Au début de l’année, celui qui était l’animateur du consortium Claroline (qui coordonne la communauté de développement de la plate-forme e-learning Claroline), Philippe Mercenier, enseignant détaché par la Fédération Wallonie-Bruxelles, est parti à la retraite. Et les candidats successeurs ne semblent pas s’être bousculés au portillon. Déjà que Philippe Mercenier se plaignait depuis de nombreuses années d’un manque de volontarisme et de moyens alloués par les pouvoirs publics…

En attendant une éventuelle nouvelle affectation venant de la Fédération – à moins qu’une relève ne se manifeste venue d’autres horizons -, le poste de secrétaire général de l’aisbl est occupé aujourd’hui par Pascal Balancier. Forcément à mi-temps puisqu’il est aussi et surtout l’un des membres de l’équipe de l’AdN (ex-AWT). Avec, heureusement, une connaissance suffisante du domaine puisqu’il est spécialisé en nouvelles technologies appliquées au monde de l’enseignement et chargé de “promouvoir l’apprentissage numérique en Belgique francophone.”

C’est donc lui qui a piloté la dernière ligne droite vers le lancement de la nouvelle version Claroline Connect (lancement intervenu en mai). Une dernière ligne droite qui a pu être parcourue au prix de certains choix. “Claroline Connect, on en parlait depuis longtemps, peut-être trop longtemps. On a suscité beaucoup d’attente”, déclare Pascal Balancier. “Quand j’ai pris la relève de Philippe Mercenier, je me suis étonné que la mise en phase opérationnelle ait duré si longtemps. La nouvelle version aurait, en fait, pu être prête beaucoup plus tôt mais on avait voulu y inclure trop de fonctionnalités, trop de “nice to have” qui pouvaient attendre, alors que, du côté “must have”, il suffisait de serrer trois boulons de plus pour pouvoir sortir la solution.”

Accélérer le mouvement

Il y eut donc, en début d’année, une “remise à plat des enjeux et des priorités”. La version de base, stable et pleinement fonctionnelle, comporte tous les potentiels essentiels et prioritaires (notamment en termes de paramétrage, de communications, de publication et partage de documents, d’agenda…

Pascal Balancier: “De nouvelles fonctions en 2016 pour asseoir le caractère différencié de Claroline Connect.”

Le lancement de fonctionnalités supplémentaires, dont certaines sont loin d’être mineures pour l’attrait et le caractère différencié de la plate-forme, a été remis à plus tard (sortie attendue pour 2016).

Quelques exemples? Le concept de parcours conditionnés; la gestion des compétences (“outil assez complexe qui permet de créer un référentiel de compétences, de le décliner en objectifs stratégiques opérationnels avec, en parallèle, l’attribution des activités d’apprentissage”); un système de badging plus évolué; une version plus riche de l’agenda; du chat (texte, vidéo, partage d’écran)…

Les potentiels sociaux seront, eux aussi, enrichis. Pour l’instant, il est par exemple possible d’“aimer” un cours ou un module. “Nous voulons pousser la granularité jusqu’au niveau des éléments d’un cours, jusqu’à permettre la publication d’un message dans un forum ou des commentaires sur des messages postés. Il faut en outre pouvoir différencier les “like” selon qu’ils émanent d’un professeur ou d’un apprenant…”, indique Pascal Balancier. A terme, il devrait également être possible de taguer des ressources.

Naissance de Forma-Libre

Autre fait nouveau dans le monde de Claroline (Connect), la création d’une société de services, baptisée Forma-Libre, qui assurera le support, adaptera la plate-forme aux besoins des entreprises, procédera à des développements spécifiques sur-mesure, prestera des services “de qualité professionnelle” (en ce compris de l’accompagnement pédagogique, de la scénarisation et production de parcours pédagogiques sur-mesure) et assurera des formations (pour informaticiens gérant la plate-forme Claroline, pour concepteurs pédagogiques, formateurs, tuteurs…).

Pour sa part, le consortium Claroline, constitué en aisbl, continuera de coordonner les activités de la communauté, de prendre en charge la majeure partie des développements et de promouvoir le logiciel.

La solution Claroline Connect continuera d’être téléchargeable gratuitement. Par contre, les développements sur-mesure et les services prestés par Forma-Libre, dirigée par Laurent Gruber, seront payants. Même si Laurent Gruber vient du monde de l’enseignement, la société visera aussi et peut-être surtout les professionnels et les entreprises.

