Passage au numérique. Agir sur le citoyen pour convaincre le commerçant?

Pratique
Par · 07/11/2016

Dominique Moraux et Anabelle Kinet continuent leur petit travail d’évangélisation des commerçants de proximité dans l’espoir de leur faire adopter des outils de “commerce connecté” (sites, présence sur réseaux sociaux, outils de promotion…).

Les premiers enseignements tirés de l’initiative Commerce connecté, supportée par la Région, ont confirmé le postulat de départ: les petits et moyens commerçants demeurent souvent perdus, voire dubitatifs, sur les moyens à mettre en oeuvre pour ajouter le fameux “e” à leurs procédures et démarches commerciales. Les séances de sensibilisation et d’information qui ont été organisées un peu partout en Wallonie par l’initiative Commerce connecté (voir encadré en fin d’article pour les premiers constats) ne peuvent dès lors être qu’un premier pas.

Le tout sera de concrétiser l’essai.

Et pour ce faire, Dominique Moraux et Anabelle Kinet ont constitué une nouvelle structure baptisée CoCoCity (Connected Commerce in Connected City). L’objectif est double.

D’une part, conseiller aux commerçants une liste d’outils et solutions, avec explications de leurs spécificités, pouvant répondre à leurs besoins. Le duo propose des services d’analyse des besoins, d’aide à la définition d’une stratégie numérique et de la guidance dans le choix des outils pertinents.

D’autre part, susciter l’action du citoyen, créer une base de motivation la plus vaste possible afin de convaincre les commerçants qu’ils ont en effet tout intérêt à se tourner et à utiliser des outils numériques.

Indécrottables Saint-Thomas?

Le problème du lent décollage du commerce connecté vient, pour partie, du fait que les commerçants, mêmes ceux qui s’informent, demeurent quelque peu désemparés devant les choix à opérer. Il vient aussi, raisonnent les initiatrices de CoCoCity, du fait que “rien n’est clair … Tout le monde – commerçants, villes, pouvoirs publics, investisseurs, propriétaires d’espaces… – est concerné mais personne n’est réellement désigné et les initiatives qui en découlent sont le plus souvent disparates et inefficaces.”

“Le citoyen, ou plutôt la masse importante que représentent les citoyens, a certainement en main tout le potentiel pour donner un coup de boost à la visibilité d’un quartier [commerçant]”, souligne Dominique Moraux. “En effet, une belle présence en-ligne ne signifie pas nécessairement l’investissement dans un site coûteux… La mise en valeur des commerces passe avant tout par les avis clients, le partage sur les réseaux sociaux, la mise en ligne de photos et vidéos sympas…

“Tout le monde est concerné mais personne n’est réellement désigné et les initiatives qui en découlent sont le plus souvent disparates et inefficaces.”

“Parions qu’une action citoyenne des habitants d’une ville pour leurs commerces préférés sera le déclencheur d’une prise de conscience des différents acteurs concernés pour se pencher sur une véritable réflexion et la mise en place de solutions bien pensées.”

Rien de neuf dans le raisonnement tenu par le duo de CoCoCity par rapport à ce que certains consommateurs font déjà spontanément – sur Facebook, Instagram, FourSquare, TripAdvisor… Ou par rapport à l’idée qui sous-tend diverses applications mobiles qu’on a vu apparaître ces derniers temps et qui surfent sur le principe de la recommandation entre pairs, voire sur l’émulation entre consommateurs.

L’élément nouveau est ici le fait que CoCoCity voudrait systématiser la chose, en faire un phénomène de citoyenneté locale. En pariant sur une participation la plus massive possible.

Dominique Moraux: “La première étape sera d’inciter les consommateurs à devenir “ambassadeurs” de leur ville ou de leur quartier commerçant, en utilisant tous les outils gratuits qui sont à leur disposition. De quoi sensibiliser les commerçants à l’intérêt du numérique.”

