Plan du Numérique: les grandes balises sont connues

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Par · 10/12/2015

Avec quelques semaines sur le planning initial, le gouvernement wallon a donné le coup d’envoi à son Plan du Numérique. Un Plan dont tous les détails, tenants et aboutissants, et l’agenda seront distillés au fil du temps mais dont la structuration et la teneur, visiblement, respectent les grandes lignes de force et les recommandations formulées lors des travaux préparatoires (Printemps du Numériques, groupes de travail) et consolidées dans le rapport qu’avait remis, en septembre, le Conseil du Numérique.

“Nous avons respecté l’architecture du plan telle que proposée par le Conseil du Numérique”, déclare Jean-Claude Marcourt, ministre de l’Economie et du Numérique. “Le document va désormais être envoyé au Conseil du Numérique [Ndlr: pour lui donner l’occasion d’y réagir]. Il pourra constater que ses travaux ont été entièrement suivis…”

300 millions + 200

Le budget alloué au Plan du Numérique s’élèvera à “plus de 500 millions sur 4 ans”, indique le gouvernement. Ce dernier semble donc dégager davantage de moyens que prévu puisque le montant évoqué précédemment était “d’au moins 300 millions”.

Le nouveau chiffre s’explique en partie par des moyens nouveaux collectés dans la besace des différents ministres mais est aussi le fruit de certaines réaffectations et de la compilation de budgets venus par exemple de la manne Feder.

503 millions en 4 ans

Répartition de ce budget global:

  • secteur numérique: 44%
  • compétences et emploi: 20%
  • territoire connecté et intelligent: 19%
  • économie par le numérique: 10%
  • services publics: 7%

Par ailleurs, Jean-Claude Marcourt n’a pas manqué de souligner que la mise en oeuvre de ce Plan ne pourra reposer uniquement sur des ressources publiques. Il a donc émis à nouveau un appel à la mobilisation et contribution d’acteurs privés et industriels.

Même s’ils sont loin d’être les seuls concernés, tous les esprits zoomaient évidemment sur les opérateurs télécoms, contexte actuel oblige. Quelque 48 heures avant le dévoilement du Plan, les trois opérateurs mobiles belges rejetaient en effet la proposition de conciliation concernant la “taxe Pylône”. Relire nos articles ici et ici.

A ce sujet, Jean-Claude Marcourt admettait que l’équilibre des propositions était peu optimal. A tout le moins. “On a sous-estimé l’asymétrie du poids économique des opérateurs”, déclarait-il. “Ils ne sont donc pas intéressés par la mutualisation mais ils disent demeurer ouverts et disponibles. Je reprendrai donc contact en janvier.”

Jusque là, la taxation des antennes-relais reste d’application. L’espoir est que les choses se résolvent “toutes les parties étant intéressées à ce que la transformation numérique du territoire réussisse.”

Cinq objectifs “structurants”

Le cadre d’abord

L’annonce du gouvernement, ce jeudi, s’est limitée aux grands axes du Plan, les ministres réservant pour plus tard les détails des mesures et projets.

Pour plusieurs raisons: toutes les actions possibles ou envisageables n’ont pas encore été chiffrées; le déploiement du Plan se fera de manière progressive, en fonction notamment d’un exercice de répartition budgétaire; les modalités de mise en oeuvre de nombreuses mesures ou mécanismes nouveaux doivent encore être balisées; et… les ministres se proposent de distiller l’annonce et l’explication des actions afin d’éviter un effet matraquage “que les premiers destinataires ne pourraient assimiler aisément.”

Le fait est que le gouvernement veut faire de ce Plan et de sa matérialisation “l’affaire de tous”. L’appropriation du numérique doit se faire non seulement par les acteurs de l’économie mais aussi “par le bas”, par le citoyen, l’élève, le chômeur. Une évolution ou révolution d’ordre social, culturel. Une action qui touche à toutes les compétences wallonnes et doit favoriser les usages numériques sur tout le territoire”, déclarait en substance Paul Magnette.

Même si les détails n’en ont pas été dévoilés (v. encadré ci-contre), l’annonce a pointé les axes majeurs et quelques priorités.

Passons-les rapidement en revue (nous y reviendrons plus en détails par la suite).

Les “5 objectifs structurants” qui sont la charpente du Plan respectent – on ne pouvait réellement imaginer qu’il n’en soit pas ainsi – les 5 recommandations majeures issues des travaux préparatifs. A savoir:

  • éducation: acquisition de compétences numériques (tous âges et tout profil de citoyen confondus), insertion d’un cours de numérique dans les programmes d’apprentissage
  • “Giga-Région”: infrastructure très haut débit, smart cities… Le déploiement du Très Haut Débit (fibre, notamment) visera en priorité, comme attendu, les zones d’activité économique, les écoles et les EPN (Espaces Publics Numériques). Pour ces derniers, relire nos articles sur les intentions formulées tout récemment par le Cabinet Marcourt et sur les attentes des acteurs EPN 
  • internationalisation: promotion de la croissance des “champions numériques” locaux à l’international. En la matière, plusieurs acteurs sont sollicités pour appuyer sur le champignon. A commencer par l’AWEX qui a décidé que le secteur ICT/numérique serait l’une de ses cibles prioritaires en 2016 – nous vous en parlions, voici quelques jours, dans cet article. Autres acteurs impliqués dans cet effort plus marqué en faveur de l’internationalisation des sociétés locales: les clusters Infopole et TWIST et l’ADN.
  • financement: faciliter l’accès au financement pour les start-ups mais aussi “à chaque stade du cycle de vie de l’entreprise” via la mise en oeuvre d’un fonds d’investissement dédié au numérique
  • recherche: renforcer la recherche dédiée au numérique et favoriser les transferts vers les entreprises et l’industrie. Ce sera la mission du Digital Wallonia Hub.

