Quel budget pour le Plan du Numérique? Arbitrages en vue

Hors-cadre
Par · 23/09/2015

On le sait, parce que cela a été précisé lors de l’annonce du Plan Marshall 4.0, quelque 300 millions ont été budgétisés (sur le restant de la législature), à “consommer” par le Plan du Numérique.

Ce total se subdivise en plusieurs lots: Cet axe numérique hérite d’une enveloppe de 244,8 millions d’euros pour l’axe numérique proprement dit (l’un des 5 piliers du Plan Marshall). Il faut encore y ajouter une partie des budgets couvrant les autres axes. Telle qu’une partie des moyens alloués au soutien et à la diversification du financement des entreprises, qui relèvent de l’axe 2 (Soutien à la croissance). Ou encore des moyens pour le soutien à l’innovation et à la créativité, “en ce compris dans le secteur industriel”.

Relire, pour plus de détails, l’article que nous avons consacré à la place que prend le numérique dans le Plan Marshall.

Jean-Claude Marcourt dit espérer pouvoir dégager des moyens supplémentaires au cours des prochaines années mais le cadre ne devrait guère bouger.

300 millions pour 50 mesures, cela peut paraître fort court et risque de déboucher sur des moyens-souriceaux si l’on tombe une nouvelle fois dans le travers du saupoudrage.

Les membres du Conseil du Numérique font toutefois remarquer plusieurs éléments qui rectifient cette analyse: 

  • certaines mesures ne coûtent rien en tant que telles, notamment celles qui relèvent surtout d’un “changement de mentalité”
  • d’autres mesures s’auto-alimenteront elles-mêmes en raison des économies ou des effets positifs qu’elles induisent
  • d’autres encore sont (en partie) financées ou potentiellement couvertes par des budgets déjà alloués
  • enfin, le gouvernement ne sera pas le seul à passer à la caisse. Du moins est-ce l’espoir. En ligne de mire, notamment, l’activation du privé dont beaucoup regrettent qu’il ne déploie pas, au sud du pays, autant d’initiatives et de moyens qu’en Flandre. “Des acteurs tels que Proximus ou Telenet injectent des moyens, des ressources, des capitaux dans divers projets, en ce compris au bénéfice des start-ups.” Pourquoi, dès lors, un Proximus ou un Nethys, pour rester dans le même secteur – mais d’autres sont évidemment possibles, n’agirait-il pas de même?

Autre exemple où une mesure pourrait (devrait) tirer parti de l’intervention du privé: le déploiement du très haut débit sur le territoire et l’effacement des “zones blanches” (les parents pauvres en communications). L’une des propositions (appuyées) du Conseil du Numérique est de mettre un terme à la “taxe pylône” Voir ci-dessous la position – actuelle – du gouvernement. Pierre Rion s’en expliquait déjà dans l’interview qu’il nous avait accordée en août. Si le gouvernement fait un geste, annule cette taxe, les opérateurs eux aussi devraient contribuer utilement au très haut débit. L’effort financier devra d’ailleurs nécessairement venir de diverses sources…

Un chiffrage qui laisse de la marge…

De la marge de décision et d’arbitrage, côté gouvernement. Mais peu de marge en termes d’enveloppe budgétaire.

Les auteurs des recommandations listées par le Conseil du Numérique n’ont pas chiffré chacune des 50 mesures proposées. Seules en fait, certaines mesures du chapitre “Compétences numériques et Emplois” (qui touche notamment à l’enseignement et à la formation”, ont fait l’objet d’une évaluation chiffrée.

Dans la plupart des cas, les auteurs se sont bornés à indiquer que le budget associé à la mise en oeuvre de la mesure serait “élevé, moyen ou faible”. Pour d’autres, ils précisent que le budget concerné est prévu ou planifiable dans un autre contexte. Comme par exemple le financement du “Digital Wallonia Hub” (relire l’article que nous lui consacrions cette semaine), qui ressort du “budget mobilisateur” du plan Marshall 4.0. Ou divers budgets qui “existent auprès des opérateurs concernés”.

