Melchior Wathelet (Xperthis): “garder notre dimensionnement et notre ancrage belgo-belge” (2ème partie)

Interview
Par · 01/07/2015

Dans la deuxième partie de cette interview que nous a accordée Melchior Wathelet (relire la 1ère partie), le désormais officiel président du comité de direction d’Xperthis nous parle des principaux défis qu’il estime être ceux du secteur hospitalier belge, du positionnement d’Xperthis, de sa perception de la concurrence et des perspectives commerciales du groupe dans les diverses parties du pays.

Quelles furent vos premières impressions en découvrant ce secteur de la santé et, plus précisément, celui des hôpitaux et leurs besoins en solutions IT?

Melchior Wathelet: Sur le secteur santé en tant que tel, c’est moins neuf étant donné que je l’avais suivi, de manière générale, dans ma précédente vie professionnelle, au niveau du Parlement fédéral, mais je dois avouer que je prends maintenant la pleine mesure de la dimension de révolution que les hôpitaux sont en train de vivre. Je sentais auparavant qu’il y avait une professionnalisation, une recherche de certification, de gain d’efficience. Mais cela va au-delà de cela. C’est le mode de fonctionnement des hôpitaux qui est en train d’être repensé avec comme élément important le sujet du financement. C’est une contrainte qui oblige à anticiper, qui contraint au changement.

Le deuxième constat est que l’informatique peut, dans ce cadre-là, véritablement jouer un rôle. L’IT ne soignera jamais un patient mais elle peut jouer un véritable rôle comme soutien et comme apport à l’optimisation et au gain d’efficience.

Ce sont les deux éléments qui m’ont le plus impressionné. Avec un troisième: c’est le fil conducteur, chez tous ceux que je rencontre, c’est un vrai souci du patient.

Dans quelle mesure cet élément essentiel qu’est le financement des hôpitaux influence-t-il la nature et l’orientation des solutions IT – actuelles ou futures?

Xperthis est bien positionné pour réussir la synthèse – loin d’être simple – entre, d’une part, le fait d’être suffisamment harmonisé et dimensionné sur la totalité du territoire belge, pour apporter ces gains d’efficience (via la standardisation et l’harmonisation des produits), et, d’autre part, le fait de garder notre dimensionnement belgo-belge, ancré en Belgique, intégré sur le marché belge, avec un indispensable positionnement qui est d’aller au-delà de la relation commerciale pour faire de nos clients de véritables partenaires. 

Les priorités d’Xperthis
  • réussir l’intégration des produits et des effectifs
  • être partenaire de l’évolution du secteur des soins de santé, contribuer à faire évoluer la politique des soins de santé en Belgique
  • être un partenaire d’innovation, pour améliorer globalement les soins de santé.

On est assez grand pour apporter ce gain d’efficience, d’un point de vue financier, mais suffisamment petit pour continuer de coller aux besoins de l’ensemble de nos clients et en faire de vrais partenaires.

C’est là une dualité qui n’est pas toujours simple à réaliser. Mais nous avons le bon dimensionnement pour réussir cet objectif et c’est aussi la vision qui est la mienne.

Nous devons avant toute chose nous concentrer purement et simplement, surtout avec le dossier patient, sur le marché belge. Tout le marché belge.

Devenir le partenaire informatique qui, par ses propres compétences, permettra aux hôpitaux de ne plus être tributaires de ces évolutions réglementaires “qui seront de plus en plus nombreuses, importantes et diversifiées entre les différentes Communautés et Régions.”

Dans la première partie de cette interview, Melchior Wathelet relevait la différence qui caractérise la situation commerciale d’Xperthis au Nord et au Sud du pays. “On sait qu’il y a là aussi une différence de marché”, soulignait-il. “Sur le marché wallon et une partie de Bruxelles, la plupart des hôpitaux sont déjà clients. En Flandre et une partie de Bruxelles, le positionnement est davantage celui d’une recherche des options à déployer. Cela signifie qu’au sud, nous sommes plutôt dans un trajet de migration tandis que dans l’autre partie du pays, il s’agit plutôt d’un trajet de positionnement, même si nous sommes déjà bien avancés sur certains dossiers…”

Nous lui avons dès lors posé la question suivante:

Xperthis aura-t-il éventuellement un positionnement différencié au nord et au sud du pays?

