Nouveau Master en architecture transmédia à Namur

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Par · 01/07/2016

Trois établissements d’enseignement namurois – la Haute École Albert Jacquard, l’Université de Namur et l’IMEP (Institut Supérieur de Musique et de Pédagogie) – font cause commune pour initier, à la rentrée, un Master en Architecture Transmédia (MTA). Objectif: former des professionnels aux multiples métiers et facettes du transmédia. Pour rappel, ce concept de “transmédia” désigne des activités visant à la conception, à la construction et à la déclinaison de contenus narratifs (fictions, documentaires, divertissements…) sur plusieurs médias – audiovisuels, mobiles, Web, jeux vidéo, animation, supports marketing et publicitaire… Dès le départ, les scénarios, histoires et développements sont faits “en différenciant le contenu développé et les capacités d’interaction en fonction des spécificités de chaque média”.

De la conception à la valorisation…

Le terme “architecture” placé dans le contexte de ce Master ne concerne pas la construction de codes ou l’assemblage de modules. La dénomination pointe plutôt vers le caractère trans-polaire et trans-disciplinaire du transmédia.

La formation vise à l’acquisition d’une large palette de compétences, allant de l’écriture de contenus créatifs multi-plates-formes à la production, gestion et diffusion de projets, en passant par leur gestion stratégique et la R&D. Cette dernière compétence (recherche) vise à “mettre l’étudiant en capacité de bousculer les acquis, d’anticiper les nouveaux développements créatifs, de mettre lui-même en oeuvre des dispositifs de veille…”, souligne Joël Jacob, coordinateur du Master MTA et directeur de la Haute Ecole Albert Jacquard.

L’un des axes sur lesquels l’accent sera mis plus particulièrement est la valorisation de la propriété intellectuelle. “Les étudiants doivent apprendre à décliner les créations sur de multiples médias, en veillant à l’homogénéité”, explique Pierre Collin, directeur du cluster TWIST (cinéma, audiovisuel et média numérique). “Ils doivent pouvoir imaginer de nouveaux modèles business. D’autant plus qu’un modèle ne tient pas longtemps la route…”

La formation technologique occupera également une place majeure. “Pour créer ces futurs contenus immersifs et interactifs, ils devront obligatoirement maîtriser les nouvelles technologies”, insiste Joël Jacob.

Deux ans de formation

La formation se déroule sur deux ans. A noter qu’elle se destine aussi bien aux étudiants “simples” détenteurs d’un bac qu’aux professionnels “désireux de valoriser leurs compétences existantes”. Le Master se transforme alors potentiellement en Post-Master.

Les formations

– techniques d’écritures médiatiques, sonores, “ludifiées”, conception d’univers narratifs

– technologies des nouveaux médias, design (image, son…), conception centrée sur l’utilisateur

– infographie multimédia, animation numérique, jeu vidéo

– capacité de R&D et de prospective technologique et créatrice

– gestion stratégique de projet – en ce compris ses aspects financiers, techniques, stratégiques, RH, légaux…

En 1ère année du cycle, les étudiants passent les premiers mois à apprendre les fondamentaux et à maîtriser l’écriture. Objectif: élaborer un projet (notamment via participation à des ateliers de co-création) qu’ils “pitcheront” en janvier devant un jury fait d’académiques, de professionnels mais aussi d’observateurs “lambda”.

Une fois les “meilleures” idées sélectionnées, des équipes transdisciplinaires se formeront jusqu’à la fin de l’année pour les mettre en musique.

En 2ème Master, le projet démarre dès la rentrée. Objectif: terminer l’année avec un produit fini, pouvant prendre son envol. C’est aussi l’année des stages (3 mois) que les étudiants pourront effectuer dans le monde professionnel, en Belgique (par exemple sur des projets imaginés du côté de l’incubateur de projets R/O à Marcinelle), ou auprès d’acteurs européens, voire transatlantiques (une collaboration est à l’étude avec l’université de Montréal qui monte une formation similaire).

Former des média-entrepreneurs

Les formations dispensées doivent mener à toute une série de métiers: architecte de narration, producteur transmédia, chef de projet, auteur-producteur (“show runner”, responsable de la gestion quotidienne d’émissions ou de séries télévisées), gestionnaire de propriété intellectuelle, spécialiste en expérience d’audience, narrateur (“storyteller”)…

Joël Jacob (à dr., à côté de Pierre Collin): “Former des professionnels capables d’anticiper et de maîtriser les bouleversements et les modifications du paysage médiatique.”

