Startup Manifesto: 5 grands thèmes pour booster l’entrepreneuriat

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Par · 12/03/2015

Ce jeudi, à l’occasion du Tech Startup Day, la communauté belge des start-ups a rendu sa copie au Ministre Alexander De Croo, lui présentant quelques idées qu’elle espère voir prises en compte dans l’élaboration du futur “Plan numérique” pour la Belgique. Pour l’occasion, le “pitch” des deux porte-parole de cette communauté – Xavier Damman (Storify) et Karen Boers (startups.be) – s’est fait devant l’équipe au complet du groupe de travail Digital Minds for Belgium.

Pour rappel, l’idée de ce “Belgian Startup Manifesto” a germé dans la tête de plusieurs personnes (notamment Karen Boers de startups.be et Ramon Suarez du BetaCowork) qui ont donc décidé de lancer un appel à idées et propositions aux néo-entrepreneurs et à tous ceux et celles qui évoluent dans leur univers afin d’imaginer quelques moyens de rendre le terreau belge plus fertile et d’“améliorer le climat entrepreneurial.”

Ces idées collectées, triées, synthétisées, ont donc été traduites dans un “manifeste” remis au Ministre.

Quelles en sont les grandes lignes?

Le Manifeste s’article en fait en 5 grands chapitres:

  • création d’un statut spécial pour start-up, associé à divers avantages (limités dans le temps)
  • promotion des produits et services imaginés par les start-ups technologiques afin que les entreprises établies mais aussi les pouvoirs publics “osent” désormais puiser dans leurs solutions
  • formation, promotion et encouragement au développement de certaines compétences (numériques, entrepreneuriales…)
  • esprit d’entre-aide et de “retour d’ascenseur” – pour tous les entrepreneurs, quelle que soit la longueur de leur parcours professionnel
  • fierté nationale – ou comment reconnaître et afficher clairement les qualités, capacités et accomplissements “made in Belgium”.

Passons tout cela en revue.

Un statut spécial “startup inc.”

Le “nez dans le guidon”, la priorité absolue à donner au façonnage de l’idée de base, à l’identification de débouchés, d’un marché, d’un modèle économique. Tout cela est lourdement grevé, estiment les auteurs du Manifeste, par la lourdeur des contraintes administratives, l’imposition dans une phase encore balbutiante…

Proposition? Instaurer des mécanismes permettant de créer (et de tirer un trait) très rapidement à une start-up (via une procédure de création en-ligne); facilité maximale dans le recrutement – et le licenciement – de personnel. De quoi attirer plus facilement les bons profils et se défaire, sans fil à la patte, de ceux qui ne conviennent pas ou changent de cap.

Autre aspect de ce statut spécial: le droit à une fiscalité “adaptée” – le qualificatif n’a pas été utilisé par les promoteurs du Manifeste mais tout le monde comprendra ce à quoi on fait allusion…

Sous quelle forme imaginer cette fiscalité à part? Prévoir une sorte de “tax shelter” pour start-up (sur le modèle de ce qui se fait déjà pour le cinéma) et favoriser ainsi l’injection de capitaux. En ce compris ceux venant du simple citoyen. L’argent qui dort massivement sur les comptes bancaires des Belges est la preuve qu’une réserve existe… Mais il faut “incentiver” les gens.

Par ailleurs, les start-ups désireraient pouvoir profiter du principe “no profit, no tax”. Ou dans des limites modérées. Autrement dit, que le gouvernement ne se serve pas dans des poches encore criblées de trous mais attendent qu’il y ait quelque chose à collecter. En échange (en quelque sorte), la communauté des start-ups émet l’idée d’une taxation sur les plus-values (quand les fondateurs, par exemple, empochent – parfois – le gros lot en revendant des parts, voie la totalité de la société. “Cette façon de procéder est totalement acceptable et d’ailleurs reconnue comme telle, même aux Etats-Unis”, soulignait Xavier Damman. “We win, you win”, adressait-il à Alexander De Croo.

Une vingtaine de contributeurs au manifeste ont émis cette idée (ou quelque chose d’approchant). Le petit comité d’évaluation des propositions a voulu valider l’idée auprès d’entrepreneurs déjà aguerris. Leur réaction, déclarait Karen Boers, a largement été positive.

Buy from start-up

L’un des défauts du simple citoyen, de l’entreprise mais aussi des services publics est de renâcler à acheter un produit ou un service à une “jeune pousse” qui n’a pas encore fait ses preuves, qui ne garantit en rien que ce produit ou service, demain, sera toujours là ou s’avérera “profitable”.