Et, dans cette optique, CoCoCity ne jouera pas les évangélisateurs solitaires. Le relais qu’elle identifie et compte activer est celui des villes et communes.

Son action, la petite structure la voit dès lors en deux phases successives.

 

Tout d’abord, vérifier s’il est possible – au travers d’actions de sensibilisation ponctuelles – d’inciter les consommateurs à devenir “ambassadeurs” de leur ville ou de leur quartier commerçant, en leur faisant utiliser tous les outils gratuits qui sont à leur disposition.

 

Chaînon manquant?

Alors qu’elles ne sont que deux dans l’initiative CoCoCity, il est évidemment difficile à Anabelle Kinet et à Dominique Moraux de déployer un scénario plus étoffé. Toutefois, il nous semble qu’un maillon majeur manque dans ce que propose CoCoCity. Lire ici la suite de notre opinion – qui vous invite aussi à livrer la vôtre…

Quel est ce chaînon manquant?

 

Ensuite, mobiliser les villes – ou des associations de commerçants – afin qu’elles organisent des campagnes de plus grande ampleur (du genre “le mois des ambassadeurs”) qui encouragent leurs concitoyens – et toutes les personnes les suivant sur les réseaux sociaux – à s’impliquer dans la promotion (sociale 2.0) des commerçants opérant sur leur territoire.

Si la sauce prend, il deviendrait ainsi plus facile de convaincre les commerçants qu’ils ont une audience porteuse sur laquelle s’appuyer et que l’effort de la numérisation peut s’avérer payant…

“Niveau faible à moyen” pour une majorité de commerçants

L’initiative Commerce connecté tire tout doucement à sa fin. Du moins pour sa phase de sensibilisation des (petits et moyens) commerçants à l’intérêt du numérique dans le cadre de leurs activités. 66 villes et communes avaient été identifiées afin d’y organiser des sessions d’information et de sensibilisation. En septembre, un premier bilan a été tiré par les organisateurs sur base des 20 premières séances.

Qu’en ont-ils conclu?

“La plupart des commerçants sensibilisés jusqu’à présent ont un niveau faible à moyen en ce qui concerne la maturité numérique et ont prioritairement besoin de se rendre plus visibles sur le Web.” Cette évaluation se base sur les résultats d’un petit questionnaire d’auto-évaluation que les participants sont invités à remplir à l’issue de la séance. Ce questionnaire d’évaluation de “maturité numérique” révèle que, sur les quelque 429 participants à ces 20 sessions, “le résultat moyen est de 29/100. Seulement, 16% obtiennent 50 points et plus, tandis qu’à peine 2% obtiennent plus de 70/100.”

Sur base de cette évaluation, une série de formations leur sont proposées. Celles qui l’ont été le plus fréquemment sont les suivantes:

  • amélioration du référencement naturel du site Web (SEO): 230 recommandations
  • recours à des outils gratuits (Google My Business, Google Maps, Yelp…) afin de donner plus de visibilité à leur commerce: 204
  • suivi de la présence en-ligne et de l’e-réputation du commerce: 172
  • mise en oeuvre d’une solution de gestion de fichier clients et d’un outil d’envoi d’e-mails: 167
  • amélioration du site Internet: 147.

Autre conclusion: les commerçants sont demandeurs de formations (49% en ont formulé le souhait). Les consultants qui ont encadré les séances de sensibilisation (Dominique Moraux, Anabelle Kinet et des collaborateurs de l’AdN) estiment que “beaucoup de commerçants auraient besoin d’un accompagnement presque individuel (groupe de 5 maximum) pour acquérir une maturité numérique de base. En effet, ils n’ont que peu de temps à consacrer à la veille numérique qui s’ajoute aux différentes problématiques de gestion liées à leur commerce qu’ils assument souvent seuls ou avec l’aide d’un conjoint.”

Source: AdN.  [ Retour au texte ]