ClicPublic: quand la souris joue les commissaires-priseur

Portrait
Par · 29/09/2016

La société ClicPublic – et sa plate-forme en-ligne – ont fait leurs débuts commerciaux à l’été 2013. Terrain d’action: la vente en-ligne, aux enchères, d’actifs d’origine judiciaire et financière, essentiellement dans le cadre de faillites, mais avec intervention aussi dans des cas de procédure de réorganisation judiciaire d’entreprise, de succession vacante, de liquidation, de déstockage…

S’y ajoute encore un volet de ventes publiques de biens en B2B, mais il est minoritaire, tant en termes de volume de biens (20%) que de valeur (10%).

Pourquoi s’être lancé sur ce marché? Par opportunité. “Nos trois fondateurs [voir encadré ci-dessous] en ont eu l’idée en discutant avec un de leurs amis, juge consulaire, qui regrettait le manque de visibilité des ventes judiciaires et le fait que, souvent, l’intermédiaire s’octroie une part non négligeable de la valeur de la faillite qui, théoriquement, aurait dû bénéficier au failli,” explique David Mathy, chargé du business development.

Une opportunité existait donc, selon eux, sur le marché belge francophone, pour une plate-forme électronique, garantissant davantage de visibilité, de réactivité, des offres touchant un public plus large, sur une période plus longue, sans contrainte de lieu et de temps.

ClicPublic en bref

Les 3 fondateurs: Jean-Michel Courtoy (ex-Belgacom, désormais chez TRB, développeur d’applis mobiles pour le secteur des transports et des taxis), Jean-Pierre Vander Elst (ex-LG Electronics, actuellement gérant de concession Tesla Motors), Lorenzo Ceccarini (également un ancien de chez Belgacom)

L’équipe actuelle: 5 personnes dont 4 sont affectées à la gestion du back-office (gestion du site, planning des ventes et visites, communication et marketing…)

Pour les tâches logistiques, la société travaille avec une dizaine indépendants externes.

ClicPublic est aujourd’hui hébergée au CEI de Louvain-la-Neuve.

Constitution en société: décembre 2012, à Ghislenghien.

Certes, d’autres sociétés s’étaient déjà positionnées sur ce créneau mais il s’agit essentiellement d’acteurs flamands, “qui n’assurent pas une gestion de bout en bout du processus de valorisation de faillite”. Sans oublier quelques acteurs étrangers “qui ont sans doute plus de difficultés à coller aux spécificités locales.”

ClicPublic, elle, veut justement jouer la carte du local et de la proximité maximale avec le client. L’un de ses objectifs, grâce au financement reçu voici quelques mois du fonds numérique wallon W.IN.G, est d’ouvrir, à terme, des antennes commerciales en divers endroits du territoire francophone.

Si Bruxelles, le Brabant wallon et Namur peuvent être desservis à partir du siège de la société à Louvain-la-Neuve, les provinces de Hainaut, de Luxembourg et de Liège pourraient justifier un rapprochement territorial. “Pour des raisons d’efficacité commerciale et logistique, nous voudrions être présents dans chaque arrondissement”, déclare David Mathy.

Service de A à Z

Le portail en-ligne n’est en quelque sorte, insistent les responsables de ClicPublic, que la face émergée de leurs activités. Car ce qui fait la spécificité de ClicPublic, c’est la gestion de bout en bout, l’accompagnement d’une procédure de faillite, la “valorisation optimale de cette dernière” – depuis l’inventaire jusqu’à la finalisation de la vente, en passant par l’évaluation des biens, les éventuelles négociations avec le bailleur pour organiser la sortie physique des actifs, l’organisation de la communication, et la logistique (déménagement, entreposage…).

Autre argument: l’automatisation la plus poussée possible des processus de publication et de gestion des enchères

Après la préparation manuelle du contenu (choix des photos, rédaction des descriptifs les plus précis possibles), les outils de la plate-forme entrent en jeu: affichage des biens et actifs mis aux enchères (accessibles selon divers filtres: secteur, catégorie, date…), génération automatique des rapports d’enchères et de ventes, des mails de notification aux enchérisseurs (meilleure offre, enchère attribuée, détails pour le paiement, informations pratiques pour l’enlèvement…), génération des factures (qui sont mises à disposition dans l’espace privatif de l’acheteur)…

Tout enchérisseur est tenu au courant de l’évolution de la vente. Sur sa page d’accueil personnalisé, il voit s’il est toujours le plus offrant. S’il se fait surenchérir, un mail lui est envoyé pour l’avertir. S’il emporte la mise, un autre mail lui parvient tout aussi automatiquement.

Chaque mandataire de justice et chaque enchérisseur dispose de son espace privatif. Le mandataire peut ainsi suivre non seulement l’évolution des enchères, pour l’ensemble des produits dont il a la responsabilité, mais aussi consulter les rapports d’inventaire et de vente que génère automatiquement le système et, en finale, attribuer la vente.

