RoyalAppForce: doper les processus métier par le ‘fun’

Portrait
Par · 05/08/2015

L’idée n’est pas neuve: apporter de l’efficacité et de la performance dans divers processus de gestion d’entreprise (ventes, gestion des ressources humaines, rendez-vous d’affaires, logistique…) par le jeu, la “gamification”, l’esprit de compétition, des concepts de concours, de motivation… C’est sur ce terrain que s’est lancé, en début d’année, le Liégeois Dominique Mangiatordi, “capitaine” — plus ‘fun’ que CEO — de RoyalAppForce et précédemment fondateur de l’agence Web Globule Bleu (revendue en 2008 à Proximedia).

Sa nouvelle aventure est basée à Liège, même si, lui, réside encore à mi-temps à Aix-en-Provence où il fut, jusqu’en début d’année, le patron de la filiale française de HomeAdvisor.

Positionnement: le développement de solutions souvent – mais pas exclusivement – mobiles (plates-formes: Android et iOS, et sans doute bientôt Windows) destinées à “gamifier”, ludifier, certains processus d’entreprise, jusqu’ici arides, et rendre les collaborateurs plus efficaces.

Six processus-clé ont été identifiés comme des cibles prioritaires. Chacun aura droit à sa propre appli gamifiée. Trois ont été inscrits au programme 2015. Trois autres (dont Dominique Mangiatordi ne dira rien dans l’état actuel des choses) seront exploités en 2016.

Les trois processus sur lesquels RoyalAppForce base ses débuts? La vente, les rencontres professionnelles, et la gestion des objectifs annuels. Trois processus. Trois applis. A savoir, dans l’ordre: Peak Me Up, lancée en janvier ; SeeYa, qui sera lancée en octobre ; et HappyFormance, qui suivra en novembre.

Levée de fonds

Pour alimenter la croissance de la société – croissance en termes de catalogue et d’ambitions commerciales -, RoyalAppForce a procédé cet été à une première levée de fonds. Parmi les investisseurs: Meusinvest. Voir les détails ici. 

Première appli: Peak Me Up

Peak Me Up est une solution d’“animation” pour commerciaux. Une sorte de solution de sales force automation en mode ludique, destinée à motiver et à “optimiser” les actions des commerciaux sur le terrain. Le principe? Le commercial encode ses actions au fil de l’eau et progresse sur une échelle de performances prédéfinie avec son employeur ou directeur commercial: contrats signés, placement de produit, promotion sur vente, démo de produit effectuée…

Il peut ainsi thésauriser des points, visualiser, sur son tableau de bord, son évolution personnelle, son “classement” par rapport à ses collègues tandis que son responsable direct — manager, superviseur ou chef d’équipe commerciale — suit en temps réel les actions et opérations commerciales et peut ainsi intervenir, réagir, féliciter, aider à corriger le tir, initier un nouveau challenge… Le tout est agrémenté par des animations visuelles, des incitants, un processus de mise en compétition, mais aussi du coaching automatisé.

Parmi les sociétés qui ont d’ores et déjà mordus à l’hameçon, citons Continental Foods en France, pour les marques Royco et Devos Lemmens, et Belfius, pour 8 agences de la région liégeoise.

En France, Continental Foods en a équipé ses merchandisers, chargés du placement des paquets de soupe Royco dans les rayons des points de vente. “Chaque fois qu’ils réalisent quelque chose d’intéressant pour la marque, ils le signalent via l’appli. Notamment par la prise de photos du placement des produits en rayon.” Non seulement, ils améliorent ainsi leur score mais l’info est automatiquement relayée vers le manager qui peut les féliciter, les encourager, donner un avis…

Chez nous, 8 agences liégeoises Belfius, gérées par des indépendants, ont participé à un projet-pilote (qui pourrait déboucher à l’automne sur une généralisation du principe). “Belfius avait déjà mis en oeuvre un système de points, sur base de critères de valorisation d’actions commerciales. Nous l’avons transposé en un jeu dans notre appli mobile. Le pilote a duré 6 mois et a été concluant puisque les résultats commerciaux ont augmenté de 30%, sans qu’il y ait d’autres éléments mis en oeuvre.”

“Ceci n’est pas du CRM ou du SFA”

L’objectif final de l’utilisation d’une telle app est donc d’améliorer les “performances” des collaborateurs qui l’utilisent. En l’occurrence, pour Peak Me Up, celles des commerciaux. Reste à voir comment de tels outils trouveront leur place dans le panel des outils de gestion déjà disponibles. Dans le cas des départements – et effectifs – commerciaux, l’outil convaincra-t-il face aux solutions de CRM (gestion clientèle) et de SFA (automatisation des forces de vente)?

