BorderSystem: un filet de sécurité tissé en fréquences UWB

Portrait
Par · 08/02/2016

L’idée que BorderSystem, jeune société de Beaufays (près de Liège), compte transformer en solution commerciale est née de situations maintes fois vécues par son co-fondateur, Ghislain Roland. A savoir: la nécessité d’assurer la sécurité – physique – des personnes travaillant sur des chantiers. Dans son cas, l’exploitation de carrières.

Le duo Roland – père et fils -, aidé par la société Martin System (fabricant de systèmes de repérage et géolocalisation pour animaux – chiens, faucons…) et l’ingénieur indépendant Fabrice Frebel, a imaginé une solution qui permet de tracer un pourtour virtuel pour tout chantier ou zone à sécuriser, dont le franchissement déclenche automatiquement une alerte décelable par la personne concernée.

La société a introduit un dossier auprès de la DGO6 pour aide au financement. Il a été approuvé au titre de recherche industrielle, ce qui permettra BorderSystem de faire ainsi financer une bonne part de ses recherches R&D et la phase de prototypage.

Pister pour éviter les surprises

Pour ses débuts, la société vise deux scénarios d’utilisation de sa solution: le suivi d’objets (pièces, caisses, équipements…) en environnement professionnel ou industriel et la sécurisation de zone, en particulier des chantiers de construction, des carrières… Un troisième domaine pourrait venir s’y ajouter à terme, une fois la société sur les rails. A savoir: les systèmes anti-collision pour engins roulants.

Pour l’heure, la société a tout d’abord exploré le secteur de la traçabilité des biens, équipements ou marchandises. Premier client: les Ateliers Jean Del’Cour, entreprise de travail adapté, qui utilisent aujourd’hui un jeu de bornes et de tags pour assurer le suivi de caisses de pièces détachées sur ses lignes de production. A noter que ce premier client est aussi partenaire de la société puisqu’il se chargera de l’assemblage du système.

Les secteurs potentiellement intéressés que la société essaiera de convaincre sont notamment ceux de l’aéronautique et de la logistique. C’est notamment dans cette optique qu’elle vient de se faire membre du Pôle de compétitivité Logistics in Wallonia…

BorderSystem démarre par ailleurs la commercialisation de sa solution dans son scénario premier – la sécurisation de zone – en embrigadant pour ce faire un groupe de construction qui déploiera des jeux de bornes sur plusieurs chantiers afin de tester, cette année, l’efficacité de la solution en situation réelle.

Comment ça marche?

Pour déployer la solution de sécurisation de zone, un petit travail de préparation est nécessaire. Une personne (“traceur”) doit en effet délimiter la zone à considérer comme périmètre sécurisé à ne pas dépasser. C’est à lui qu’il incombe de placer les bornes qui serviront de relais et de d’enregistrer dans le système le pourtour de la zone à délimiter. Pour ce faire, il lui faut en faire le tour en ayant pris soin de fixer un bracelet doté d’une tag à son poignet. Le système cartographie l’espace en enregistrant ses déplacements.

Par la suite, les déplacements des personnes au sein de cette zone seront suivis à la trace grâce aux tags qu’elles portent et qui, par émission constante, en temps réel, renseigneront le système sur leur positionnement. Tout franchissement du périmètre établi par le traceur sera signalé.

Les bornes, positionnées à des endroits-clé du périmètre, servent de points de référence, calculent les signaux des tags (émis en fréquences UWB – voir l’encadré, en fin d’article pour plus de détails sur la technologie) et la position temps réel des personnes qui les portent.

Chaque borne est capable de couvrir une surface de 200 m2 en intérieur (en extérieur, la surface est potentiellement moindre, en fonction des obstacles qui pourraient s’y trouver).

Les “tags” peuvent s’apposer sur des équipements (scénario: traçabilité) ou être portées par des personnes – au poignet, au bras ou sur des casques (scénario: sécurisation). Le relais de données entre les bornes et le système central se fait via réseau Ethernet ou via Internet, selon le contexte. Pour du traçage d’“objets” en intérieur, les bornes peuvent fonctionner sur secteur et communiquer via le réseau de l’entreprise.