Mais l’espoir est aussi et surtout de former des professionnels qui, à l’issue de leur formation, se lancent dans l’aventure de l’entrepreneuriat en mettant sur des rails commerciaux le projet de fin d’étude qu’ils auront développé et prototypé.

La manière dont les formations seront données se veut, elle aussi, relativement iconoclaste par rapport aux “bonnes vieilles” habitudes. Bien entendu, la pratique occupera une part essentielle, en plus de la théorie. Mais aussi – et surtout – l’étudiant sera placé en situation de co-création, et ce, dès le début de sa formation, dès le choix du projet sur lequel il veut plancher.

“L’étudiant devient co-auteur et non plus simple spectateur de sa formation. Même la grille d’évaluation organisée en début d’année [Ndlr: au début du premier Master pour une mise à niveau des apprenants] est co-créée avec l’étudiant.”

Le transmédia, en lui-même, impose un apprentissage nouveau puisqu’il s’effectue en équipe multi-disciplinaire, avec des ateliers suivis et animés par des apprenants aux multiples profils et bien entendu un travail collaboratif sur les projets.

Autre approche nouvelle: l’enchaînement des modules de compétences à acquérir. Il se pliera aux besoins et niveaux de chacun, sans “linéarité” préprogrammée.

Qui dit nouvelle pédagogie, dit aussi adaptation des pédagogues… Ils devront non seulement se plier à ces nouvelles méthodes mais aussi assurer une cohérence entre eux, entre professeurs et formateurs qui, jusqu’ici, n’ont pas eu l’occasion de se côtoyer. Des rencontres entre les professeurs des trois institutions ont déjà eu lieu afin de faire se rencontrer et se coordonner des méthodes parfois spécifiques.

Premier projet “trans-clochers” wallon?

Namur est le premier pôle académique à sortir des starting blocks avec ce genre de formation. Et insiste sur le fait qu’il s’agit là non seulement d’une première belge mais aussi d’une réalisation sans égale en Europe. D’autres formations orientées transmédia existent ou sont sur le point de voir le jour – notamment Paris ou en Allemagne – mais ne couvrent pas la palette visée en local.

Qu’en est-il de l’espace wallon, voire belge francophone? N’y a-t-il pas aussi des velléités, des ambitions du côté de Liège (ULg, Pôle Image) ou de Mons (Institut Numédiart)?

Toutes les parties ayant pris part à la mise en oeuvre de ce Master insistent sur une volonté de complémentarité, de collaboration et de synergie. Des contacts ont ainsi été noués avec Numédiart. D’autres devraient être initiés vers Liège. Une collaboration est déjà prévue avec l’IAD de Louvain-la-Neuve (UCL), dans le domaine des films documentaires. Une IAD qui prépare un partenariat avec le Numédiart montois pour une formation en Université ouverte… à Charleroi. Mais comme les responsables du “MAT” namurois sont, de leur côté, en relation avec Numédiart et l’IAD, la boucle devrait se boucler.

Des liens se tisseront aussi avec l’Institut R/O, l’incubateur de projets pour créateurs BD, scénaristes, spécialistes de l’image de synthèse, concepteurs…  de Marcinelle. “Le Master MAT lui procurera des talents et nous pourrons envoyer des étudiants en formations dans leur labo de recherche”, souligne Pierre Collin.

Joël Jacob: “Le transmédia est l’occasion de jeter des ponts. Il concerne tout le monde… et leurs amis.”

L’un des éléments “liants” devrait être le Pôle wallon du Transmédia, actuellement en cours de constitution.

“Au fil du temps, une série d’initiatives – Wallimage Creative, R/O, Pôle Transmédia, Master en Architecture Transmédia, projet de recherche EuroTransmedia – se sont mis en place qui forment aujourd’hui une chaîne complémentaire, une synergie à même de mettre la Wallonie sur le devant de la scène dans ce domaine”, insiste Pierre Collin. “R/O, par exemple, est un premier projet industriel qui positionne clairement la Wallonie en pointe, en Europe, en matière de transmédia. En termes de création de contenus, nous sommes désormais particulièrement bien équipés…”