TafSquare: ubériser le marché de l’emploi sans le casser

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Par · 30/09/2016

TafSquare est un nouveau portail, lancé voici quelques mois, qui se propose de jouer les intermédiaires virtuels entre donneurs d’ordre – des entreprises, de toutes tailles et de tous secteurs – et professionnels ayant un statut d’indépendant (à titre principal ou complémentaire, ou encore pensionné actif) et qui seraient en mesure de prester pour elles les boulots ponctuels ou en tout cas à durée déterminée pour lesquels elles cherchent preneurs.

TafSquare se positionne donc comme une plate-forme de gestion d’intérim pour indépendants. En mode B2B – là où un portail tel que ListMinut s’adresse aux particuliers qui trouvent preneurs pour petite tâches auprès de particuliers (ou de professionnels intervenant en mode “participatif”).

Pour pouvoir bénéficier des services d’intermédiaire de TafSquare, que ce soit du côté des donneurs d’ordre ou des indépendants en quête d’un “taf” (travail à faire), une seule condition fondamentale: pouvoir faire état d’un numéro d’entreprise ou d’un numéro de TVA, numéro qui sera d’ailleurs leur premier identifiant lors de leur enregistrement sur la plate-forme.

Flexibiliser sans briser

Les deux initiateurs de TafSquare – Enrico Porrovecchio et Antoni Fasullo (voir leur profil dans l’encadré en fin d’article) – ont basé leur réflexion et le positionnement de leur nouvelle activité sur une série de constats.

Nombre d’indépendants (à titre principal) recensés en Belgique: plus de 705.000 en 2015, soit une augmentation de 20% en l’espace de 15 ans.

Indépendants complémentaires: 237.500, soit une hausse de 63%

Pensionnés actifs: 93.500, + 51%.

Chiffres UCM.

Ampleur potentielle de l’“économie collaborative”, selon une étude récente de PwC: 570 milliards d’euros, d’ici 2025, à l’échelle européenne. Dans l’état actuel des choses, 85% de ce pactole sont accaparés par les particuliers.

Part actuelle des plates-formes collaboratives: 4 milliards. Croissance annuelle moyenne jusqu’en 2025: 35% (contre 3% pour l’ensemble de l’économie), pour atteindre la barre des 83 milliards d’euros [en Europe] en 2025.

Enrico Porrovecchio se livre à une petite énumération : bouleversement, voire arrivée en fin de vie, de la notion de salariat ; affaiblissement croissant d’une industrie basée sur de (très) gros employeurs garantissant une stabilité de l’emploi ; multiplication du nombre d’indépendants (voir les chiffres ci-contre) ; opportunités nouvelles portées par le numérique ; difficulté des personnes licenciées à retrouver un travail au long cours, à se bâtir un réseau et à trouver une clientèle pour leur éventuelle activité en tant que nouvel indépendant (une réflexion également valable pour les start-ups) …

Enrico Porrovecchio ajoute par ailleurs: “il y a aussi le problème de l’ubérisation de l’économie qui profite surtout aux particuliers qui bypassent l’économie et les acteurs en place, qui eux doivent payer des cotisations sociales…”

C’est dans cette dernière optique que l’initiative d’Enrico Provecchio et Antoni Fasullo a reçu le support, au moins moral et promotionnel, de l’UCM: “on constate que nombre d’initiatives qui voient le jour sous le couvert de l’ubérisation de l’économie ont des effets néfastes pour le financement de la sécurité sociale et induisent une concurrence déloyale par rapport aux professionnels qui, eux, ont des charges et des obligations.

TafSquare apporte la preuve que l’économie de collaboration, que la créativité, peuvent s’insérer et se développer dans le cadre du corpus législatif.”

Comment ça marche?

L’inscription

Les deux parties (émetteur de TAF et preneur potentiel) s’enregistrent au moyen d’un numéro d’entreprise ou d’un numéro de TVA.

Le candidat “tafeur” y ajoute un certain nombre de renseignements: nom, adresse, coordonnées (mail, tél.), métier (au maximum 3), compétences spécifiques, références antérieures…

L’offre et la sélection

Une fois inscrite, une entreprise (concept qui peut s’appliquer aussi bien à une grande société qu’à une PME ou TPE, ou encore à un sous-contractant, voire à un indépendant ayant besoin de prestations professionnelles d’autres métiers) peut publier un taf. En le décrivant bien entendu le mieux possible: nature, métier concerné, lieu de l’exécution du travail, période de prestation, budget (défini ou tarif à discuter)…

L’offreur de taf détermine le rayon géographique dans lequel il veut effectuer sa recherche, en utilisant pour ce faire un simple curseur ou en cochant les zones dans une liste.

Le système réagit immédiatement en identifiant le nombre de professionnels inscrits situés dans cette zone. Cela permet aussi à l’offreur de choisir le nombre de candidats potentiels à qui envoyer la notification.

