Hytchers, solution de transport participatif de colis, récompensée au KIKK

Article
Par · 03/11/2016

Hytchers est une toute jeune société, créée en juillet de cette année par deux jeunes diplômés de HEC Liège. Incubés au VentureLab, Antoine Dessart et Jonas Douin, tous deux ingénieurs civils de formation, ayant suivi un master en entrepreneuriat à HEC, ont imaginé une solution de transport de colis pour petits commerces qui s’appuie sur le principe de l’économie participative tout en voulant éviter les pièges de l’“ubérisation” sauvage.

Ce ne sont évidemment pas les initiatives qui manquent dans ce domaine. Pas plus que des acteurs pesant parfois lourd dans la balance économique. Quelques noms? Roadie, Uber lui-même, Cocolis, Kariboo, PiggyBee, ou plus près de chez nous (toujours en test à Anvers) Bringr de bpost…

L’originalité de Hytchers? La solution s’adresse exclusivement aux petites boutiques et aux e-commerçants locaux qui doivent livrer les commandes auprès de clients situés loin de leur lieu physique d’implantation, notamment outre-frontière. “Nous visons le B2C”, souligne Antoine Dessert, “là où Bringr s’adresse davantage au C2C et en mode plus local. Nous voulons en outre jouer sur l’argument d’un prix plus abordable, pour toutes les parties concernées, face par exemple à un acteur tel que Kariboo qui s’associe aux services de Colissimo, PostNL etc.”

Chez Hytchers, les logisticiens participatifs seront les automobilistes lambda. La jeune pousse insiste par ailleurs sur le fait qu’elle ne veut pas en faire des transporteurs opportunistes ou servir de gagne-pain d’appui.

L’algorithme a été développé par deux chercheurs de l’ULg – Pierre Renson et Mathieu Gaspard – qui, passés eux aussi par le VentureLab, ont lancé leur propre start-up (Connect2Move). L’algorithme calcule une corrélation spatio-temporelle pour “objets en mouvement” – qu’il s’agisse de colis ou de voitures, par exemple. Connect2Move propose elle-même la solution GeoLab, une solution de co-voiturage domicile-travail.

Autre partenaire de Hytchers: la société DJM Digital de Visé, qui se charge du développement de l’application (front-end et back-end).

La logique suivie est plutôt de “matcher” offre de transport et demande en fonction des parcours habituels suivis par les automobilistes – pour se rendre au travail, lors d’un déplacement à l’étranger ou d’un départ en vacances…

L’appli (qui sera disponible sous iOS et Android) se charge de réconcilier le point de destination du colis avec le trajet que doit suivre le citoyen-transporteur d’occasion. Voir encadré ci-contre.

Autre différence de Hychers avec le “modèle” Uber: pas de rétribution comme faux ou vrai-faux indépendant. L’“hytcher” est récompensé, en fonction de la distance parcourue, sous forme de points-fidélité ou de coupons à faire valoir dans les points-relais partenaires.

C’est là qu’intervient une autre caractéristique de la solution imaginée: les transports – du moins dans un premier temps – se font essentiellement le long d’axes routiers majeurs puisque les colis à livrer sont regroupés dans des points-relais spécifiques. Dans l’état actuel des choses, le partenaire de Hytchers est une grande compagnie pétrolière (Hytchers voudrait en taire l’identité jusqu’à ce qu’elle lance sa campagne de promotion mais si on vous dit que c’est une enseigne française qui a récemment racheté un distributeur d’énergie verte belge qui opérait du côté de Liège… Le nom qui commence par un T ne devrait échapper à personne!)

Lancement commercial début 2017

La solution Hytchers est actuellement en phase de test. Jusqu’à la fin de l’année, le prototype sera ainsi testé dans quelque 60 points-relais (stations-service) situés le long des axes autoroutiers Liège-Bruxelles-Anvers. En janvier, la start-up entend enclencher la phase de test grand public afin de peaufiner la solution.

Antoine Dessert (Hytchers): “Des envois peut-être plus lents mais plus verts.”