La société opérera aussi comme prestataire d’hébergement des produits Claroline, en mode SaaS, en mode campus dédié ou partagé (avec un tarif variant selon l’envergure de la cible visée par les développements de modules ou fonctionnalités, de plug-ins…).

Une société de services à part entière pour mieux répondre aux besoins spécifiques et procurer des services de qualité professionnelle.

“Les priorités sont les suivantes”, explique Pascal Balancier. “Stabiliser la version existante de Claroline Connect, préparer la prochaine version, stabiliser le tout au sein de la communauté francophone.” Le fait est que, pour cause de moyens étriqués, la dimension internationale des services prestés par Forma-Libre se limite pour l’instant au seul marché de la francophonie (internationale). Or, Claroline a une envergure et une assise qui dépassent ces limites. “Si des partenaires anglophones ou hispaniques désirent se manifester pour mettre en oeuvre une structure commerciale/support pour l’enseignement dans leurs régions, ils sont les bienvenus mais nous ne sommes pas, à l’heure actuelle, dans une démarche de recherche proactive…”

Esprit libre for ever

Même si elle est une entité commerciale, Forma-LIbre s’aligne sur les préceptes du libre. Une convention, offrant toutes les garanties nécessaires, a été passée avec l’aisbl. Tous les développements sur-mesure ou spécifiques effectués pour le compte de clients seront reversés à la communauté. “Par exemple, si une entreprise désire faire développer un plug-in pour Knowledge Plaza, ce dernier sera mis à la disposition de tous. Forma-Libre ne se rémunérera en fait que sur la prestation de services et le conseil.” Mais même en matière de conseils prodigués, l’esprit libre est bien présent. “Les demandes et questions pourront par exemple être formulées sur un forum privé. Par contre, les réponses seront rendues publiques…”

Quel regard Pascal Balancier jette-t-il sur Claroline?

“Il existe, de par le monde, de nombreux LMS mais qui sont de simples outils informatiques, qui ne sont pas porteurs d’un modèle pédagogique davantage innovant. Le projet Claroline, lui, repose depuis ses débuts sur une réflexion fondamentalement pédagogique, portée par Marcel Lebrun (UCL) et Christophe Batier (Université de Lyon 1, où est née la solution Spiral Connect, désormais fusionnée avec Claroline).

Cette réflexion a été traduite dans du développement. Certes, un outil ne fait jamais que ce qu’on lui fait faire mais il induit des usages, oriente les comportements. Certains outils, par défaut, amènent à une pédagogie transmissive — on poste du contenu et on publie un quiz. D’autres invitent au travail collaboratif. Claroline Connect permet une grande variété d’usages, en mode 1.0 – classique, ex-cathedra et frontal – mais aussi de manière qui soit similaire au mode de fonctionnement des réseaux sociaux. Cela permet de produire des processus interactifs, participatifs, communautaires et de sortir de l’opposition entre les plates-formes institutionnels et les outils des utilisateurs.

Aujourd’hui, rappelle Pascal Balancier, les responsables e-learning des universités se plaignent que les élèves n’utilisent pas les plates-formes, les forums… Dans le même temps, les professeurs tentent de brider les nouveaux usages, sans grand succès.

“L’espace familier des élèves, aujourd’hui, s’appelle Facebook. Ils continuent de s’échanger leurs notes de cours, à dialoguer, via ce réseau social. Cela, on ne peut pas l’empêcher. La seule chose que l’on puisse faire, c’est de proposer un outil qui s’interface avec Facebook et avec les autres outils qu’utilisent les élèves et de faire en sorte que l’outil institutionnel fonctionne dans un mode qui ressemble le plus possible à celui qui est le leur sur Facebook. On augmente ainsi les chances de faire disparaître cette opposition, ce clivage entre plate-forme institutionnelle, pas sexy, et la réalité.”

L’une des autres spécificités de la plate-forme Claroline Connect est, selon lui, sa capacité à fournir à l’apprenant les outils qui lui permettent de devenir réellement acteur de son apprentissage, “pour qu’il ne soit pas simplement le récepteur de cours, de parcours linéaires. Être actif, c’est non seulement liker et commenter mais aussi créer soi-même de espaces. Chaque apprenant dispose de son bureau personnel, personnalisable, où il peut insérer divers outils, même externes à la plate-forme. Au départ de ce bureau, il peut créer des activités, des cours complets s’il le souhaite… Ouvrir des forums pour collaborer avec d’autres… Agréger différents contenus issus de différents cours et les ré-éditorialiser. En cela, Claroline Connect est réellement centré utilisateur…”