“Equiper” l’enseignement: quel rôle pour les pouvoirs publics?

Hors-cadre
Par · 07/07/2015

Un outil tel que Claroline, qui a vu le jour à l’UCL et s’est ménagé une belle place sur la scène internationale (la dernière version est le fruit d’une fusion avec la solution Spiral Connect de l’Université de Lyon I), doit-il être privilégié, “recommandé”? Le support, en termes de financement et de ressources humaines, apporté par la Fédération Wallonie-Bruxelles, a souvent (toujours?) été jugé trop timide par ceux qui avaient en mains les rênes du Consortium.

Comment Pascal Balancier perçoit-il la situation actuelle et voit-il le rôle des pouvoirs publics, lui qui coiffe aujourd’hui une double casquette — expert en e-learning auprès de l’Agence du Numérique (ex-AWT) et (temporairement?) secrétaire général du Consortium Claroline? Lire notre article sur les changements intervenus récemment du côté du Consortium et de la commercialisation de la solution.

Ce ne serait pas un bon signal qu’un ministre, que les autorités imposent un outil. Le rôle des autorités serait plutôt de mettre en place les infrastructures nécessaires qui soutiennent un certain nombre d’usages souhaités. Par exemple la connectique, ou peut-être offrir de l’hébergement en mode cloud, un hébergement sur lequel les établissements d’enseignement, les organismes de formation pourront venir installer et héberger les applications de leur choix.”

Pascal Balancier: “On n’est jamais à l’abri d’un effet d’annonce politique. Du genre: offrir Claroline à tous les écoles ou déployer le cartable numérique pour tous, avec 40.000 tablettes dans les écoles. Ça ne marchera pas puisque cela ne serait en finale offert qu’à ceux qui le veulent. Ce n’est pas là une politique qui bénéficierait à tous. Depuis 2010, dans le cadre de l’Ecole numérique, on travaille afin de mettre en place des plans cohérents afin d’activer tous les leviers. Un effet d’annonce nous ramènerait 5 ans en arrière.”

“Si on regarde ce qui s’est fait en France, on constate que les autorités se sont surtout préoccupées de clarifier les règles du jeu. Elles ont mis en place le SDET (schéma directeur des espaces numériques de travail) afin d’organiser l’hébergement d’une série d’applications, notamment des ENT (environnements numériques de travail), qu’utilisent les écoles. Mais, en aucun cas, elles n’ont imposé d’outil.

Pascal Balancier: “Les pouvoirs publics devraient davantage jouer un rôle en termes de normes d’interopérabilité et d’infrastructure qu’au niveau des outils.”

En parallèle, une norme a été créée pour la libre circulation des ressources pédagogiques numériques. Les Français ont donné naissance à une déclinaison francophone de la norme LOM (learning object management) – la ScoLOMfr (SCO étant l’acronyme de Sharable Content Object, Elément de contenu partagé) – qui est utilisée en France et au Québec et qui permet aux contenus de circuler librement d’un environnement, d’une plate-forme à l’autre.

Selon moi, c’est à cela que devraient s’atteler les pouvoirs publics: davantage aux normes d’interopérabilité qu’aux outils ou aux données. En Belgique, il n’y a aucun format standard, on ne peut pas migrer les données d’un réseau ou d’un établissement à un autre alors qu’il suffirait de se mettre d’accord sur un format.

Les data, ce sont les données administratives (fiches signalétiques, identifiants…) mais aussi les données issues d’un parcours pédagogique. Dans une logique d’e-portfolio, le Forem, par exemple, est demandeur d’une solution que ferait en sorte n’importe qui puisse, tout au long de sa carrière, transporter avec lui les traces de son parcours: études, employeurs successifs, formations suivies en cours de carrière… Le principe? Tout s’enregistre dans le portfolio personnel de chaque individu mais aussi dans un espace centralisé que tous les acteurs, publics ou privés, peuvent venir interroger. Au bénéfice de tous.

La logique de badging, tant qu’il reste confiné à la stratégie d’une entité, ne peut que vivoter. Si, demain, on peut afficher, sur son portfolio, des badges remis par plusieurs organismes et les valoriser auprès d’un employeur, on aura gagné la partie.

Tout cela dépend de la mise en place des normes, des formats communs pour la circulation des données, des objets et contenus numériques numériques…