Le “Belli”, dispositif de suivi de grossesse d’inspiration belge

Pratique
Par · 30/10/2015

Il est Liégeois, a travaillé pendant 8 ans dans les labos de recherche de l’IMEC… à Eindhoven et, depuis deux ans, s’est expatrié en Californie pour lancer sa start-up, née de résultats des recherches de l’IMEC. Son nom? Julien Penders, ingénieur civil en optoélectronique (ULg) et passionné de biomédical (il a décroché un master en ingénieur biomédicale à l’université de Boston).

Le nom de sa société, créée avec un Américain, Eric Dy? Bloom Technologies.

Spécialisation: le développement et la commercialisation de dispositifs dédiés au suivi de la santé féminine. Première application: les problèmes liés à la grossesse et, plus spécifiquement, le suivi des risques d’accouchement prématuré.

De quoi s’agit-il?

Le Belli est un “coach de grossesse personnalisé”. La solution se compose à la fois d’un capteur, fixé à un patch, et d’un logiciel d’analyse prédictive des données. Le capteur mesure la fréquence et la durée des contractions, envoie les informations vers le smartphone de la future maman où l’application analyse, synthétise et “interprète” les données.

Le Belli est un capteur passif, qui n’émet aucune énergie et “est donc sans risque pour le bébé. Cela permet un monitoring constant”, souligne Julien Penders.

Prétraitées sur le capteur, les données sont également pré-analysées, en partie, sur le smartphone, avant d’être envoyées vers un serveur distant où elles seront analysées (notamment pour améliorer l’objectivation des facteurs déclencheurs d’accouchement prématuré).

Les données peuvent en outre être partagées directement par la femme enceinte avec son médecin ou tout autre prestataire de soins. Objectif, tel que présenté par la société: permettre au professionnel de la santé de procurer des conseils adaptés et de favoriser une prise de décision (médicale) plus pertinente.

Dans sa première version, le dispositif compte le nombre de contractions, leur fréquence … De nouvelles fonctions sont en passe d’être ajoutées: mesure du stress, du sommeil, du degré d’activité de la femme enceinte, nombre de coups de pied du bébé…

Valider le concept avant de médicaliser

Dans un premier temps, le dispositif imaginé est purement orienté conseil, “aide à la prise en charge”. “Le Belli n’est pas un dispositif médicalisé, il ne propose pas de diagnostic. Il aide simplement la femme à mieux comprendre sa grossesse, à quantifier par exemple les mouvements du bébé pour pouvoir mieux répondre aux questions que lui posera son gynécologue ou son médecin.”

Le Belli est aussi destiné “à l’aider à prendre les bonnes décisions: quoi manger, être active ou alléger le rythme, faire ou non de la gym… Les nouvelles fonctions de mesure du stress, de l’activité et du sommeil seront conçues en conformité avec les normes du Collège américain des obstétriciens et gynécologues.”

L’offre d’un dispositif médicalisé, certifié et reconnu par les autorités et la profession médicale, ne viendra que dans un second temps.

Julien Penders: “Les nouvelles fonctions de mesure du stress, de l’activité et du sommeil seront conçues en conformité avec les normes du Collège américain des obstétriciens et gynécologues.”

Pour ce faire, il faut encore passer le stade de la validation – du dispositif et de la pertinence du modèle analytique – en opérant sur une somme la plus vaste et diversifiée possible de données.

A cette fin, Bloom Technologies avait déjà contracté un accord avec l’hôpital Oost-Limburg de Genk, où des tests cliniques ont été menés.

Tout récemment, elle vient de passer un partenariat avec l’Hôpital des Enfants Benioff de l’UCSF (Université de Californie à San Francisco) qui a lancé la Preterm Birth Initiative, un programme de recherche financé par Marc et Lynne Benioff et par la Fondation Bill Gates. Il comporte deux volets: l’un en Californie, l’autre en Afrique de l’Est.

“La Preterm Birth Initiative nous permet d’accéder à un important référentiel d’informations qui permettra d’identifier de nouveaux biomarqueurs physiologiques et des comportements dans la vie de tous les jours qui peuvent contribuer à réduire les problèmes provoqués par les naissances prématurées”, explique Julien Penders. “On sait que certains facteurs physiologiques et certains comportements, tels que le tabagisme, favorisent les accouchements prématurés. Mais aucune validation systématique n’a encore été faite, sur base d’une analyse de données à grande échelle, pour améliorer la situation. C’est le but que nous recherchons avec le Belli.”

La Californie, par opportunité

Pourquoi avoir lancé la société en Californie plutôt qu’en Belgique? Plusieurs facteurs ont joué. A commencer par le master en biomédical effectué à Boston (Julien Penders n’avait pas trouvé d’équivalent localement, à l’époque) et la rencontre avec celui qui allait devenir co-fondateur de Bloom. Mais aussi et surtout, le constat que “les Américains sont davantage prêts que les Européens à payer pour la prise en charge personnelle de leur santé. En Europe, on a encore davantage tendance à se tourner vers son médecin, une sorte de dé-responsabilisation… même si les choses commencent à changer”, déclare Julien Penders.

Le marché américain était donc perçu comme étant plus mûr pour un système tel que celui imaginé et, surtout, offrait des perspectives de plus vaste débouché pour un produit grand public.

Le Belli, actuellement en “dernière phase de test”, est d’ores et déjà vendu (en fait, proposé à la location) aux Etats-Unis. A terme, l’intention de Bloom Technologies est de le proposer également de ce côté-ci de l’Atlantique, en veillant à se conformer aux législations et réglementations locales. Mais toujours, au début, comme produit grand public. L’étape du dispositif médicalisé viendra plus tard.

Levée de fonds

Bloom Technologies, c’est aujourd’hui 8 personnes — 4 à San Francisco, 4 dans le Limbourg. La R&D continue d’être menée en Belgique. Outre les 4 temps plein, la société “emploie” aussi à mi-temps une infirmière et une sage-femme de l’hôpital Oost-Limburg pour les tests cliniques (60 femmes y ont participé l’année dernière, 50 autres s’y ajouteront cette année).

La société continue en outre de collaborer avec le laboratoire de l’IMEC dont est issu Julien Penders. Objectif: poursuivre les développements de l’électronique et optimiser le design (performances, acquisition de données, consommation énergétique…).

Après avoir bénéficié d’une bourse de l’IWT (agence flamande Innovatie door Wetenschap en Technologie) en 2014 et récolté de premiers fonds pre-seed, Bloom Technologies vient de réaliser son premier tour de table auprès d’investisseurs américains et européens, principalement privés mais avec aussi des fonds publics belges (Julien Penders n’en révèle pas l’identité pour l’instant). De quoi financer la phase de validation (dispositif, réseau de distribution, modèle économique) et amener la start-up jusqu’au stade du scale-up.