Jean-Pol Boone (BeAngels): “donner davantage la parole aux entrepreneurs”

Hors-cadre
Par · 02/03/2015

Lors de l’entretien qu’il nous a accordé (relire la première partie de l’interview), Jean-Pol Boone, le “pilote” du futur “pool IT/digital” de BeAngels, a tenu à souligner l’urgence qu’il y a selon lui à accélérer le mouvement afin de résoudre ce qu’il estime être un déficit en investissements privés dont souffrent les projets IT/numériques belges.

“Il faut accélérer. Les entrepreneurs, francophones en particulier, ont actuellement un réel problème pour lever des fonds privés. Contrairement au public, le privé ne suit pas, notamment pour les questions de fiscalité déjà évoquées.”

Régional-IT: Un paramètre qui ne va pas forcément disparaître…

Jean-Pol Boone: Quand on voit l’initiative Digital Minds for Belgium prise par le Cabinet De Croo [Ministre fédéral en charge de l’Agenda numérique], il n’est pas inenvisageable de voir l’investissement privé être stimulé au travers des business angels. Ils sont très au fait de ce qui fonctionne bien au Royaume-Uni et c’est l’un des aspects qui est suivi de près par le Cabinet. Et que je pousse…

Ce que je trouve par contre dommage c’est que, pour stimuler l’entrepreneuriat, on prenne des sociétés telles que Google ou Microsoft qui n’ont rien à voir avec l’entrepreneuriat belge et qui viennent en plus avec des capitaux américains.

Vous regrettez que les membres du groupe de réflexion Digital Minds soient essentiellement de grandes sociétés, avec peu de représentants des acteurs plus modestes, plus locaux?

C’est en effet un message que je voudrais faire passer. C’est bien gentil d’avoir des Google ou des Microsoft mais il y a une sous-représentation des entrepreneurs de Belgique. Le casting aurait pu être meilleur.

Jean-Pol Boone: “La vraie raison du non-investissement, en Belgique, c’est la qualité des entrepreneurs. Il y a un vrai rôle à jouer pour les incubateurs, qu’ils soient privés ou publics.”

Un espoir que les entrepreneurs belges soient mieux représentés dans les groupes de travail qui se mettent en place du côté wallon [en préparation du Plan numérique du Ministre Marcourt]?

Je l’ignore mais si cela devait exister, je serais ravi d’y participer. Je pense qu’aussi bien les business angels que les entrepreneurs doivent faire face à des problématiques spécifiques. Les politiques, par exemple, ne sont pas précisément au fait des nouveaux business models. Il est important de pouvoir les mettre sur la table, au niveau régional ou national…

Un autre vrai problème est celui de la structure politique de la Belgique. 7 gouvernements, un problème d’uniformité des compétences régionales et fédérales, qui s’ajoute à la non-adéquation politique… Tout cela pour 11 millions d’habitants. C’est là aussi un frein à l’entrepreneuriat en Belgique.

Pour en revenir au “déficit” de business angels prêts à investir dans des dossiers IT/numériques, quels freins – en dehors de la fiscalité déjà évoquée – identifiez-vous?

Le constat est peut être dur mais c’est la qualité des entrepreneurs, des porteurs de projet. Un exemple: c’est bien de vouloir aller à l’international mais quand on ne maîtrise même pas l’anglais… C’est aussi là l’une des raisons à la frilosité, un frein à l’investissement.

Quand les porteurs de projet sortent de certains incubateurs, on leur dit qu’ils sont les prochains Mark Zuckerberg. C’est bien mais c’est juste pas la vraie vie…

Jean-Pol Boone (BeAngels): “Je vois de jeunes entrepreneurs de 20 ou 25 ans qui veulent révolutionner le monde et ne parlent déjà pas anglais…”

Nombre de ceux qui ont été incubés ne sont pas prêts. Ils n’ont pas les bons profils. Il y a un gros déficit en termes de personnes capables de prendre à bras le corps la direction d’une start-up, avec un profil international. C’est là, à mes yeux, un problème majeur au-delà de l’investissement. Les capitaux, on peut toujours les trouver, quand on a un bon projet, une bonne équipe.

La vraie raison du non-investissement, en Belgique, c’est la qualité des entrepreneurs. Il y a un vrai rôle à jouer pour les incubateurs, qu’ils soient privés ou publics.

Du genre? Que manque-t-il?

Il faut davantage de transfert de séniorité, de compétences par des gens de métier, pour avoir des entrepreneurs pus matures. Il faut une qualité d’enseignement qui soit toute autre que celle qui prévaut actuellement. En poussant les langues, certaines matières. Certains préconisent par exemple la programmation – même si je ne suis personnellement pas convaincu en la matière…