Source: AQT

L’impact de chaque mesure n’a pas, lui non plus, été chiffré. Exercice certes difficile, voire périlleux, sinon impossible. Toutefois le rapport du Conseil du Numérique classe chaque mesure dans l’un (ou plusieurs) des 4 domaines sur lequel il devrait avoir un impact. A savoir:

  • le PIB du secteur numérique wallon
  • le PIB industriel wallon
  • la balance commerciale du secteur numérique wallon
  • ou le niveau de maîtrise du numérique et l’extension des usages numériques auprès de la population.

Quelques exemples de mesures jugées potentiellement onéreuses?

  • la couverture prioritaire des “zones blanches” en très haut débit
  • le raccordement des 280 zonings et parcs d’activité économique au maillage à très haut débit
  • l’équipement des écoles, EPN et centres de formation en très haut débit
  • le développement des usages open data (où tout, ou presque, reste à faire)
  • le développement de l’“innovation ouverte” au sein des services publics; il s’agira ici, notamment, de favoriser le développement d’applications “disruptives”, d’applications mobiles “organisées dans une logique d’app store”, et de “laboratoires d’innovation numérique Open Gov”, des labos “vivants” qui se nourrissent des interactions avec les citoyens et entreprises (pour tester et valider) mais aussi des savoirs d’experts, belges ou européens
  • la création d’une filière académique en cybersécurité
  • l’organisation d’un événement de haut niveau dédié au numérique et de forums thématiques
  • ou encore la mise en oeuvre de la “plate-forme” Digital Wallonia (pilotée par l’AdN) qui servira à la fois de vitrine, de sources d’informations et de références, de courroie de transmission entre les différents acteurs.

A contrario, une série de mesures sont considérées comme n’exigeant qu’un “budget faible”. Exemples:

  • le développement du concept de “chèques technologiques” pour financer l’appel à des expertises ciblées pour accélérer la transformation numérique; acteurs de ce coaching: les centres de recherche agréés, les centres universitaires… ou encore l’activation de collaborations public-privé, le recours à du coaching participatifs en matière de projets e-commerce
  • la mise en oeuvre du fonds d’investissement dédié au numérique, à condition de ne pas créer un nouvel organisme (à souligner que l’on parle ici de l’activation de ce fonds, pas de son approvisionnement en moyens financiers)
  • le renforcement de la veille technologique, en ce compris dans une perspective “Industrie 4.0”
  • le développement de partenariats et de missions à l’étranger dans des “domaines où la Wallonie manque de compétences technologiques” mais où un “saut quantique” est souhaité. L’un des leviers d’action serait ici la mise en place d’un “pack d’accueil” incitant des acteurs étrangers de venir créer une structure ou une start-up en Wallonie.
Taxe pylônes. Pilonnée et condamnée au pilon?

Où en est cette idée de retrait de la taxe pylône, côté gouvernement? Ce vendredi, Jean-Claude Marcourt rappelait que le Conseil des Ministres lui avait donné mandat, ainsi qu’à son collègue Paul Furlan, d’“étudier la problématique et de déterminer si des alternatives sont possibles, en tenant notamment en compte l’impact sur le développement du numérique.”

Pas encore de promesse formelle d’abandon de la taxe sur les pylônes (relais GSM), donc, mais l’engagement d’envisager de nouvelles pistes. Ce qui impliquerait des négociations avec les opérateurs car ce sera du donnant-donnant. Aux opérateurs, de leur côté, d’avancer des propositions pour le déploiement du très haut débit.

Ce débat a eu lieu, tout naturellement, au sein des groupes de travail et du Conseil du Numérique, ce dernier affichant une claire demande d’abandon de la “taxe pylône”. Mais précisant aussi, par la bouche de Pierre Rion: “Tout geste [du gouvernement wallon] impliquera logiquement que certaines choses soient demandées en contrepartie aux opérateurs. Le Conseil du Numérique approuve cette vision et a demandé que les opérateurs s’engagent à assurer une couverture correcte du territoire wallon. Pas question de raser gratis. Les représentants des opérateurs se sont dits rassurés par ce principe que nous avons mis sur la table.” Relire la totalité de l’interview qu’il nous avait accordée au mois d’août.  [ Retour au texte