L’économie en mode start-up. Soyons optimistes, certes, mais pas béats

Hors-cadre
Par · 06/07/2015

3,8 millions d’emplois créés en Europe d’ici 2020 grâce à l’économie numérique. Un taux de croissance 7 fois supérieur au reste de l’économie (tous axes confondus).

Lors de la troisième session de crowdfunding ‘live’ organisée par MyMicroInvest, jeudi dernier, Alexander De Croo, répétait ces chiffres si prometteurs. Il insistait aussi sur le fait que l’économie “peer-to-peer” (autrement dit, celle de la désintermédiation ou, plus exactement, celle qui voit naître des intermédiaires “light” à la Uber, AirBnB pour ne citer que les exemples les plus emblématiques et de plus en plus décriés) offre l’opportunité à chaque individu, comme jamais auparavant, de se créer son propre boulot.

De là à ce que des centaines de milliers voire des millions d’Européens se lancent dans cette voie pour contribuer au nirvana du plus-d’emploi-grâce-au-numérique il y a un pas. Un sérieux pas.

C’est le même Alexander De Croo qui, dans le cadre de l’Agenda numérique et reprenant une idée émise par la communauté BeTech dans le Startup Manifesto belge, fait passer le message qu’il faut créer un maximum de start-ups. A la fois pour créer de l’emploi et pour espérer qu’il en restera quelque chose. Car toutes, évidemment, ne s’afficheront pas au firmament. Beaucoup en resteront au stade de l’étincelle qui fait long feu ou qui mettront prématurément la clé sous la porte.

Cet aspect des choses est largement passé sous silence. Beaucoup préfèrent prendre la situation par le côté “verre plutôt plein”. Comme par exemple en affirmant que certes, le numérique et l’automatisation font disparaître des emplois mais que “pour chaque emploi détruit, il s’en crée 2,5.” Peut-être, mais avec quelle durabilité, longévité? Reconnaissons en tout cas à Alexander De Croo le mérite de souligner, en la matière, qu’il est plus que nécessaire de mettre en oeuvre des mécanismes de mise à niveau, de re-création de compétences, parce que les emplois nouveaux n’ont pas du tout les mêmes “profils” que les anciens et que la stabilité des compétences est désormais un concept suranné.

Il n’y a pas de miracle

Mais venons-en à cette étude internationale de l’Ecole supérieure de commerce de Stanford qui a remis certaines convictions en question et qui modère sensiblement l’optimisme ambiant.

Menée sous la direction du professeur George Foster (prof de gestion à l’Ecole supérieure de commerce de Stanford et directeur de l’Executive Program for Growing Companies), l’étude a analysé les performances et l’évolution sur une période de 5 ans d’un très large panel – pas moins de 158.000 jeunes pousses dans 10 pays (hors USA).

Que constate l’étude? Qu’il y a énormément de déchets – George Foster parle même de “carnage” – et que, même parmi les start-ups qui finissent par émerger et connaître le succès (parfois de manière fulgurante), le parcours à long terme est loin d’être in long fleuve tranquille. Il y aurait plutôt pas mal de rapides que, généralement, on prend dans le sens descendant.

Sur l’ensemble de l’échantillon, les mésaventures de toutes les start-ups qui ne réussissent pas plombent fortement les tendances générales. Ainsi, le recul de l’emploi (suppression d’emplois au sein des start-ups étudiées) atteint 31% la 3ème année; 47% la 4ème et 65% la 5ème.

Dans la majorité des cas, il n’y a pas de création d’emplois pendant ces 3ème, 4ème et 5ème années d’existence. Seules 8% des start-ups étudiées ont pu créer de l’emploi systématiquement chaque année.

Le processus global de destruction d’emploi est encore supérieur dans la mesure où ces trois pourcentages n’incluent pas les pertes d’emploi du côté des start-ups qui mettent la clé sous la porte ou les emplois détruits auprès des sociétés “classiques” en raison du nouveau modèle économique initié par les jeunes pousses.

Conseil dès lors de George Foster à l’attention des pouvoirs publics: ne pas tellement mettre l’accent sur la création d’un nombre maximal de start-ups mais plutôt sur les mécanismes qui leur permettent de se stabiliser et de croître sur des bases solides.

Autres conclusions de l’étude:

  • la véritable création d’emplois est le fait d’une minorité de start-ups
  • une croissance régulière et à long terme fait figure d’exception.