Le mal des start-ups numériques belges

Tribune
Par Carl-Alexandre Robyn · 03/06/2016

Pourquoi les start-ups innovantes de la “tech économie” belge peinent-elles à attirer les grands apporteurs de capitaux? Les raisons invoquées masquent-elles les vrais maux et carences?

Une analyse personnelle par Carl-Alexandre Robyn, associé-fondateur du cabinet Valoro et auteur du “Valoro Path”, un outil en-ligne destiné aux néo-entrepreneurs devant leur permettre d’évaluer le degré de maturité de leur projet et sa valeur de négociation.

Au fil d’une petite série de billets, Carl-Alexandre Robyn propose une analyse personnelle du fonctionnement de l’écosystème “be tech”, des lacunes, des faiblesses des start-ups, des clichés et fausses perceptions, des potentiels aussi. Une analyse souvent acide…

Petits morceaux choisis pour vous mettre en bouche.

“Le discours habituel sur l’état de détresse du secteur digital belge se résume généralement à invoquer un environnement hostile. Diverses affirmations péremptoires expliquent le fatalisme ambiant comme suit: “Pour grandir, réussir, devenir un nouveau Google, Apple, Facebook, Amazon, il faut partir à l’étranger”. Mais ce faisant, elles ne se réfèrent qu’à des facteurs externes aux start-ups et distinguent mal la causalité et la corrélation.”

 

“Les fatalistes ont-il entièrement raison ? L’exil est-il la seule voie victorieuse pour se procurer des capitaux en abondance ? Pas si sûr !

S’installer aux Etats-Unis pour lever de l’argent massivement ? Pourquoi pas ?” Mais… gare aux écueils, au mirage de l’eldorado, à l’inconscience face au rôle que joueront les capitaux-risqueurs.

“Parmi les quelques entreprises belges qui se sont résignées à partir et qui ont réussi à lever des capitaux, la plupart ont changé de pitch. Elles ont dû adapter leur plan d’affaires et leur argumentaire pour plaire aux financeurs étrangers.”

Dès lors, “peut-être que si on avait proposé aux capitaux-risqueurs belges d’injecter 25 millions (au lieu de 5 millions) d’euros pour un projet immédiatement international, après une première phase de test sur l’étroit marché belge, l’accueil aurait été différent…”

 

Les raisons de blocage ne se situent-elles pas ailleurs? Dans le montant demandé? Dans la répartition de la propriété et des rémunérations?

“La plupart des explications habituellement fournies pour expliquer la détresse de “tech économie” sont accessoires, voire fallacieuses.” Du genre? “Insuffisance du système des business angels pour soutenir certains types de projets”, “les investisseurs trouvent notre marché trop petit, trop divisé, trop compliqué, pensent que le jeu n’en vaut pas la chandelle”.

Le noeud du problème réside, en partie, selon Carl-Alexandre Robyn dans ce qu’il appelle “l’incapacité start-uppeuriale des porteurs de projet”.

90 % des fondateurs n’ont aucune idée de la valeur financière de leur projet.  Or, c’est crucial pour négocier le pourcentage du capital qu’il faudra céder à des apporteurs de fonds.”

“Dans la majorité des cas, la raison de l’échec n’est ni une technologie dépassée, ni une inadéquation du produit au marché, ni une insuffisance de potentiel de ce marché, ni une exacerbation de la concurrence, ni une réglementation délétère, ni un business model déficient, ni aucune autre cause externe. Toute bonne équipe peut surmonter ce genre d’obstacles exogènes et pivoter opportunément.”

“Souvent, les fondateurs surestiment leurs propres connaissances  et compétences mais ignorent leur manque d’aptitudes communicationnelles (notamment les talents de leader et de visionnaire), ils surestiment la qualité des conseils qui leur sont prodigués par leurs accompagnateurs mais sous-estiment l’habileté et la dangerosité des investisseurs.”

“Lassés par la médiocrité des présentations de projet qui leur sont généralement faites lors d’événements organisés par les structures d’intermédiation, les investisseurs privés s’en éloignent. Au lieu de cela, ils devraient beaucoup plus communiquer sur ce qui, à leurs yeux, compte le plus dans un projet.”

Que faire, dès lors, pour améliorer l’écosystème des start-ups numériques belges?

Deux idées de Carl-Alexandre Robyn parmi d’autres:

  • “multiplier les occasions de retours d’expériences (de réussite et d’échec) concernant ces décisions fondatrices si potentiellement lourdes de conséquences”
  • “concevoir et développer des plates-formes de mise en relation dédiées à la recherche de partenaires/associés – à l’instar de ce que font les sites comme Affeeniteam, biznessful ou teamizy en France, Founderdating, Cofounderslab ou Founder2be aux USA.”

A découvrir, ces prochains jours, dans Régional-IT. Premier volet dès ce lundi.