En termes de produits, le positionnement est le même. Mais en termes d’évolution des marchés, il y a une différence parce qu’on ne part pas de rien. Nous sommes très développés du côté flamand pour l’offre Oazis/ERP [Ndlr: tarification, facturation, budget, logistique…]. En la matière, nous devons progresser du côté bruxellois et wallon. Mais c’est le même SAP for healthcare, les mêmes produits Oazis que nous vendrons, les mêmes produits qui seront développés et proposés.

La même chose vaut pour le dossier patient. Nous devons tendre vers le même dossier patient mais la manière dont cela doit être délivré et vendu est différente parce que la base de départ est différente.

 

Le comité de direction, outre notamment le CFO, se compose d’Ariane Magera, de Rudy Simons [ex-patron de Ciges] qui sera responsable ventes et delivery pour la partie francophone du pays, de Melchior Wathelet lui-même qui supervisera les pré-ventes, le marketing, l’image du groupe et l’innovation. Ce dernier axe est placé entre les mains de Dominique Bastille aidé de Vincent Quirynen [les deux anciens directeurs de MIMS].

Est-ce là la raison pour laquelle Ariane Magera s’est vue confier la responsabilité du marché flamand?

Ariane Magera aura une double mission: assurer le volet ventes et delivery pour la Flandre et une partie de Bruxelles et superviser le volet “factory”, autrement dit le développement des produits en tant que tels. Le responsable direct du pilotage de ces développements revient à Kurt Van Looveren, CTO d’Xperthis. Voir encadré ci-contre.

La concurrence

Dans le même temps où il procède à l’intégration-migration de produits de son catalogue, le groupe Xperthis ne peut espérer maintenir et améliorer la position qui est actuellement la sienne qu’en tenant compte de la concurrence et du poids qu’elle représente. A cet égard, il doit faire face à deux types de concurrents. D’une part, les grands éditeurs internationaux, qui proposent des solutions souvent monolithiques, hautement intégrées (gestion patient, finance, logistique…), exhaustives, en mode ERP, qui imposent aux hôpitaux d’adapter leurs processus à l’outil. Dans un genre “à prendre ou à laisser”.

Melchior Wathelet: “Les tout gros acteurs [éditeurs internationaux de solutions intégrées, monolithiques] jouissent aujourd’hui d’une image assez positive mais avec une expérience dumarché belge qui reste inexistante.”D’autre part, des éditeurs plus régionaux (s’adressant à plusieurs pays) qui proposent des solutions complètes mais moins monolithiques, moins complètes, davantage configurables.

L’opération de repositionnement de l’offre Xperthis la fera évoluer vers cette deuxième catégorie, tout en préservant au maximum ce qui est perçu comme des avantages intrinsèques de son héritage. A savoir: proximité, réponse spécifique à des besoins locaux (en ce compris en termes de réglementations et de processus liés au principe de financement des hôpitaux belges) que des solutions “venues d’ailleurs” ne rencontrent pas forcément.

Comment voyez la concurrence? Tant celle qui vient du local que les “majors”, à l’envergure – et à la solution – internationale, ou encore les intégrateurs ou revendeurs qui proposent, sur le marché belge, des solutions “venues d’ailleurs” mais avec une certaine dose de localisation?

