Cette fois, c’est Nest’Up qui a “pivoté”

Hors-cadre
Par · 16/02/2016

Nest’Up vient de boucler sa 6ème session, qui, conformément à la volonté de se rapprocher périodiquement de diverses régions, avait emménagé pour la première fois dans un “nid” namurois.

Cette édition, en dehors de sa délocalisation, a été l’occasion pour ses responsables de tester une nouvelle méthode d’“accélération”, sur un rythme et selon un mode d’accompagnement revus en profondeur.

Pourquoi avoir changé de méthode, sur quels enseignements tirés des précédentes éditions? Plus fondamentalement, qu’est-ce que Nest’Up veut désormais faire émerger de son programme d’accélération? Des start-ups, des projets, des compétences nouvelles que les participants devront encore concrétiser à l’avenir? Et quelle est la création potentielle de “valeur” pour l’économie locale – question incontournable à l’heure où l’entité opérationnelle qui produit Nest’Up est appelée à devenir une filiale de l’Agence wallonne pour l’Entreprise et l’Innovation?

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Désormais, un seul coach est “dédié” à chaque équipe pour toute la durée du programme (plus de coach principal et de coach secondaire). Les autres coachs, en fonction de leurs compétences spécifiques, sont sollicités, à la demande, sur certains points – avec aval préalable du coach assigné.

Le type de programme qui est servi aux participants a, quant à lui, été fondamentalement revu. On abandonne une partie de la méthode TechStars américaine, adoptée (et légèrement adaptée) depuis le début. Finie, notamment, la segmentation en trois phases: évaluation du business model et co-construction du projet ; développement et test du premier produit ou service ; préparation du pitch et du fignolage en vue du Demo Day.

Désormais, le programme est découpé en 12 segments. Un par semaine.

Pourquoi ces changements?

Ils n’avoueront pas forcément toutes les erreurs du passé mais les responsables de Nest’Up disent avoir voulu “en revenir aux fondamentaux, privilégier à nouveau les bases de l’entrepreneuriat”.

Olivier Verbeke: “5 des 6 équipes qui ont émergé du Nest’Up 6 veulent continuer et se donnent 9 à 12 mois, à temps plein, pour travailler sur leur projet.”

“Nous avons notamment fait évoluer la méthode parce que nous nous sommes rendu compte que tous les projets ou start-ups ne se trouvaient pas au même stade d’évolution. Il fallait donc différencier la pédagogie”, explique David Valentiny, directeur de Creative Wallonia Engine (nouveau nom de Fostering Ideas, dont l’une des activités est l’accélérateur Nest’Up).

Autre raison: améliorer les chances que les “accélérés” poursuivent sur leur lancée, retirent du concret de leur passage chez Nest’Up et continuent de le mettre en pratique une fois le programme accompli. Dans l’espoir que les conseils, outils, “ficelles” que les participants ont découverts soient mis à profit plus tard pour développer leur fibre entrepreneuriale ou, à tout le moins, le sens de la recherche constante d’inventivité – pertinente – dans leurs tâches.

Enchaîner les “expériences”

Parmi les changements imprimés au parcours d’accélération, citons l’obligation de se confronter plus tôt et de manière plus systématique à la réalité du marché. Le but est de pousser encore plus loin le principe qui veut qu’il est bon de faire échouer une idée le plus vite possible, si elle est bancale. Histoire de pouvoir “pivoter” tout aussi rapidement et relancer un meilleur scénario.

Chaque semaine, chaque équipe est amenée à se frotter à une “lean startup experience”. Seules les trois dernières semaines échappent à la règle, afin de donner le temps aux participants de transformer les choses apprises en quelque chose qui tienne la route en vue de la présentation finale du projet lors du Demo Day.

Que sont ces “lean startup experiences”?

7ème session Nest’Up ouverte…

Les candidatures pour intégrer la 7ème session de Nest’Up peuvent être introduites jusqu’au 17 février via ce lien. 

Cette session se déroulera à l’AxisParc de Mont-Saint-Guibert. Partenaire: le hub créatif de Louvain-la-Neuve. Thème: la gamification – B2C et B2B.

Le prochain Nest’Up prendra, lui, ses quartiers à Charleroi. Là aussi, en collaboration avec le hub créatif, carolo.

