Wallonie, le CIRB pour Bruxelles, CAWaB (Collectif Accessibilité Wallonie Bruxelles) ou encore les différents partenaires du projet Start Digital seront sollicités pour diffuser la “bonne parole”. La phase de généralisation pourrait dès lors intervenir à partir de mars 2023.