Tax Shelter PME: rendement (fiscal) intéressant, risques contrôlés

Tribune
Par Maxime Vermeesch, Robrecht Coppens · 19/08/2016

Alors même que le tax shelter pour investissement dans des entreprises débutantes (“tax shelter PME”) fêtait son premier anniversaire le 1er juillet dernier, force est de constater que cette réduction d’impôt particulièrement intéressante reste relativement méconnue du grand public. Il en est de même pour les particuliers qui, même s’ils connaissent l’existence de cette réduction d’impôt et souhaitent en faire usage, sont souvent dissuadés par les nombreuses conditions imposées pour pouvoir bénéficier dudit régime.

Pour cette raison, le tax shelter reste peu utilisé, et beaucoup de particuliers passent à côté d’un avantage fiscal particulièrement intéressant.

En quoi consiste le tax shelter PME?

Le tax shelter PME est à distinguer du tax shelter pour les productions audiovisuelles qui existe déjà depuis de nombreuses années. Mais de quoi s’agit-il alors?

Le tax shelter PME permet de bénéficier, pour les apports en numéraire dans le capital de sociétés qui sont actives depuis moins de quatre ans, d’une réduction d’impôt de 30% (voire 45% en ce qui concerne les entreprises qualifiées de micro-sociétés). Cette réduction d’impôt est uniquement applicable à l’impôt des personnes physiques. Alexander De Croo, ministre fédéral, est à l’initiative de cette mesure dont l’objectif est de stimuler le paysage belge des start-ups.

Le tax shelter est une opportunité (certainement provisoire) pour les particuliers belges qui cherchent un bon investissement pour leurs économies dormantes. Les entrepreneurs qui débutent peuvent également utiliser le tax shelter pour convaincre des amis, des connaissances, de la famille, etc. et ainsi lever les fonds nécessaires.

Un investisseur peut apporter jusqu’à 100.000 euros par an à des sociétés débutantes et obtenir une réduction d’impôt allant jusqu’à 30.000 euros (voire 45.000 euros). Exemple : un individu dont le revenu net imposable est de 100.000 euros peut ramener son impôt des personnes physiques à (quasi) 0,00 euros.

Le Tax Shelter PME/startup; de grosses ambitions, en tout cas présentes comme telles par les autorités fédérales…

A toutes fins utiles, soulignons qu’il ne peut s’agir ni de dons ou de libéralités, ni d’un prêt – ce qui est principalement le cas avec le crowdfunding. L’investisseur recevra des actions en échange de son apport. En principe, un investisseur ayant procédé à un apport de 100.000 euros dans une nouvelle société se voit octroyer 100.000 euros d’actions représentatives du capital de la société. En plus de ces actions, l’investisseur bénéficie d’une réduction d’impôt d’un montant maximum de 45.000 euros.

Lorsqu’un investisseur déterminé obtient effectivement une réduction d’impôt de 45%, le risque entrepreneurial qui repose sur l’investisseur est d’une certaine façon limité à 55% de son apport. Les actions devant être conservées pendant quatre ans, cela représente – très brièvement – un rendement brut annuel de 11,25%. Il n’existe certes pas de garantie sur le capital investi, mais cet investissement pourrait également permettre de percevoir des dividendes, et de réaliser une plus-value, augmentant ainsi le rendement fiscal pour l’investisseur. Une réduction d’impôt de 30% confère quant à elle un rendement annuel brut de 7,5%.

Où est le piège? 

L’argent apporté est entièrement soumis au risque entrepreneurial de la start-up et, par conséquent, peut en principe être entièrement perdu. L’objectif du gouvernement consiste en effet à récompenser généreusement les particuliers qui utilisent leurs ressources, chèrement gagnées, pour aider une entreprise débutante en lui apportant un fonds de roulement.

Les risques sont-ils si importants pour autant ? Nous y arrivons.

Quelles sont les conditions? 

Comme on peut le présumer en présence d’un tel avantage fiscal, le tax shelter s’accompagne de conditions et de limitations strictes. Nous en énumérons quelques-unes ci-dessous.

On énoncera notamment le fait

– que la réduction d’impôt n’offrira un avantage que s’il y a assez d’impôt des personnes physiques à payer pour une année donnée

– qu’un dirigeant d’entreprise ne peut pas profiter du tax shelter pour des investissements dans sa propre société – en revanche, les membres de sa famille et ses amis, eux, peuvent en profiter

– et que certaines activités sont exclues du champ d’application de la mesure : pures sociétés de management, sociétés de trésoreries ou de financement, sociétés immobilières, sociétés dans lesquelles sont logées des biens immobiliers qui font l’objet d’un usage privé, etc

Par ailleurs, une levée de fonds tax shelter ne peut excéder un montant de 250.000 euros par société et un investisseur ne peut souscrire plus de 30% du capital de la start-up. Enfin, les actions doivent être détenues pendant 48 mois, soit 4 ans, pour que l’investisseur puisse conserver entièrement le bénéfice de la réduction d’impôt.