Les données collectées sont traitées par le système afin de déterminer la position des biens ou personnes, leurs déplacements, les périodes d’immobilité. “L’interface est encore minimaliste”, reconnaît Guillaume Roland. “Notre intention est de développer une interface plus évoluée, avec un partenaire informatique, sur base des besoins qui seront identifiés auprès d’un futur client.”

Mais, dès à présent, il estime que son système, en plus de sa finalité sécuritaire, peut procurer des statistiques et indications utiles aux entreprises pour mesurer et améliorer leurs performances et processus. Ainsi, “le calcul automatique des temps d’attente de pièces sur tel ou tel poste de travail peut être une aide utile pour l’optimisation de la productivité…”

Question de “valeur”

Si, dans son scénario sécurité de zone, la société peut faire valoir l’argument “la sécurité des hommes n’a pas de prix”, elle ne peut évidemment s’en emparer pour défendre sa solution en situation de traçabilité de marchandises ou d’équipements.

Pourquoi parler de cela? Parce que le coût de la solution BorderSystem n’est pas dédaignable. Le “package” sécurisation de zone, qui se présente sous la forme d’une valise comportant 6 bornes et autant de tags associées, revient à 12.000 euros.

Pour une utilisation en mode traçabilité, le coût est sensiblement inférieur: 7.000 euros (prix payé par exemple par les Ateliers Jean Del’Cour).

La “valise” BorderSystems, avec bornes, tags et écran de contrôle

Explication de cette différence? “En mode traçabilité, le système fonctionne à l’aide d’un accéléromètre et ne prend en compte la dernière position connue. Hormis un envoi de données une fois par heure.

En mode sécurisation de zone, nous recourons à des tags actifs qui émettent en continu. Ce qui est évidemment plus exigeant en termes de bande passante. L’électronique embarquée est également plus évoluée et coûteuse: puce WiFi, carte GPS, écran de contrôle intégré à la valise… Dans un contexte de traçage en entreprise, l’écran de contrôle est celui d’un PC…”, explique Guillaume Roland.

Le coût n’en demeure pas moins important: plus de 1.000 euros par borne installée (nombre de tags variable et pouvant être multiplié mais avec un impact, aussi, sur le coût). La solution ne s’adresse dès lors, dans l’état actuel des choses, qu’à des environnements professionnels où les produits ou équipements à “pister” représentent une “certaine” valeur – la définition de valeur dépendant évidemment de chaque contexte.

Notons encore que pour l’instant la solution BorderSystem n’est proposée qu’à la vente mais une formule de location sera envisagée pour une solution de traçabilité “portable” qui pourrait par exemple “être déployée quelques mois par une société désireuse d’améliorer ses processus et performances”.

Un brin de technique

La technologie choisie pour les communications entre les bornes et les tags est celle de les radiofréquences UWB (Ultra Wide Band).

Raisons de ce choix? Une utilisation tant en intérieur qu’en extérieur ; la précision de repérage (“environ 10 cm, là où la précision du Wi-Fi est de l’ordre de quelques mètres, sans parler des problèmes de déploiement en extérieur”) ; un potentiel d’auto-correction en cas d’interférences ou de mauvaise captation des signaux ; ou encore la possibilité de déployer le réseau sans crainte d’interdiction, “le spectre UWB étant libre d’utilisation, en ce compris pour les pompiers, la police ou des zones aéroportuaires.”

BorderSystem promet que les tags n’interfèrent pas entre elles et que, par ailleurs, le nombre de tags que peut ‘suivre’ chaque borne n’est limité que par la puissance de calcul prévue.

Type d’alerte émise, au niveau de la tag, en cas de franchissement d’un périmètre sécurisé: visuelle (témoin passant du vert à l’orange voire au rouge) et sonore. A l’approche d’une zone dangereuse, le bracelet (ou tout support sur lequel est fixée la tag) se met par ailleurs à vibrer. Un témoin rouge s’allume également sur la borne se trouvant à proximité.

Pour l’heure, le dispositif qui accueille le traceur (tag) demeure relativement volumineux (4 x 4 x 2 cm) “en raison des dimensions de la batterie”, souligne Guillaume Roland. Des choix devront être faits à l’avenir: trouver des batteries plus compactes, conserver le modèle actuel ou sacrifier de l’autonomie…  [ Retour au texte ]