Pierre Rion (Conseil du Numérique): “travailler en toute transparence”

Interview
Par · 15/04/2016

Quels sont certains des éléments et arguments qui ont guidé le choix de Pierre Rion pour le casting du Conseil du Numérique bis? Lire notre autre article pour plus de détails sur sa composition.

Pourquoi n’y retrouve-t-on, de toute évidence, que des personnes ayant un profil assez classique, en apparence peu “disrupteur”?

Quel fonctionnement Pierre Rion envisage-t-il dès les premières réunions de ce Conseil du Numérique bis ?

Depuis que le Ministre Marcourt lui a confié les rênes du Conseil du Numérique pour la préparation et désormais la surveillance du déploiement du Plan du Numérique, Pierre Rion n’a eu de cesse de répéter qu’il était là aussi – et le Conseil du Numérique avec lui – pour donner au besoin “un coup de pied dans la fourmilière”, pour formuler des avis critiques (mais pour la bonne cause), incisifs, sans se laisser influencer par de quelconques (éventuelles) tentatives de modération ou recadrage.

Les 5 membres choisis pour le Conseil nouvelle mouture – qui opèrera pendant 5 ans – ont dans leur grande majorité un “passé”, une carrière professionnelle parfois longue, des fonctions en vue, des profils que l’on n’associe pas non plus forcément aux technologies du numérique.

Quelques questions à Pierre Rion s’imposaient pour découvrir le pourquoi de ses choix (approuvés et avalisés par le ministre Marcourt et le gouvernement).

Indépendance et franchise

Côté “profils”, il dit avoir voulu composer une équipe de personnes indépendantes. Lisez: ne donnant pas prise ou ne s’inquiétant pas de préférences politiques. Des personnes “qui ne pensent pas ou qui ne jouent pas leur carrière [en prenant position ou émettant des avis] et qui n’ont par ailleurs pas leur langue dans leur poche”.

Pourquoi retrouve-t-on, comme membres du nouveau Conseil, trois personnes qui faisaient déjà partie du premier Conseil du Numérique [à savoir Elise Degrave, Baudouin Corlùy et Bernard Rentier]? Une volonté d’équilibre entre “anciens” et “nouveaux”?

“Le fait qu’ils aient participé à la rédaction du Plan du Numérique facilite les choses”, explique Pierre Rion. Les qualités, évidemment (ou heureusement), ont également été prises en considération. A commencer par une connaissance des secteurs dont ils auront la charge. Avec aussi leur capacité à y “jeter un éclairage intéressant”. Et toujours cette force d’indépendance et d’opinion qu’on attend d’eux.

Pierre Rion aurait pu pousser la logique de la “connaissance Plan” jusqu’au bout et repartir avec 5 têtes connues. Ce qui n’est pas le cas.

Explication. “Pour l’axe Economie par le numérique, j’aurais pu choisir quelqu’un d’un secteur d’activités mais on aurait alors demandé pourquoi avoir choisi un responsable d’une société plutôt qu’une autre.” D’où la solution plus neutre d’une personne – Etienne Pourbaix – qui est surtout associé au phénomène Pôle de Compétitivité. “Et j’ai opté pour Skywin parce que c’est le secteur le plus “gourmand” en utilisation numérique.” Sans oublier les qualités qu’il prête à Etienne Pourbaix lui-même – “une tête bien faite et une réelle indépendance.”

Apparences et réalité

Le casting choisi fait assez sensiblement pencher la balance du côté haut de la pyramide des âges. Là aussi, l’aplomb et l’expertise ont été favorisés. Avec aussi l’assurance – c’est Pierre Rion – qui le dit que têtes chenues n’est pas pour autant synonymes de savoir et compétences périmées. Tel Francis Bodson (ex-EVS, ex-Rtbf, ex-BeTV, actuel président du cluster TWIST) qui est qualifié de “geekior” (geek senior).