Comment limiter le risque?

L’octroi de l’avantage fiscal ne requiert pas que le particulier investisse aveuglément et reste ensuite passivement spectateur. Si le risque de perte en capital ne peut être entièrement exclu, l’investisseur a indéniablement le droit en tant qu’actionnaire de nommer les administrateurs et d’exercer une influence sur la politique générale de l’entreprise. La loi n’interdit pas non plus que les époux ou enfants qui n’investissent pas eux-mêmes soient nommés gérant ou administrateur de la société.

Même si seul un maximum de 30% du capital de la start-up donne droit au tax shelter, l’investisseur en question peut évidemment procéder à un apport plus important pour acquérir un contrôle plus important sur la société. En outre, cette limite ne doit pas être appréciée par couple, lorsque les époux font l’objet d’une imposition commune, mais bien par personne. Sur cette base, si un investissement est effectué par les deux membres du couple avec des moyens propres, le couple ensemble peut acquérir jusqu’à 60% du capital d’une start-up et profiter entièrement du tax shelter y afférent.

Par ailleurs, sont éligibles non seulement les “start-ups”dont l’activité représente un risque, mais également celles dont l’activité est plus commune, telle que celle d’un boulanger, d’un boucher, d’un plombier, ou d’autres prestataires de services qui présentent en général un risque plus limité.

Un investisseur peut également choisir de diversifier les risques au travers de plusieurs entreprises débutantes, étant donné qu’il n’existe pas d’exigence d’apport minimum. Par conséquent, il est possible de profiter d’un avantage fiscal de 300 à 450 euros pour un apport de 1.000 euros.

Concilier les intérêts des investisseurs et des fondateurs

Remplir les conditions du tax shelter est une chose, concilier les intérêts des actionnaires en est une autre.

M. Vermeesch (à g.) et R. Coppens (à dr.): “Les fondateurs craignent parfois de devoir abandonner la plus grande partie des bénéfices au profit des nouveaux investisseurs. Cette crainte est souvent infondée: les investisseurs tax shelter sont souvent principalement motivés par la réduction d’impôt, bien plus que par  la valorisation des actions acquises.”

Ainsi, les investisseurs peuvent être dubitatifs quant au fait que les administrateurs de l’entreprise débutante vont continuer à se préoccuper du maintien des conditions du tax shelter pendant 48 mois, sans parler du fait qu’ils devront émettre chaque année, en temps voulu, un certificat tax shelter pour les investisseurs.

Les fondateurs, quant à eux, craignent parfois de perdre le contrôle sur l’entreprise qu’ils ont fondée et de devoir abandonner la plus grande partie des bénéfices au profit des nouveaux investisseurs.

Cette crainte est souvent infondée. Les investisseurs tax shelter seront souvent principalement motivés par le bénéfice de la réduction d’impôt, et dans une moindre mesure seulement par l’octroi de dividendes et la valorisation des actions acquises. Dans pareil cas, il est possible de parvenir à un compromis équilibré quant au contrôle et à l’attribution future de bénéfices.

Les investisseurs tax shelter seront souvent principalement motivés par le bénéfice de la réduction d’impôt, et dans une moindre mesure seulement par l’octroi de dividendes et la valorisation des actions acquises

L’investisseur tax shelter préfèrera réaliser ses actions le plus rapidement possible après que la réduction d’impôt ait été obtenue (48 mois après l’investissement), mais les fondateurs n’ont pas toujours à ce moment les moyens personnels pour racheter ces actions, et la dissolution d’une société florissante n’est évidemment pas une option. Cela ne signifie pas qu’une sortie précoce soit totalement impossible, mais il est préférable de s’accorder sur ce sujet préalablement à l’investissement tax shelter. Plusieurs possibilités sont à envisager en vue de concilier les intérêts en présence sur ce plan, par exemple en travaillant vers une sortie commune.

Concilier les intérêts en présence, par exemple en travaillant vers une sortie commune.

Les bons amis parviennent toujours à de bons compromis. Ces compromis figurent traditionnellement dans un pacte d’actionnaires solide et équilibré. Beaucoup de problèmes apparaissent en effet quelques temps après l’investissement et il est important de les anticiper dès le départ. Il existe des conventions standards spécifiquement destinées à des investissements tax shelter, qui peuvent encore être adaptées sur base du dossier en question.

Conclusion?

Le tax shelter est une opportunité (certainement provisoire) pour les particuliers belges qui ont des revenus imposables et cherchent un bon investissement pour leurs économies dormantes. Les entrepreneurs qui débutent peuvent également utiliser le tax shelter pour convaincre des amis, des connaissances, de la famille, etc.. et ainsi lever les fonds nécessaires. Il est important de prendre conscience qu’un bon encadrement et une planification minutieuse permettent non seulement de s’assurer l’octroi de l’avantage fiscal, mais également de limiter les risques liés à l’investissement, tout en conciliant autant que possible les intérêts de toutes les parties.

Maxime Vermeesch, Robrecht Coppens

avocats

Cabinet Loyens & Loeff