Sofico: le ‘big data’ pour améliorer les infrastructures routières

Pratique
Par · 30/11/2016

La DGO1 (Direction générale des Routes et des Bâtiments) du Service Public de Wallonie s’est engagée dans plusieurs projets de “recherche et expérimentation” qui font appel à l’analyse et à l’exploitation de “mégadonnées” (big data) pour vérifier l’adéquation des infrastructures routières et, au besoin, améliorer l’aménagement et/ou les conditions de transport – tant pour les particuliers que pour les professionnels.

L’un de ces projets est mené, en province de Liège, en collaboration avec IBM et PSA (Peugeot-Citroën). Objectif: exploiter les données des voitures “connectées” afin d’analyser les données collectées en continu par les véhicules et d’en tirer des enseignements pour la mobilité et la sécurité. “Ce projet de recherche, d’expérimentation et de développement, en s’appuyant sur d’autres sources de données que celles que permet déjà de collecter le partenariat passé avec la société Coyote, va permettre d’expérimenter l’apport des véhicules connectés dans l’amélioration et la modernisation des études d’analyse de vitesse, de carrefours ou d’autres demandes de mise en place d’équipements de sécurité.”

Des données à foison

Une voiture, désormais, est littéralement bardée de capteurs et de dispositifs électroniques qui produisent en continu des données documentant le mode et les conditions de conduite: GPS, ABS, ESP, accéléromètres, sondes de température…

Autant d’“agents de renseignements” qui, sans tomber dans le flicage et moyennant anonymisation, peuvent être utiles pour un organisme responsable des infrastructures routières.

Les trois premiers paramètres d’analyse choisis par la DGO1, et sur lesquels opèrent des algorithmes IBM et sa solution Watson, sont la vitesse, l’identification de zones à risque et l’étude des carrefours.

Ce premier projet, lancé fin de l’année dernière, se clôturera à la mi-2017.

Sur base des résultats obtenus, il pourrait être décidé d’étendre l’expérience – et le principe – en y incluant aussi d’autres constructeurs automobiles, afin d’améliorer la précision des données, et en élargissant la zone d’implémentation à l’ensemble du territoire wallon.

La voiture, témoin de votre conduite

Les pics de fonctionnement des ABS, un patinage de l’ESP, le déclenchement d’airbags peuvent par exemple permettre de repérer des passages ou des carrefours dangereux. Qu’ils le soient de manière constante et systématique ou qu’ils ne le deviennent qu’en période de conditions météorologiques défavorables…

Sur base de ces données, les autorités peuvent dès lors décider d’aménager certains carrefours, de procéder à la réfection de routes sur des segments ”points noirs”.

De simples analyses de vitesses (ou d’excès de vitesse) peuvent être utiles pour redessiner un tracé de retour, prévoir une signalisation plus restrictive, reconfigurer un rond point…

Planifier le réaménagement de carrefours à l’aide de données sur les temps de parcours, la longueur des files, l’intensité des flux, la vitesse des véhicules…

“La seule analyse de la vitesse”, soulignait Etienne Willame, directeur général de la DGO1 lors d’un récent colloque ITS (Intelligent Transport Systems) de la Sofico, “révèle des informations importantes sur le réseau routier, permettant de prévoir des aménagements de sécurité dans les zones accidentogènes. Elle permet aussi de mettre le doigt sur des problèmes de remontées de files aux sorties d’autoroute, permettant d’améliorer la connaissance des causes, de la fréquence et de l’ampleur de ce phénomène récent et fortement accidentogène.”

Autre exemple: l’analyse des données (ralentissement, arrêts) des véhicules passant par des carrefours munis de feux tricolores et l’analyse des flux – directions d’où vient la circulation – permettront potentiellement d’en modifier l’aménagement.

Petit exercice d’anticipation: en combinant les données provenant des capteurs de voiture, des données Coyote, des informations Waze [appli GPS mobile rachetée par Google], et des fournisseurs de données météorologiques (tant publics que privés – tels que The Weather Company racheté par IBM pour alimenter Watson), il deviendra possible à l’avenir d’alimenter en continu les automobilistes en alertes ou informations préventives. Du genre: telle portion de route deviendra dangereuse d’ici une demi-heure…

Les analyses ne permettront pas seulement de décider de certains aménagements mais aussi, en aval, de vérifier si certains de ces aménagements provoquent réellement les effets attendus. Le placement d’un radar, l’implantation d’un “casse-vitesse”, la reconfiguration d’un rond point ont-ils réellement permis de réduire la vitesse et d’influer sur le comportement des conducteurs?

Là aussi de premières analyses ont été effectuées. “Dans certaines zones, où il y avait un important décalage entre la vitesse obligatoire et la vitesse réelle des véhicules, certains aménagements ont démontré qu’ils avaient eu un impact – mais la réduction des vitesses n’est pas encore suffisante. D’autres aménagements seront donc nécessaires.”

Plus ce serait mieux

Les responsables IBM estiment que l’échantillon de véhicules est déjà suffisant pour être représentatif – même s’il faudrait sans doute pousser à 40% du parc pour obtenir une vision précise des problèmes et pour interpréter et exploiter correctement les données.

L’analyse des données, après 5 mois d’expérimentation, a permis de déterminer qu’elles donnent une bonne idée de la situation. “Les données sont assez comparables à celles issues des comptages ponctuels et peuvent donc être considérées comme fiables sur l’ensemble de la zone d’analyse”, affirme-t-on à la DGO1.

Autres projets de la DGO1

La DGO1 a lancé un projet de recherche et expérimentation portant sur l’analyse du trafic routier aux abords du parc animalier Pairi Daiza, notamment à hauteur du contournement du village de Gages. Partenaire pour la circonstance: Orange (ex-Mobistar).

Via collecte et analyse des données collectées au niveau des antennes GSM, il devient possible d’identifier les flux de voitures se dirigeant vers le parc. Quelques exemples d’analyses et d’applications: renforcement du personnel d’accueil aux points d’accès où une affluence est attendue ; analyse comparative des trajets empruntés pour quitte le parc selon les jours de la semaine ; corrélation avec divers facteurs externes (météo, chantiers…) ; adaptation de la signalisation routière ou des informations routières (via radio ou GSM)…

Autre projet, plus récent: une expérience avec Orange, IBM et Viapass afin de déterminer si l’entrée en vigueur de ce péage autoroutier pour transporteurs induit des modifications de comportement, avec tentation d’emprunter d’autres voies où le péage n’est pas prélevé. “Nous voulons étudier les éventuelles diversions pour contournement, s’il n’y a pas un report du trafic vers d’autres voiries”, explique Etienne Willame.

Plusieurs sources de données seront corrélées: les infos Viapass, les informations provenant des boucles de comptage, les données historiques collectées via les tachygraphes numériques (antérieures à l’appli OBU).