Mais pourquoi, malgré tout, ne retrouve-t-on pas dans le nouveau Conseil de représentant(e) de la (plus) jeune génération, l’un ou l’autre jeune “irrévérencieux” et “penseur out-of-the-box”? Pierre Rion, lui-même, avant d’accepter de rempiler avait imaginé que le Conseil pourrait être dirigé par un représentant de la jeune génération, un starter aux idées nouvelles, sans attaches avec le passé… Pourquoi ce revirement apparent?

Le premier argument qu’avance Pierre Rion est celui de la disponibilité. Un starter ou un patron de société en croissance – surtout dans le numérique – “a autre chose à faire que de consacrer son temps à des réunions du Conseil. Ce Conseil a besoin de personnes pouvant y consacrer du temps.” Voilà, soit dit en passant, les membres désignés dûment prévenus. Leur assiduité sera vérifiée – et pas seulement par leur capitaine.

Autre raison évoquée par Pierre Rion… la complexité du paysage. “Il fallait des personnes qui comprennent les arcanes institutionnelles régionales”. Qui fait quoi, qui est qui, qui est en lien – ou non – avec qui, etc.

Premières actions

Comment fonctionnera le Conseil du Numérique? Les six membres doivent évidemment encore se concerter pour établir l’agenda et la méthode de travail mais Pierre Rion propose “une réunion au moins tous les deux mois”. Chaque fois, pour discuter d’une série de questions qui auront été triées et préparées. Des questions qui seront adressées à l’AdN (Agence du Numérique), chargé de la mise en oeuvre du Plan du Numérique. “Le Conseil se réunira pour débattre des questions et pour remettre des avis au ministre Marcourt.”

Pierre Rion: ““Le Conseil du Numérique a un pouvoir de réflexion er de conseil, pas un pouvoir coercitif. Rendre le document accessible à tous peut être de nature à faire avancer les choses.”

Vis-à-vis de l’AdN, il s’agira de la confronter à la mise en oeuvre des mesures et à la vérification du respect des indicateurs de “performances” (de concrétisation) prédéfinis.

Côté avis et rapport au ministre, Pierre Rion voudrait une transparence optimale. Avec par exemple publication du rapport sur le site Digital Wallonia. “Le Conseil du Numérique a un pouvoir de réflexion er de conseil, pas un pouvoir coercitif. Rendre le document accessible à tous peut être de nature à faire avancer les choses” afin que les “critiques constructives” qu’émettrait le Conseil ne restent pas lettre morte.

Ce souci de transparence, ajoute toutefois d’emblée Pierre Rion, ne trahit aucune crainte particulière ou méfiance. “Moi-même et le Conseil avons eu la confiance du ministre dès le début du processus. Nous n’avons jamais ressenti la moindre injonction. Le budget alloué [pour le Plan] est allé au-delà de nos espérances. Nous avons donc toute raison d’être confiant pour la suite.”

A quoi pourrait ressembler l’ordre du jour de la première réunion?

Le Plan du Numérique s’articule autour de 5 axes et une série de mesures-phare, structurantes. Nous allons nous concentrer sur elles. L’AdN a déjà enclenché toute une série d’actions. Plusieurs mesures structurantes sont déjà en chantier. Nous allons demander des précisions, dûment documentées, vérifier les indicateurs…

L’une des choses auxquelles Pierre Rion dit vouloir veiller plus particulièrement est le caractère évolutif, “agile”, plastique du Plan. Si les procédures habituelles, voire les lourdeurs, freinent, l’intention est de trouver des chemins alternatifs. Exemple dans l’enseignement. “L’une des idées du Plan du Numérique est de favoriser l’apprentissage de la programmation dès le primaire. La mise en oeuvre risquerait d’être lente si l’on adopte le temps de l’enseignement [lisez: la lenteur à aménager, restructurer les programmes – notamment].” Solution alternative d’ores et déjà initiée: le déploiement de classes Coder Dojo. Liège a essuyé les plâtre. D’autres villes suivront, dont Charleroi.