Tous recevront alors un courriel les avertissant qu’un taf pouvant les intéresser vient d’être posté.

Ceux qui sont intéressés pourront accéder au détail de l’offre (sur le site) et activer le bouton “je suis intéressé”.

Reste au donneur d’ordre à attribuer le travail, en choisissant éventuellement dans la liste des candidats, par exemple sur base de leur profil et de leur score de performances (voir ci-dessous).

Une série de mécanismes de notification automatique ont par ailleurs été prévus dans le système: courriel à l’émetteur du taf si aucune offre de services n’a été faite dans les 3 jours (afin de lui permettre d’adapter éventuellement l’annonce) ; envoi d’un mail de rappel aux candidats potentiels si aucun ne s’est manifesté dans les 5 jours …

Après 14 jours sans réponse, le taf est considéré comme clôturé.

Après qu’un taf ait été effectué, le système envoie dans les 14 jours qui suivent un mail au donneur d’ordre pour lui demander d’évaluer le travail du prestataire.

La “qualification”

Chaque professionnel indépendant sera “coté” sur le portail, selon le principe désormais bien connu d’une enfilade d’étoiles. Son score dépendra des évaluations qu’auront faites de son travail les diverses sociétés pour lesquelles il aura successivement travaillé.

Outre le score attribué par chaque employeur, ce dernier pourra également ajouter un commentaire en texte libre.

TafSquare ne vérifie pas la pertinence de la profession ou du métier que chaque indépendant s’attribue dans son profil perso.

Risque pour la qualité du service? Le système de cotation par les donneurs d’ordre devrait suffire à éviter les tricheurs, estime Antoni Fasullo.

Le modèle tarifaire

TafSquare est un service gratuit pour le prestataire indépendant (demandeur de “taf”). L’inscription, pour les donneurs d’ordre, est également gratuite. Pour eux, le service ne devient payant qu’à l’instant où ils trouvent preneur(s) pour un premier “taf”.

Ils ont le choix entre un paiement au taf (40 euros) ou un abonnement (120 euros). Le tarif est fixe, quel que soit le nombre de tafs activés pendant l’année, la nature des tâches demandées, leur durée ou le nombre d’indépendants sollicités.

Le rôle de TafSquare

TafSquare procure la plate-forme et les mécanismes d’orchestration de la mise en relation. Les deux seuls moments où une intervention humaine, de la part de l’équipe TafSquare, est nécessaire sont, d’une part, la validation des tafs postés – “pour éviter les demandes de mauvais plaisants ou pour corriger des erreurs objectives, par exemple une rémunération ridicule qui n’attirerait aucun candidat.” De l’autre, la modération des évaluations publiées par les émetteurs de taf, histoire d’éviter les dérapages et propos mal placés.

Quel territoire?

Né du côté de Charleroi, TafSquare vise évidemment le marché belge – francophone mais aussi néerlandophone (le site existe dans les deux principales langues nationales). Au-delà de cette première cible, le duo de fondateurs porte d’ores et déjà ses regards vers le marché français voisin – “naturel en raison de l’identité de langue et de sa législation.”

6 catégories

TafSquare est ouvert aux professionnels de tous poils. Aucun métier n’est a priori exclu. 152 d’entre eux sont d’ailleurs d’ores et déjà encodés. Et chaque professionnel peut rallonger la liste, s’il n’y trouve pas le métier qui est le sien.

Ces 152 métiers ont été classés en 6 catégories: web & technologies, économie, commerce, santé,  immobilier, culture & divertissement.

Nombre d’indépendants déjà inscrits: 7.500.

Les deux fondateurs de TafSquare sont deux anciens cadres de Caterpillar, une société qu’ils ont quittées respectivement voici 2 et 13 ans.

De g. à dr.: Antoni Fasullo et Enrico Porrovecchio.

Enrico Porrovecchio a accompli la majorité de sa carrière, dans des fonctions IT, chez Caterpillar. Tout d’abord en Belgique, avant d’être envoyé aux Etats-Unis, où il restera 4 ans et demi, et ensuite à Grenoble.

Ayant démissionné en 2014, il devient coach en développement personnel et professionnel mais lance, en parallèle, l’idée de Tafsquare avec…

Antoni Fasullo, autre ancien de Caterpillar qui, lui, a quitté la société dès 2003 après y avoir occupé des postes dans les départements finance et contrôle de gestion. Voici 13 ans, il devient formateur. Sa spécialité: la pédagogie entrepreneuriale par projets et la maîtrise de modèles économiques disruptifs (il sera notamment récompensé par la Start Academy (2010) et lors d’un concours de stratégie marketing et commerciale organisé par Nestlé en Bulgarie (également en 2010). Depuis 2015, il est coach pour entrepreneurs (notamment pour le compte du CEO Héraclès, d’Azimut, PME3000 ou encore Ichec PME).  Retour au texte ]