Quelques priorités

Dès à présent, quelques projets et axes ont été mis sur les rails, enveloppe budgétaire à l’appui.

Lancement du Digital Wallonia Hub, qui verra s’associer les centres de recherche, les Pôles de compétitivité et les clusters spécialisés (TWIST et Infopole Cluster TIC). Objectif: “générer l’embryon d’un iMinds wallon, qui fédère les ressources afin d’obtenir une masse critique pour la recherche numérique en Wallonie, et mieux connecter les équipes de recherche wallonnes aux meilleurs réseaux internationaux.” Relire le portrait que nous en esquissions lors d’un récent article. 

Jean-Claude Marcourt: “Le Plan du Numérique est une stratégie évolutive. Le Plan n’est pas figé. Il pourra s’adapter, être étendu par l’ajout de nouvelles initiatives ou en raison de l’évolution des technologies.”

Financement “minimal” de la recherche dans le numérique, tel qu’annoncé par Jean-Claude Marcourt: 80 millions sur 4 ans.

Lancement du Fonds du Numérique, placé sous l’égide de la SRIW. Budget sur 4 ans: 80 millions. Mission: favoriser la création et la croissance de start-ups, avec “financement d’amorçage complémentaire, en lien avec les invest.” Il pourrait être sur les rails dès début 2016 (février?).

Le chapitre Smart Cities hérite d’un budget de 26 millions, largement venus du Feder. Il portera notamment sur l’extension des expériences-pilote “Digital Cities” et la création de démonstrateurs (living labs & co.)

Au rayon Education et Enseignement, une enveloppe “de plus de 500.000 euros” est dégagée notamment pour la généralisation du concept de “school lab”. Aux 6 sites-pilote viendront se joindre la totalité des hautes écoles pédagogiques. Autre action financée au niveau de l’enseignement supérieur: la création d’une filière cybersécurité.

Pour les autres niveaux d’enseignement, la Région investira 65 millions dans la poursuite de l’équipement (matériels et réseau WiFi) des écoles, à raison d’un équipement de 500 écoles par an, et dans la mise en oeuvre de solutions hébergées dans le cloud (ressources d’e-learning mais aussi virtualisation des serveurs aujourd’hui déployés dans les écoles).

Christophe Lacroix: “L’Administration doit accompagner la transformation numérique du territoire wallon et réussir sa propre révolution numérique.”

Dans ce domaine, soulignait Jean-Claude Marcourt, “la Région se substitue à la Communauté française, en raison des contraintes budgétaires qui sont les siennes.” Une concertation interviendra avec la ministre en charge de ce portefeuille (Joëlle Milquet) afin d’articuler efficacement Plan du Numérique et Pacte d’Excellence.

Administration & Pouvoirs publics. Un budget de 37 millions sur 4 ans est dégagé pour “accélérer le rythme de la simplification administrative et de la transition numérique des agents et services publics.” Au programme: formations pour les agents des services publics, promotion et développement d’une “culture data” pour reprendre l’expression de Christophe Lacroix, ministre du Budget et de la Fonction publique.

“Les échanges de données entre administrations seront renforcées. Il s’agira de mettre davantage les données publiques (open data) à disposition des citoyens et des entreprises.”

Le lancement de trois guichets uniques est confirmé: un pour les citoyens, un pour les entreprises, un pour les associations.

Mais, au rayon Administration, le message n’est pas un “tout au numérique”. “Avec l’accentuation du numérique, il y a en effet un risque de rupture de contact entre le citoyen et l’Administration. En raison de l’aggravation possible de la fracture numérique pour les plus défavorisés, nous allons intensifié le concept de proximité administrative en veillant à renforcer le caractère humain de la relation et en améliorant les services décentralisés.”

En garder sous la pédale

Plusieurs dossiers ou orientations, pourtant importantes voire essentielles, n’ont pas fait l’objet de commentaires particuliers de la part du gouvernement. Citons notamment l’infrastructure haut débit et l’e-santé.

Côté (très) haut débit, au-delà des priorités générales pour la fibre optique (zones d’activité économique, EPN, écoles), il faudra patienter pour en savoir davantage. Même si le volet Pylônes n’est pas, en soi, essentiel, il est le stigmate d’une situation où le dialogue doit encore porter ses fruits.

Côté e-santé, Maxime Prévot s’est contenté de rappeler l’existence du décret portant sur la mise en oeuvre d’une “plate-forme wallonne d’échanges de données en matière de santé” (qui pérennise le Réseau Santé Wallon) et d’indiquer qu’“il faut aller plus loin, en définissant une véritable stratégie et en favorisant des projets innovants.” Ce qu’on pouvait déjà lire dans le rapport du Conseil du Numérique. Ici encore, on patientera pour en découvrir davantage.