En 2017, la délocalisation, pour la seconde session de l’année, se fera à Mons.

Chaque équipe ou porteur de projet choisit une “expérience”, parmi un répertoire qui en comprend 50, en fonction de l’“hypothèse critique” qui correspond à l’état d’avancement de son idée de base. Une “hypothèse” qu’il doit confronter à l’accueil (potentiel) du marché et dont il doit mesurer l’effet. “En définissant au préalable les paramètres qu’il va mesurer et ce qu’il attend de l’hypothèse”.

Petits exemples. Une “expérience” peut consister à vérifier la pertinence d’une idée de marché… en allant demander leur avis à des clients potentiels. L’idée d’un produit sera elle testée, par exemple, en construisant une page d’accueil minimale pour “mesurer” si les internautes mordent ou non à l’hameçon.

Autre exemple: évaluer un marché potentiel. Comment? “En allant voir dans le cimetière des start-ups pourquoi telle idée n’a pas marché dans tel ou tel autre contexte”. Une évaluation de produit? “En construisant un “minimal viable product… Frankenstein”. C’est-à-dire constitué d’éléments disparates pré-existants, assemblés en mode “trial & errors” pour expérimenter de nouvelles recettes de commercialisation, de visibilité, de séduction client…

A l’issue de la semaine, une analyse des résultats obtenus est faite avec le coach mais aussi via “peer review”, avec commentaires des membres des autres équipes. “Cette présentation aux autres participants permet à ces derniers de s’inspirer des expériences des autres, de les prévoir dans leur propre cheminement, adaptées éventuellement à leur propre cas”, explique Olivier Verbeke.

En parallèle à ces essais hebdomadaires, où chaque équipe progresse à son rythme, piochant les expériences qui correspondent le mieux à l’état d’avancement de leur “bébé”, d’autres compétences, plus universelles, sont inculquées: maîtriser les comptes de résultats, l’art de la présentation, rédiger des clauses contractuelles pour (futurs) actionnaires…

Moins de projets, moins de participants

La 6ème session fut aussi marquée par une diminution de la participation. Six projets ont été accompagnés. Un seul était porté par une équipe de 4 personnes. Les autres l’ont été par des duos et, pour l’un d’eux, par une seule personne.

Entorse à la règle de base et au concept essentiel qui est l’“équipe”? Entorse volontaire ou non?

C’est le fruit du hasard, souligne Olivier Verbeke, et non la volonté de revoir ce principe-là. L’équipe de Nest’Up, sur ce point, continue d’estimer que la force des projets n’est pas dans l’idée de départ – on peut la faire “pivoter”, la transformer – mais dans la qualité, la complémentarité et l’équilibre de l’équipe. Equilibre des personnalités mais aussi des compétences (développement, marketing, design…)

“C’est trop compliqué pour une personne seule de porter un projet, de tenir le coup tout au long de ces 3 mois d’accélération, d’être bousculé sans cesse par les coachs sans pouvoir s’appuyer sur d’autres personnes…”

Dès lors, comment se fait-il que les “équipes” aient été si “lean” lors de cette édition?

Manque de (bons) candidats? Petit trou d’air passager dans la sélection ou l’afflux de projets? Les organisateurs invoquent le hasard.

Et si un projet a été porté en solo, cela doit rester l’exception – qui, cette fois, a été acceptée “en raison des qualités exceptionnelles de sa fondatrice.”

“Usine à entrepreneurs” ou école de créativité?

Compte tenu de la taille, parfois réduite, des équipes, du découpage du programme en 12 semaines qui ressemble désormais à une succession de défis à relever et de notions à s’approprier, peut-on encore imaginer que des projets en émergent sous une forme qui soit plus que “minimum viable”?

“Nest’Up, c’est une usine à entrepreneurs plutôt qu’à entreprises”.

Ce que l’on retire de la manière dont les responsables de Nest’Up voient désormais les choses, c’est que ce Nest’Up n’est plus à proprement parler un accélérateur de projets ou de start-ups. Ce serait plutôt (ou cela devrait plutôt être) un décanteur, un filtre… Autrement dit, ce qui en sortira n’est pas forcément un projet qui, moyennant efforts encore à fournir, serait viable. Il y en aura, bien entendu. C’est du moins ce qu’on peut (doit) espérer mais le leitmotiv, désormais, est de commencer à façonner des entrepreneurs.

