Emplois IT à Bruxelles: 91% des employeurs sont des sociétés étrangères

Hors-cadre
Par · 19/04/2016

9 emplois sur 10 – contre 6 sur 10 dans le reste du pays. Telle est la proportion des emplois technologiques (89% pour être exact), qui, en Région bruxelloise, sont générés par des entreprises étrangères (où dont l’actionnariat est majoritairement étranger).

Une analyse récente d’Agoria indique à quel point le tissu économique bruxellois dépend des acteurs et investissements étrangers pour son emploi “technologique”. A la fois une force (c’est la preuve que la région est attractive) et un risque de faiblesse (où sont les Belges?).

Précision importante: l’appellation “entreprises technologiques”, dans le vocabulaire Agoria, couvre la totalité des secteurs  techno – aéronautique, informatique, mécatronique, transports, technologies de la construction, automobile…

Toutefois, quand on restreint l’analyse au seul secteur ICT/numérique, le constat demeure le même: 91% de l’emploi ICT est généré par des sociétés étrangères. Quelles sont les nationales les plus pourvoyeuses d’emplois? Pourquoi voit-on la France gagner du terrain alors que la part des sociétés américaines ou allemandes recule ? Analyse des chiffres Agoria réservée à nos abonnés Select et Premium.

Hit parade de l’emploi généré par les entreprises “technologiques” (tous secteurs confondus) selon le poids des actionnaires comparé à celui des principales pourvoyeuses d’emplois dans le seul secteur IT –  Remarque importante: ce dernier classement venant d’Agoria n’inclut pas les télécoms, étant donné que ce type d’opérateur n’est pas membre de la fédération).

A noter que, pour le secteur IT, les sociétés à actionnariat (majoritairement) belge représentent pour leur part 9 % du total d’emplois générés en Région bruxelloise.

Quelques chiffres encore…

Total de l’emploi technologique régional: 30.000 personnes.

Contribution de 1,4 milliard d’euros au PIB

Enrayer la fuite?

A noter une évolution sensible du poids de ces diverses nationalités au cours de ces dernières années. Prenons trois pays à témoin (classement de l’emploi, tous secteurs technologiques confondus):

– France: 38,4% en 2015 contre… 26% en 2008

– Allemagne: 17,4% alors qu’elle était encore source de quelque 24% de l’emploi en 2008

– Etats-Unis: recul également, puisque l’on était encore à 21% en 2008.

Quelle est la cause de cette évolution apparemment étonnante?

Côté hausse française, des rachats de sociétés belges. Par exemple, en ICT, Callataÿ & Wouters, racheté par Sopra ou encore Banksys passé sous le contrôle de Worldline, filiale d’Atos.

Le recul américain s’explique notamment par quelques déménagements de sociétés en dehors du territoire bruxellois (telles HP qui a “migré” vers Diegem) mais aussi par une contraction de l’emploi de gros employeurs (exemple: IBM, toujours répertoriée société bruxelloise… parce que la porte d’entrée est en territoire bruxellois alors que la majeure partie du bâtiment est construit sur terrain flamand – c’est ça la Belgique !).

Le recul de l’emploi provided by Germany s’explique lui aussi en partie, notamment dans le secteur IT, par quelques gros déménagements. Visé, ici: Siemens qui a quitté la chaussée de Charleroi, à Saint-Gilles, pour rapatrier son siège vers un autre site déjà occupé à Beersel (Huizingen).

Travailler sur l’image et les fondamentaux

Ces reculs et ces mouvements sont aussi le signe que Bruxelles doit travailler à renforcer – voire retrouver – son attractivité.

“Bruxelles a grandement besoin de ces investisseurs internationaux comme moteur de son économie. Il faut dès lors travailler à une image technologique internationale forte, ce qui implique notamment une amélioration de la mobilité, du personnel qualifié en suffisance et une diminution des taxes communales”, déclare souligne Floriane de Kerchove, d’Agoria Bruxelles.

Parmi les actions préconisées: une campagne internationale autour de #TechBrussels afin d’améliorer l’image et l’attractivité de la Région-Capitale, ou encore davantage d’investissements dans la technologie pour la sécurité “en installant par exemple des caméras publiques (intelligentes)”, un doublement de l’offre de formations par le biais de pôles de formation sectoriels pour informaticiens et techniciens, et le développement d’une “stratégie d’innovation ambitieuse, assortie de programmes catalyseurs pour entreprises débutantes et en pleine croissance.”

Reprenons dans l’ordre…

Une “campagne internationale de promotion autour de #TechBrussels”. Où en est-on? “La campagne n’a pas encore été définie. Pour l’instant, Bruxelles se concentre essentiellement sur le tourisme et le commerce. Ce que nous soulignons, chez Agoria, c’est qu’il faut aussi promouvoir Bruxelles comme lieu d’investissements technologiques.” D’où le hashtag #TechBrussels qui pourrait servir symbole de ralliement.

Floriane de Kerckhove (Agoria) :“Bruxelles a grandement besoin des investisseurs internationaux comme moteur de son économie. Il faut dès lors travailler à une image technologique internationale forte, ce qui implique notamment du personnel qualifié en suffisance.”

Une “stratégie d’innovation ambitieuse”. Deux instruments devraient voir le jour, à plus ou moins court terme. D’une part, le Plan régional d’Innovation, qui est en phase de finalisation et devrait passer, d’ici quelques semaines, devant le Conseil de la Politique Scientifique. De l’autre, selon un agenda nettement moins proche, la définition d’un Plan du Numérique régional, à l’image de ce qu’a déjà fait la Wallonie. Mais on en est encore qu’au stade de la constitution des premiers groupes de travail…

Troisième thème soulevé par Agoria: “davantage d’investissements dans la technologie pour la sécurité”. Faut-il y voir un nouvel axe stratégique, à long terme, différenciateur, ou ne serait-ce qu’un “soubresaut”, inspiré par les événements récents?

Réponse de Floriane de Kerchove: “dans le domaine de l’ICT, nous avons toujours préconisé de travailler sur des niches porteuses. La sécurité en fait tout naturellement partie et est un important secteur de développement. Et j’y englobe le phénomène des caméras intelligentes mais aussi la cybersécurité, la sécurité au sens le plus large du terme. Bruxelles, après tout, est le siège de l’OTAN et un lieu très international…

Certaines choses ont déjà été organisées pour mettre l’accent sur ce thème – logique – de la sécurité. Tel le programme de déploiement d’un réseau intégré de caméras urbaines, via le CIRB, ou le thème qu’Innoviris avait choisi, en 2015, pour son appel à projets Rise – Innovative Starters. Mais il faut aller plus loin. Il faut par exemple des appels à projets spécifiques sur le thème de la sécurité.”

Il faudra aussi mieux solliciter ou faire appel aux acteurs locaux. A commencer, pour ne citer que lui, le cluster Software in Brussels, avec qui toutefois Agoria, dans le cadre cet appel qu’il lance à une “stratégie d’innovation ambitieuse”, notamment dans et via des thématiques ICT, n’a pas encore engagé de démarche de concertation !