Pour sa phase actuelle de test, la jeune pousse “recrute” également des e-commerçants qui désireraient participer à la phase-pilote (les intéressés peuvent s’inscrire via le site de Hytchers). Avantage non négligeable pour ces “cobayes”: la gratuité des expéditions de colis pendant un mois.

Levée de fonds et distinctions

Le projet d’Antoine Dessart et Jonas Douin avait déjà décroché une bourse Bizpark de Microsoft (leur permettant de bénéficier de services cloud Azure pendant 3 ans) et bénéficié d’une bourse de préactivité (Région wallonne).

Antoine Dessart (à g.) et Jonas Douin (dr.): “Le principe des points-relais est clairement plus écologique. Nous pouvons prouver que notre solution permet d’économiser jusqu’à 88% de CO2 par livraison de colis.”

Le duo vient de boucler une première levée de fonds (90.000 euros) auprès d’investisseurs privés dont plusieurs business angels regroupés au sein de la SIBA (Structure d’Investissement de Business Angels) du VentureLab, à laquelle BeAngels s’est associé.

Le dossier de Hytchers a également accepté par le fonds W.IN.G qui lui accordera un prêt convertible de 50.000 euros (la convention doit encore être signée).

Le prix Startup Wallonia, décerné à l’occasion du KIKK Festival, ajoute 7.500 euros à leur escarcelle. A lire, demain, le palmarès des KIKK Awards.

Au rayon récompense, Hytchers avait récemment décroché deux prix: un “coup de coeur” lors du VentureDay du VentureLab et un prix lors de la dernière édition du concours 1,2,3 Go (projets d’entreprises innovants en Grande Région – Wallonie, Communautés française et germanophone de Belgique, Lorraine, Grand-Duché de Luxembourg, Sarre, Rhénanie-Palatinat).

Prochaines étapes?

Hytchers doit bien entendu encore validité la pertinence et parfaire son scénario. Ainsi, s’appuyer sur les seuls points-relais du réseau de stations-service partenaire ne sera pas suffisant pour garantir un maillage suffisant du territoire.

D’autres partenaires possédant des points-relais seront donc recherchés dans un deuxième temps “afin de se rapprocher davantage” à la fois des commerçants et des consommateurs destinataires des colis. “Mais le principe des points-relais nous apparaît comme ayant déjà une valeur réelle en termes de réduction du “coût CO2” de la livraison de colis. Une récente enquête du Vlaams Instituut voor de Logistiek en atteste…”, souligne Antoine Dessart.

L’option d’une livraison, par les automobilistes particip-acteurs, dans des dépôts-tampons du genre City Depot, est l’une des pistes qui sera analysée pour réduire encore l’empreinte écologique et faciliter le transport “last mile”.

La jeune pousse réfléchit aussi au volet “garantie de livraison”. Non seulement en termes d’assurance de livraison en bon état (et cela concerne l’identification d’une police d’assurance adéquate, qui pourrait être ou ressembler à celle que prévoit bPost pour son service Bringr). Mais “garantie” aussi en termes d’acheminement proprement dit du colis.

Avant de pouvoir prendre en charge un colis, le “hitcher” devra montrer patte blanche. En l’occurrence, dégainer sa carte d’identité (qui sera scannée) et fournir un numéro de téléphone (qui sera vérifié).

Quid si la solution Hytchers ne parvient pas à trouver un automobiliste dont le trajet correspond au parcours que doit suivre le colis? Ou n’en trouve un que dans des délais inacceptables?

Le duo de Hytchers y a pensé et a imaginé recourir à bPost lorsque le retard guette. Rien n’a encore été contractualisé mais ce sera l’un des sujets à ficeler une fois la phase de tests finalisée.

Autre problématique à laquelle ils devront s’attaquer: l’espace d’entreposage des colis dans les points-relais. Toutes les stations-service ou autres points “retail” qui pourraient devenir partenaires ne sont pas forcément équipés pour accueillir de gros volumes. “Nous réfléchissons dès lors à l’option lockers”. Concevoir une infrastructure propre, en la matière, pourrait s’avérer coûteux pour la jeune pousse. Là aussi, une option pourrait être la location de distributeurs automatiques de colis de bPost.