Keemotion dopé par des fonds américains

Article
Par · 23/01/2015

Keemotion, spin-off de l’UCL spécialisée dans la captation autonome et la production de vidéos sportives (voir ci-dessous), vient de (largement) passer sous le contrôle d’un consortium d’investisseurs américains qui a déjà dans sa besace diverses prises de participation et d’intérêt dans le monde des médias, du sport ou encore du marketing. On le retrouve aussi co-propriétaire de la franchise NBA.

Le consortium se compose essentiellement de cinq investisseurs qui prennent donc une participation majoritaire dans la société. Deux des cinq investisseurs sont connus. Il s’agit, d’une part, de David Abrams, ancien partenaire d’Apollo Global Management, aujourd’hui associé de l’Apollo European Principal Finance Fund II (Apollo EPF II), fonds affilié à Apollo Global Management. David Abrams est par ailleurs également co-gestionnaire d’une équipe de la ligue mineure de baseball américain. Le second investisseur dont le nom a pu être dévoilé est Evolution Media Capital (EMC), activité venture capital de Creative Artists Agency, active dans le monde des sports et des médias. EMC jouera le rôle de “conseiller de la direction de Keemotion] sur les thématiques de l’opérationnel et du développement”.

Le consortium rachète les parts détenues jusqu’ici par le fonds Vives II, la Sopartec et Nivelinvest, ce dernier ayant investi dans la spin-off par le biais de sa filiale Start Up. La hauteur exacte de la prise de participation n’a pas été dévoilée. Georges Caron, patron de Keemotion, souligne toutefois que certains chiffres qui avaient circulé jusqu’ici  (90% du capital, selon certaines sources) sont inexacts et exagérés. Il se contente d’indiquer que les nouveaux actionnaires ont en effet, comme les anciens, la majorité mais qu’à la faveur de l’opération, le management a renforcé quelque peu sa position. On n’en saura pas plus. Du moins pour l’instant.

Les anciens actionnaires se retirent également du conseil d’administration, tout comme l’administrateur indépendant, Luc Jacobs, qui a remis sa démission.

Autre précision qui a son importance: l’entrée des Américains au capital ne s’accompagne pas d’un apport supplémentaire (par rapport à la valeur du rachat des parts).

Les gros moyens

A priori, il n’y avait pas, dans le chef des bailleurs de fonds belges, de volonté de sortir si tôt du capital de Keemotion. Ils le font donc par opportunité. David Abrams, que l’on dit pour le moins séduit par la solution néolouvaniste, a insisté pour que tous les actionnaires tiers (hors membres de la direction) présents au capital cèdent leurs parts. Du côté de Nivelinvest, on reconnaît qu’une entrée de Keemotion sur le marché américain nécessitait de (très) gros moyens. Et que du sang neuf se justifiait donc…

Toutefois – précision qui a son importance -, l’entrée des Américains au capital ne s’accompagne pas d’un apport supplémentaire (par rapport à la valeur du rachat des parts). La chose toutefois demeure possible et est même un des objectifs pour l’avenir. “Mais la question ne se pose pas actuellement”, signale Georges Caron.

Pourquoi dès lors cette valse d’investisseurs, la disparition des Belges au bénéfice d’acteurs américains? “Ils ont l’avantage de pouvoir mieux nous soutenir à l’avenir de par la compréhension qu’ils ont de notre marché. C’est là un important vecteur de développement”, déclare Georges Caron pour qui l’arrivée des nouveaux actionnaires et associés constitue un apport crucial pour sa société sous la forme d’“une connaissance experte du secteur ainsi qu’un grand nombre de relations significatives. Il est plus aisé de pénétrer sur le marché américain avec des actionnaires locaux qui ont un important réseau de contacts et qui sont impliqués dans le domaine sportif, ce qui n’était pas le cas avec les précédents investisseurs”.