“Nous ne nous positionnons pas comme un remplaçant de ces solutions”, réagit Dominique Mangiatordi. “Peak Me Up n’est pas une solution de CRM ou de SFA. Le CRM est un outil de reporting destiné au management et c’est très bien ainsi. Mais, du côté des commerciaux, il est perçu comme étant un outil de plus, lourd en encodage. Par contre, Peak Me Up suscite chez eux l’envie d’utiliser l’application, de la passion, de l’excitation du fait qu’elle allie esprit ludique, défi et animations. Et cela, une solution de CRM n’y arrive pas. Voyez par exemple la solution Nitro de salesforce.com. Cela ne marche pas. Ce qui explique que la société ait décidé de racheter deux start-ups américaines, actives sur le terrain de la gamification…”

Reste toutefois que Peak Me Up, aussi ludique soit-elle, implique de l’encodage. Et, donc, un double encodage pour un commercial à qui on demande déjà d’utiliser une solution CRM ou SFA. Donc, même si elle est ludique, amusante, motivante, désaltérante ou tout autre qualificatif qu’on peut lui prêter, il y a risque de surcharge… La réponse de RoyalAppForce?

“Si la société utilise déjà un CRM, il y a en effet double encodage mais les tests et les utilisations qui sont faites chez nos clients prouvent que les commerciaux préfèrent utiliser Peak Me Up. Chez Saint-Gobain, par exemple, nous avons donc développé un processus d’intégration automatique des données dans le CRM de la société.” Cet élément intégration devrait devenir une constante pour la jeune start-up.

Dominique Mangiatordi: “Nous évitons de nous adresser, dans un premier temps, aux informaticiens. Notre appli est plug & play et dope les ventes. Nous adresser d’abord aux responsables IT serait perdre en souplesse.”

Pour convaincre et réussir à glisser le pied dans la porte des clients, RoyalAppForce “évite de s’adresser, dans un premier temps, aux informaticiens.” Elle joue la carte de l’adoption “sauvage” par les départements commerciaux. “Notre appli est plug & play, sa mise en oeuvre facile et les résultats éloquents”, argumente Dominique Mangiatordi. “Les 6 mois de test chez Belfius l’ont démontré. C’est donc preuve en mains que nous pouvons ensuite réfléchir avec l’équipe IT du client à la manière de l’intégrer avec l’existant.”

SeeYa

Tout comme Peak Me Up s’inspire d’applications de mesure de performances sportives (kilomètres parcourus, calories dépensées…) transposées au monde professionnel, SeeYa se veut une sorte d’appli de rencontres, de type Tinder, pour professionnels.

“Nous réutilisons les mêmes codes que ceux exploités par des applis de rencontres pour célibataires mais en les appliquant au monde du business, pour des rencontres entre personnes actives lors d’événements, de séminaires…

Un professionnel peut ainsi préparer sa participation à un événement en repérant et programmant des rencontres, à l’avance, avec des personnes qu’il aura recherchées sur base de critères spécifiques.”

L’appli, qui sera commercialisée à partir du mois d’octobre octobre, a été pré-testée lors d’un événement organisé par la Chambre de Commerce de Liège. Evénement qui réunissait près d’un millier de participants.

Résultat probant selon Dominique Mangiatordi: “il y a eu environ 400 téléchargements et utilisateurs de notre appli.”

HappyFormance

Cette appli, qui emprunte son nom à un programme de formations et de conseils de Laurence Vanhée(voir encadré ci-dessous) qui devient ainsi partenaire pour l’occasion, opérera comme un outil venant se greffer sur une méthodologie de coaching et de gestion d’équipe pour grandes entreprises. Objectif: simplifier et dynamiser la gestion des objectifs annuels “en pouvant visualiser à chaque instant son évolution personnelle, son positionnement vis-à-vis des objectifs, pouvoir déterminer comment progresser…”

Laurence Vanhée est une spécialiste HR, auteur du livre “Happy HR” (elle se proclame elle-même Chief Happiness Officer). Elle conseille les entreprises en matière de gestion des ressources humaines et compétences, plus spécialement dans les nouvelles méthodes et environnements de travail (sociétés “agiles”, NWOW- nouveau monde du travail…). Depuis environ 2 ans, elle a mis au point un programme baptisé HappyFormance. Fil rouge? La “transformation positive des organisations pour des performances durables”. Le programme inclut des “master classes”, des ateliers et des prestations de conseils.

“La gestion des objectifs annuels est une activité qui est mal gérée, rigide. On y consacre 2 heures, en décembre, une fois par an. Et l’année suivante, on a oublié le contenu de la session précédente… Recourir à une appli gamifiée sur smartphone ou tablette permet de travailler avec des objectifs à court, moyen et long terme, individuels et/ou collectifs, avec des objectifs-clé et d’autres qui le sont moins… Le thème choisi est celui du bateau. Tout le monde démarre avec une petite barque avec l’objectif de la faire évoluer en beau navire. Tout le monde voit le résultat collectif.”