Sécurité d’accès

L’accès à chaque accès privatif requiert l’encodage de l’adresse mail de l’utilisateur et de son mot de passe. “Le client est considéré comme responsable de son adresse mail et de son mot de passe. Légalement, cela suffit à justifier de son identité”, souligne Alexandre Van Vyve, gestionnaire de projet et responsable back-office chez ClicPublic. “Au début, nous avions prévu une procédure de vérification d’identité par encodage du numéro de registre national mais la procédure s’avérait fastidieuse, en termes de vérification par notre équipe, et bloquante pour l’enchérisseur. Compte tenu du fait que nous n’avons à faire à des farfelus ou à des tentatives de fraude que dans environ 1% des cas, le mécanisme était surdimensionné.”

La surveillance des enchères se fait aussi “à l’ancienne”, par vigilance personnelle, sans recours à un quelconque algorithme. La possibilité d’automatiser un jour le screening n’est pas pour autant rejetée.

David Mathy: “Le mandataire a droit à un rapport d’enchères pour chaque vente d’actif. Il y trouve des informations telles que le prix de mise en vente, le prix de vente le nombre d’enchères, le nombre de consultations de l’offre. Ce dernier chiffre est important parce qu’il atteste du fait que le marché a largement pris connaissance de l’enchère et que le bien est donc parti au meilleur prix possible. Si l’enchère, par exemple, n’a été consultée que deux fois, on ne peut parler de vente au meilleur prix possible…”

L’identité de chaque acheteur est toutefois scrupuleusement vérifiée: adresse, numéro de TVA… Et ClicPublic conserve aussi précieusement les logs de connexion, avec adresses IP. Utile en cas de contestation ou de contentieux.

Autre procédure pour garantir l’exactitude des enchères: une procédure en deux étapes. Chaque enchère doit être confirmée par l’enchérisseur. Pour éviter toute erreur de frappe ou de manipulation…

Optimiser les enchères

Autres fonctions proposées par le site: un “profilage” de chaque enchérisseur, sur base des informations qu’il a fournies, en ce compris ses “centres d’intérêt” (horeca, collectionneur, automobile…). “Cela nous permet de gérer l’envoi automatique des campagnes marketing et de nos notifications de faillite aux enchérisseurs potentiellement intéressés.”

David Mathy (à g.), Alexandre Van Vyve (à dr.): “Pour des raisons d’efficacité commerciale et logistique, nous voudrions être présents dans chaque arrondissement.”

Selon le type de faillite ou de procédure judiciaire, l’envoi de courriels peut-être limité, ciblé (“par exemple vers les seuls grossistes du secteur horeca”), ou au contraire massif (“jusqu’à 30.000 destinataires par semaine”). Et pas uniquement à des destinataires belges. “Le site a déjà été consulté par des internautes venant de 162 pays”, souligne David Mathy. L’intention, à terme, est d’accroître la visibilité à l’international, en s’appuyant notamment sur les fédérations professionnelles et l’AWEX.

Outre les envois d’e-mails, ClicPublic utilise encore d’autres “ficelles” pour accroître la “publicité” d’une vente aux enchères sur faillite: les réseaux sociaux (Twitter, Facebook), les médias classiques, le relais des fédérations professionnelles… ou encore les ventes incitatives. Sur le site, par exemple, les enchères les plus vues sont mises en exergue et, à la manière d’un Amazon, un widget propose, sur base des recherches effectuées, des biens similaires qui pourraient intéresser l’enchérisseur…

B2B mais aussi B2C

Si la “cible” prioritaire des appels à enchères est professionnelle, ClicPublic s’adresse aussi aux particuliers, “packageant” certains lots de biens faillis de telle sorte à attirer cette clientèle. Par exemple des bricoleurs ou des fanas de cuisine, cherchant du matériel pour assouvir leur passion.

“Le B2C est l’un de nos différenciateurs par rapport à la concurrence”.

La majorité du chiffre d’affaires, par contre, est réalisé en B2B. Modèle économique de ClicPublic: un pourcentage sur les ventes en-ligne ou en gré à gré et des prestations en régie pour les services spéciaux qui peuvent être extrêmement variés: “déménagement, stockage, nettoyage d’entrepôt, radiation de plaque d’immatriculation auprès de la DIV…”

Prochaines étapes

ClicPublic a récemment bénéficié d’un investissement du fonds numérique wallon W.IN.G.

Outre la possibilité d’essaimer sa présence en divers endroits de Wallonie, la société compte utiliser ces moyens nouveaux en priorité pour engager un nouveau commercial qui aura un rôle de business development et de gestion relationnelle avec les mandataires de justice. Le poste est ouvert en ce moment…

Deuxième destination des moyens financiers octroyés: l’évolution des fonctionnalités du site (procédure d’enchères multiples, modernisation des outils de facturation et prise de rendes-vous…) et, en priorité, le développement d’une appli mobile (“40% des visiteurs du site utilisent déjà un équipement mobile”).