Les capitaux injectés devraient permettre à la société d’accélérer sa croissance, en particulier à l’international (et plus spécifiquement encore sur le continent américain), et de renforcer son offre de services “en devenant un fournisseur global de solutions dans le secteur de la production sportive.” L’espoir est de quasiment doubler le chiffre d’affaires cette année, ce qui devrait l’amener aux alentours de 1,3 million d’euros.

L’apport de capitaux sera également affecté à l’enrichissement de la solution. D’abord pour améliorer le produit dédié au monde du basket avant de viser d’autres sports: volleyball et football. Pas (ou pas encore?) de baseball dans les plans, en dépit de la nouvelle coloration américaine.

Georges Caron et Damien Delennay, CTO de Keemotion, ainsi que quelques autres membres du personnel qui ont la faculté d’acheter des actions, gardent une participation minoritaire dans la société (30%?).

Keemotion dispose déjà d’un petit pied à terre à New York, “un simple bureau de représentation” mais compte bien, à l’avenir, ouvrir une vrai structure locale (“3 personnes dans un premier temps”), qui s’occupera à la fois de commercialisation et de développements. A noter que New York ne sera pas forcément le port d’attache.

Si la jeune pousse brabançonne prend des couleurs largement américaines, son pilotage et l’équipe de développement resteront ancrées à Louvain-la-Neuve, nous promet-on. “Nous n’avons nullement l’intention d’aller développer ailleurs mais plutôt d’exploiter l’important know how local. Nous recherchons d’ailleurs 3 personnes pour venir renforcer les effectifs de Louvain-la-Neuve”, souligne Georges Caron. Deux ingénieurs, ayant des compétences en développement Web et vision assistée par ordinateur, et un commercial.

Captation “intelligente”

Keemotion a développé une solution qui autorise la captation “autonome” – lisez: automatique, sans présence humaine sur le terrain, les courts ou autres lieux sportifs – d’images d’événements sportifs pour diffusion via des canaux “modernes” (Internet, chaînes vidéo en-ligne, réseaux sociaux, applis mobiles.)…
Cette solution se base sur la technologie de Motion Tracking (capture des mouvements) développée à l’origine par le laboratoire du Professeur Christophe De Vleeschouwer de l’UCL (Institute of Information and Communication Technologies, Electronics and Applied Mathematics- ICTEAM).

Sports visés pour l’instant: essentiellement le basket et un peu de volleyball.

La détection des mouvements des joueurs est par exemple couplée au tableau de scores et à la collecte de statistiques de jeu. Le traitement des images s’enrichit ainsi d’une touche “augmentée” via la génération automatique de statistiques, de tags sur phases de jeu ou faits spécifiques… “Le coach peut ainsi décomposer, analyser et partager des séquences de jeu en temps réel tandis que les fans peuvent simultanément regarder l’événement et le partager sur les réseaux sociaux.”

Keemotion réalise d’ores et déjà des captations de matches de basket ou encore de football pour des ligues professionnelles, collèges, universités et hautes écoles dans 9 pays: USA, France, Italie, Allemagne, Autriche, Finlande, Belgique, Angleterre et Pays-Bas. Chez nous, Keemotion a par exemple convaincu l’équipe des Spirou de Charleroi ou encore l’Antwerp Arena (Sport Paleis). A l’étranger, on relève parmi ses clients le Bayern Munich (le basket, pas le foot!), les Ligues et association française, autrichienne et finlandaise de basketball, l’université américaine de Northwestern (première division de basketball). Parmi ses partenaires de distribution de contenus: Sky Austria ou encore Dailymotion.

Créée en 2012, Keemotion avait bénéficié de subsides de la Région wallonne, via la DGO6, et d’apports de fonds venus de Nivelinvest (filiale Start Up), de la Sopartec (UCL) et du fonds Vives II (Louvain Technology Fund) – NivelInvest et Vives ayant investi à parts égales et participé à un second tour de table intervenu en mai dernier.