L’appli HappyFormance, programmée pour commercialisation en novembre, ne sera pas pour autant une panacée, une solution qui se suffit à elle-même. “Nous la voyons plutôt comme un outil d’aide au coaching. Avec interaction immédiate entre le collaborateur et son responsable direct. S’il voit qu’il ne pourra atteindre l’objectif qui lui est fixé, il pourra utiliser un bouton Help pour appeler son chef qui pourra dès lors lui apporter une aide concrète, immédiate, quelle qu’en soit la forme (entretien, conseil…). Il devient ainsi possible de redéfinir, au besoin, les objectifs [sans plus devoir attendre l’évaluation classique en fin d’année]. C’est aussi un outil de meilleure réactivité pour tous les acteurs concernés. L’application enregistre toutes les actions. Si on constate qu’un collaborateur a trop tendance à demander de l’aide, cela implique qu’il y a un problème à régler.” Manque de compétences, niveau insuffisant, besoin de formation, problème de motivation…

Parce que le “sur-mesure” est surdimensionné…

RoyalAppForce propose ses applis ludiques en mode SaaS (Software as a Service) et les facture donc à l’usage selon un tarif fixe mensuel variant selon le nombre d’utilisateurs. Positionnées sur le terrain du B2B, elles s’adressent potentiellement à tout type (taille, secteur) d’entreprise. Jusqu’à présent, à la fois par hasard et par opportunité, sa clientèle se situe toutefois majoritairement du côté des (très) grandes entreprises: Publicis, Belfius, Saint-Gobain, Bacardi-Martini, Continental Foods (Devos Lemmens, Liebig, Royco), Imperial Tobacco…

Est-il possible de proposer à tous ces clients des applis “type”, standard? Ne veulent-ils pas une touche personnelle, de la personnalisation, du branding? Comment RoyalAppForce se positionne-t-elle par rapport au phénomène des serious games, développés sur-mesure à la demande des sociétés, dans la même perspective d’une “activation plus performante” des collaborateurs? Réponses de Dominique Mangiatordi dans cette partie réservée à nos abonnés Select ou Premium.

“Le sur-mesure m’a personnellement déçu. De même que le marché. Quand je vois ce qui a été fait du côté de L’Oréal ou de Procter & Gamble… Ce qui a été réalisé est trop “torturé”. C’est beaucoup d’argent dépensé pour du one shot. Parfois, ce qui se fait en jeux sérieux pour entreprises va trop loin dans le sens d’une approche de type jeu vidéo…

Ce que nous proposons est davantage une garantie de long terme. Ce que nous proposons pour les processus auxquels nous nous adresserons repose sur trois piliers de base: l’achievement, c’est-à-dire l’accomplissement, la progression personnelle ; la compétition ; et le fun, l’amusement.

Ces trois éléments marchent dans tous les contextes. Ce que nous mettons d’abord en avant, c’est une manière standard d’animer les équipes. Le squelette du jeu reste le même, seul l’habillage, la thématique, la façon de travailler et de présenter les classements changent.”

Dominique Mangiatordi, “capitaine”-CEO de RoyalAppForce: “certains clients exigent un branding complet de l’appli Peak Me Up, avec un univers graphique reprenant les codes de leur intranet.”

Cet habillage, l’argument visuel fait tantôt référence à une montagne qu’il s’agit de gravir, tantôt à une barque qui doit devenir navire, à un espace sidéral à conquérir…

Et c’est un fait qu’une société – surtout dans les rangs des grandes marques – ne saurait se satisfaire d’une appli purement standard. Non seulement les critères de valorisation des performances affichées par les collaborateurs varient nécessairement d’une entreprise à l’autre mais l’apparence elle-même de l’appli doit varier, pour “coller” à l’identité et/ou à l’image de la société. Certains (gros) clients de RoyalAppForce, tels qu’Imperial Tobacco (Pays-Bas), ont ainsi exigé un branding complet de l’appli Peak Me Up, “avec un univers graphique reprenant les codes de leur intranet.”

Ce qui nous ramène sur du “semi sur-mesure” en quelque sorte. “Nous l’avons fait jusqu’à présent à la demande mais le travail est énorme. Il a donc été décidé d’offrir ce genre de possibilités aux clients, moyennant supplément évidemment. A partir de la version 3, en préparation, l’appli Peak Me Up sera dotée d’un kit d’habillage.” A savoir, des libraries (polices, couleurs, images, animations…) dans lesquelles les clients pourront piocher, qu’ils pourront remplacer selon leurs propres codes… “De quoi faire varier les thèmes selon les circonstances: fête foraine au printemps, aventure au ski à l’automne… C’est un peu du sur-mesure mais les fonctionnalités et interactions sont standardisées.”