Nest’Up renforce-t-il alors son côté “école”, un endroit où on apprend à se planter, à ne pas s’en formaliser et à rebondir, où on apprend certaines ficelles qu’on utilisera peut-être plus tard, lors d’un autre projet ou dans le cadre d’un emploi de salarié?

“Les sessions Nest’Up accueillent de 6 à 9 projets dont environ trois-quarts se développent ensuite mais ils en sortent souvent après avoir pivoté”, estime David Valentiny. “Les autres poursuivent leur réflexion et imagineront peut-être autre chose d’ici deux ans. Ou bien encore rentreront dans une société mais en ayant un bagage propre.

Plutôt que d’“école”, je parlerais donc plutôt de Nest’Up comme d’une “founders factory” qui y puisent une expérience transformative.

Nest’Up agit sur l’apprentissage fonctionnel au travers de projets, de défis, avec une motivation par les pairs. En faire un dispositif d’apprentissage, au sens strict, serait casser la motivation première qui est celle du projet.

Mon souhait serait d’ailleurs qu’il y ait, chez nous, davantage d’espaces qui soient des lieux d’expérimentation transformative. Dans les Creative Hubs, les universités, les espaces de stimulation économique…”

Même écho du côté d’Olivier Verbeke: “Si, après Nest’Up, une start-up échoue après deux ou trois mois, ce n’est pas grave. Une autre renaîtra de ses cendres. Mais nous ne voulons pas pour autant être une boîte de formation. Nous ne voulons pas que des gens profitent du programme d’accélération pour briguer une belle place dans de grandes sociétés. La nouvelle méthode rend en fait les participants plus responsables, plus conscients que plus ils donnent, plus ils en retireront…”

Il utilise donc l’expression “fabrique d’entrepreneurs”. Et pas – mais le message n’avait pas été émis aussi clairement jusqu’ici – une “fabrique à start-ups”. “C’est trop facile de ficeler une start-up mais, en fait, elle ne réussira pas s’il n’y a pas, à sa base, un bon entrepreneur, des gens qui donneront tout…”

Ce qui, toutefois, soulève une question au sujet de la finalité de Nest’Up et de ce qu’en attendent ceux qui, du côté de la Région, financent l’exercice. A savoir: quid de la création d’emplois, de projets à (si possible) haute valeur ajoutée? Question d’autant plus justifiée que ce sera l’un des indicateurs d’évaluation par les pouvoirs publics.

Rappelons en effet au passage que Nest’Up, désormais, est insérée dans une structure publique puisque l’asbl Fostering Ideas s’est transformée en “Creative Wallonia Engine”, les deux premiers vocables du nouveau patronyme annonçant la couleur.

A savoir, une mise au service des ambitions de Creative Wallonia. Avec, à la clé, un processus de filialisation en cours qui fera de Creative Wallonia Engine (CWE) une “protostase” – lisez, filiale – de l’AEI (Agence pour l’Entreprise et l’Innovation).

Pourquoi faire du CWE une filiale de l’AEI?

“C’était une volonté du gouvernement, dans le droit fil du processus de rationalisation du paysage”, explique David Valentiny. “Mais la raison en est aussi le processus de développement d’un nouvel outil. CWE se veut un laboratoire, un plug-in explorateur. Il doit créer, comprendre, codifier des méthodes et concepts. Nous ne réinventerons pas la roue mais nous nous appuierons et viendrons compléter ce qui existe déjà, par exemple l’outil de diagnostic PME.

Une fois les nouveaux outils et méthodes expérimentés, ils doivent être transférés vers l’écosystème, lui permettre de se doter et de s’approprier ces nouveaux outils.

CWE est donc à la fois un espace d’expérimentation et, par la suite, une courroie de transmission vers l’écosystème de l’accompagnement des entreprises. Tout d’abord vers les Creative Hubs, ensuite vers l’AEI, les opérateurs économiques, les Pôles de Compétitivité…

En tant que filiale de l’AEI, nous serons une structure externe au gouvernement mais qui sera son bras armé en matière de créativité.”