“Aucun, à mon avis, n’apporte la spécificité qui est la nôtre. Leur positionnement est différent. Il y a tout d’abord les solutions qui ont été développées par des hôpitaux, des groupements d’hôpitaux, des CPAS… Avec une vraie plus-value. SI les hôpitaux sont contents avec ces solutions-là, je n’ai pas envie d’obliger un hôpital à changer pour le plaisir de changer. On sait que les investissements IT ne sont pas financés par l’INAMI, que les hôpitaux n’ont pas trop d’argent. Il faut donc faire des investissements lorsqu’ils sont réellement utiles et ont une vraie valeur ajoutée. Mais, dans le même temps, je pense que ces solutions développées en interne ou spécifiques à certains hôpitaux vont devoir évoluer. En raison des investissements à consentir dans leur évolution, du besoin de les rendre interopérables avec d’autres développements, de l’évolution des réglementations qui demanderont peut-être un jour des investissements conséquents…

C’est à ce moment-là que nous pourrons apporter une réelle plus-value.

Je vois donc ces acteurs comme des partenaires vis-à-vis desquels on sera prêt à reprendre le flambeau, à apporter une plus-value, à un moment ou à un autre.

Par rapport aux tout gros acteurs, ils jouissent aujourd’hui d’une image assez positive — reconnaissons-le — mais avec une expérience qui reste inexistante. Seront-ils capables de s’adapter au marché belge, d’intégrer à leur offre les spécificités belgo-belges? Sans oublier la dimension prix.

On remarque, par ailleurs, certains opérateurs qui ont un ancrage belge et se tournent vers des opérateurs étrangers. C’est le cas de RealDolmen [Ndlr: RealDolmen qui vient de conclure un accord avec le français Medasys]. C’est une intégration de deux opérateurs totalement différents. C’est un acteur français avec un opérateur qui n’a jamais eu l’occasion de faire du dossier patient. Pour eux, le défi est encore d’une autre dimension que le nôtre. Nous sommes, nous aussi, dans un processus d’intégration mais avec des acteurs – MIMS, Ciges, Xperthis – qui parlent la même langue parce qu’ils connaissent les mêmes clients, parce qu’ils sont bien dimensionnés pour le marché belge et parce que le processus d’intégration est déjà bien avancé. On a là une double longue d’avance.”

Melchior Wathelet: “Notre ERP for Health peut vivre sa propre vie dans un hôpital, belge ou étranger. C’est d’ailleurs actuellement le seul produit que l’on peut exporter en dehors de nos frontières.”

Restons un instant sur RealDolmen pour une autre raison. La société s’est jusqu’ici essentiellement adressée au secteur hospitalier belge en lui proposant un ERP for health, en l’occurrence une solution AX (Axapta de Microsoft) adaptée à ce secteur en collaboration avec plusieurs hôpitaux flamands.

De son côté, Xperthis a misé sur SAP, transformant l’ERP en une solution adaptée au monde hospitalier. Au-delà d’un possible affrontement Microsoft/SAP par solutions dérivées interposées, comment Xperthis voit-il évoluer le “couple” ERP/DPI, leur indispensable intégration et interaction?

Pas de réponse globale sur ce sujet mais ceci: “L’ERP, pour nous, est un produit spécifique. C’est un ERP SAP for heathcare que nous avons développé et fait évolué nous-même. Ce qui est essentiel, c’est que tous nos systèmes se parlent de manière optimale. Côté SAP, il y a sans doute une dimension spécifique, à savoir que le produit peut vivre sa propre vie dans un hôpital, belge ou étranger. C’est d’ailleurs actuellement le seul produit que l’on peut exporter en dehors de nos frontières.”

Certains sur le terrain estiment qu’une partie des fonctionnalités présentes dans le DPI devraient en fait être rebasculées du côté ERP. On pourrait donc se demander si l’heure ne serait pas propice pour Xperthis, confronté à la nécessaire évolution de son offre DPI, de s’atteler à ce genre de redistribution des rôles. Melchior Wathelet ne le pense pas. “Pas actuellement. Pour l’instant, l’essentiel, la priorité, est de faire évoluer l’ERP en maintenant le lien avec le DPI et trouver cette solution de DPI commun.