Les auteurs du Manifeste demandent dès lors à tous les concernés de revoir leur attitude: “les nouveautés qu’imaginent les starters profitent à tous, à tous les secteurs, en finale”, par percolation de l’innovation, soulignait Xavier Damman. Pensez aux solutions des start-ups et arrêter d’acheter (uniquement) aux Oracle de ce monde, proposait Dries Buytaert, fondateur de Drupal et l’un des contributeurs du Manifeste [nous revenons d’ailleurs plus amplement sur les idées qu’il a formulées – ainsi d’ailleurs que sur celles de dizaines d’autres contributeurs dans cet autre article que nous vous invitons à lire]

Eduquer – au sens large du terme

Le monde de l’enseignement, les autorités publiques mais aussi chacun de nous – parents, sis, collègues, chefs d’entreprise – ont un rôle à jouer pour former et cultiver l’acquisition de talents numériques par les jeunes. “Chacun doit acquérir des compétences, demeurer impliqué”, argumentait Karen Boers. “Les enseignants doivent ouvrir les portes des écoles et des classes, inviter de jeunes entrepreneurs, et pas seulement de grosses boîtes classiques, afin que les étudiants apprennent aussi de ces témoins.”

Les compétences enseignées sur les bancs de l’école, elles aussi, doivent évoluer: “il faut leur enseigner la manière d’identifier des clients, de “vendre une proposition de valeur” plutôt que d’apprendre la manière de dénicher un boulot.”

Pay it forward

C’est l’une des grandes “mantra” des jeunes starters qui ont réussi: rendre à ceux qui veulent se lancer une partie de ce qu’ils ont appris en cours de chemin. Mais Xavier Damman et, avec lui, les contributeurs au Manifeste, soulignaient que cela vaut aussi pour chacun – quelle que soit la longueur de sa carrière. D’om cet appel aux chefs d’entreprise de tous poils et horizons: “ouvrez les portes de votre entreprise aux starters. Discutez avec eux, peut-être simplement pendant 20 minutes autour d’un café. De ces échanges [et croisement d’idées et d’expérience] naîtront des pépites, des “idea Kings”. Devenez mentor.”

Be proud

Est-ce le début d’une “marque” Belgique? Peut-être. Elle est en tout cas suffisamment surréaliste, décalée, pour plaire, pour séduire la Toile, les réseaux sociaux, pour que chacun s’y reconnaisse et joue le jeu.

Le mot-clé? BeWaffle. Tag: #waffletag. “Soyez fier d’être un(e) Waffle”. Soyez gaufre, dans tous les langues. “Soyez fier d’être Belge, de ce que vous faites et de ce que vous êtes.” A bas, la modestie, l’effacement typique des Belges. Voire leurs complexes d’infériorité.

Réactions à chaud

Après avoir écouté l’exposé des deux porte-drapeau du Manifeste, Alexander De Croo a exprimé quelques réactions à chaud.

Alexander de Croo: “Nous essaierons de reprendre un maximum [de ce que propose le Manifeste] dans le cadre du texte de l’Agenda numérique. Mais ce document est appelé à évoluer au fil du temps…”Première impression générale? “Quand je vois les mimiques autour de la table [Ndlr: pour rappel, la présentation du Manifeste s’est faite en présence des “digital minds” au complet], je crois pouvoir dire que ce travail qui a été fait par la communauté des start-ups est vraiment intéressant. Vous avez réussi à faire parler l’esprit d’innovation, à faire émerger des idées innovantes. C’est du matériel précieux pour le groupe de travail des Digital Minds. Nous essaierons d’en capter un maximum dans le cadre du texte de l’Agenda numérique.”

Pour les détails, évidemment, il faudra discuter, envisager ce qui est faisable ou non. Une exemple d’une réaction qu’il a eue, en pleine présentation: le taux de fiscalité “favorable” demandé? “Tout dépendra du taux…” Ce à quoi Xavier Damman rétorquait que du 16% ne serait déjà pas mal…

Autre chose que le Ministre a tenu à préciser: le document remis mais aussi le futur Agenda numérique – qui sera dévoilé (c’est confirmé) le 20 avril prochain – n’est qu’un document du genre “work in progress”. Un texte, un document qui devra continuer à évoluer. “Sans doute, d’ici un an, réouvrirons-nous la boîte à idées afin d’évaluer la pertinence de ce qui a été proposé, ajouter d’autres choses, envisager d’autres choses, d’autres priorités…”

“Ceci n’est qu’un début..”

Pour le reste, chacun peut s’engager, participer. Par exemple en signant le Manifeste – http://www.startupmanifesto.be. Ou en portant bien haut ce cri, cette marque BeWaffle / #waffletag.

Rendez-vous dans un an? Ou dans 5? Pour voir dans quelle mesure l’appel de Xavier Damman – 10.000 start-ups, 100.000 jobs d’ici 2020 – aura ou non eu un effet.

Le document remis au Ministre n’est bien entendu qu’une synthèse des principales idées. Nous avons voulu en apprendre davantage sur ce que les nombreuses personnes qui ont émis et proposé des idées ont proposé, sur la manière dont elles les justifient, mais aussi découvrir celles qui n’ont pas été retenues.

Nous vous proposons donc un aperçu plus détaillé dans cet autre article. Comme vous pourrez le constater, ces idées vont parfois à contre-courant des méthodes établies, bousculent certaines “normes”.

Des exemples pour vous mettre en bouche? Un statut spécial pour start-ups, un visa pour profils rares, une modification du statut de chômeur, des exonérations fiscales pour différents acteurs (en ce compris le simple contribuable-investisseur), des chèques “start-up”, une taxe sur les plus-values…