Chirurgie osseuse: simuler et produire en 3D

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Par · 17/12/2014

Visyos, spin-off de l’UCL créée par l’un de ses chercheurs, Laurent Paul, s’est spécialisée dans la simulation 3D au service de la chirurgie. Visyos – acronyme de Visualize Your Osteotomy – est une solution 3D d’ingénierie et d’assistance à la neurochirurgie, à la chirurgie orthopédique, à la planification et réalisation d’ostéotomies.

Elle permet de simuler, de calculer et de fabriquer, en impression 3D, des instruments sur-mesure (“guides-lame”) pour la découpe d’os lors d’interventions chirurgicales, des implants sur-mesure ou des moules qui serviront à produire des implants par injection. Visyos a été spécifiquement développée pour des scénarios précis. A savoir, pour l’ablation de tumeurs osseuses et pour la reconstruction osseuse par ajout d’allogreffe ou de prothèse.

Chirurgie personnalisée

Pour produire ces instruments, accessoires et implants, Visyos a mis au point une plate-forme de simulation 3D qui utilise les fichiers d’imagerie médicale concernant chaque patient en particulier ainsi que les informations sur sa pathologie précise.

“Visyos planifie, simule, anticipe tout ce qui va se passer lors de l’opération chirurgicale”, explique Laurent Paul. “Notre plate-forme dématérialise en fait la phase préparatoire de l’opération. Les images IRM et les scans de chaque patient sont chargées, superposées [via un logiciel développé par Laurent Paul] afin de visualiser précisément os, tumeurs et tissus et de délimiter la partie tumorale à retirer. Grâce à la simulation, le chirurgien visualise l’opération, le résultat et peut procéder aisément à des adaptations afin d’obtenir la coupe osseuse et le placement du greffon les plus précis possibles. Il peut planifier les trajectoires qu’il utilisera pour retirer la partie tumorale.”

De même, la solution Visyos permet de simuler les prélèvements d’allogreffes, en visualisant les meilleurs greffons possibles [prélevés sur des personnes décédées].

Quatrième étape: la conception 3D de l’instrument [guide-lame] qui sera posé sur l’os pour procéder à sa découpe. La précision atteinte? De 0,15 à 0,20 mm.

“C’est du réel sur-mesure étant donné que les surfaces de contact sont uniques à chaque patient. Le guide-lame ne peut se poser qu’à un endroit unique bien précis, optimal pour la réussite de l’ostéotomie. C’est également le cas pour l’instrument utilisé pour la pose de l’allogreffe.”

Impression 3D vs usinage

Des accessoires d’aide à la chirurgie osseuse, produits par impression 3D pour une adéquation parfaite à chaque morphologie.

“L’impression 3D [en polyamide] d’instruments d’assistance à la chirurgie, d’accessoires et d’implants s’avère plus intéressante que l’usinage classique. Particulièrement pour de la chirurgie tumorale”, explique Laurent Paul. “Les tumeurs sont quelque chose de très compliqué. Chaque tumeur est différente. Idem pour son impact sur les os et tissus adjacents. La précision que permet d’obtenir l’impression 3D [en l’occurrence, dans le cas de Visyos, 0,15 à 0,20 mm] est suffisante. Certes les systèmes d’usinage font mieux mais, pour la spécialité qui nous concerne, ils ne peuvent pas produire les pièces compliquées dont les chirurgiens ont besoin. Un os a de multiples rebords, cavités… Reproduire ces particularités en usinage imposerait des post-traitements des pièces. Sans compter qu’il s’agit à chaque fois de pièces uniques.”

Précision, temps et coût de fabrication font donc pencher la balance du côté de l’impression 3D. Côté coût, comptez jusqu’à 800 euros par pièce, selon sa taille, son volume, sa complexité mais aussi d’autres paramètres tels que le sens dans lequel opérera l’imprimante.

La solution de simulation 3D de Visyos a vu le jour voici déjà plus de deux ans. Depuis, une quarantaine de patients ont déjà bénéficié de la production sur-mesure d’instruments qui ont facilité et rendu plus précises les interventions dont ils ont fait l’objet. Non seulement à l’UCL (hôpital Saint-Luc) mais aussi en France et en Espagne.

Côté temps, la production d’une pièce sur-mesure, depuis le traitement des images médicales jusqu’à la fabrication, après validation par le chirurgien, peut aller jusqu’à 4 semaines.

Bientôt, Visyos réduira sensiblement ces délais…

De Visyos à 3D-Side

D’ici quelques semaines en effet, en fusionnant avec les activités d’un autre chercheur de l’UCL – Khanh Tran Duy, spécialisé en implants crâniens -, Visyos va devenir la société 3D-Side.

 

CenTIS: reconstruction crânienne 3D

Khanh Tran Duy, assistant de recherche à l’IMMC (Institute of Mechanics, Materials & Civil Engineering) de l’UCL, a créé la spin-off CenTIS, spécialisée dans les technologies 3D pour chirurgie sur tissus durs. Tout comme celle de Laurent Paul, sa solution aide les chirurgiens à planifier leurs opérations en 3D. Sa spécialisation: le maxilo-facial.

La photo ci-contre illustre une reconstruction en chirurgie faciale. CenTIS a réalisé la reconstruction en 3D, la segmentation de la zone, la planification de la résection et le design de l’implant. Le modèle virtuel 3D a ensuite été transformé en prototype “en dur”.

La reconstruction se fait par production d’un moule en silicone biocompatible dans lequel du ciment sera injecté pour produire l’implant. Une fois démoulé, il sera fixé avec des plaques sur le crâne à reconstruire.

 

Objectifs: se profiler sur le marché comme une société pouvant tout à la fois concevoir et produire elle-même ces pièces et instruments pour les besoins des chirurgiens ou, en sous-traitance, pour les fabricants d’objets chirurgicaux.

“Jusqu’à présent, il n’existe pas, sur le marché, de société pouvant prendre en charge la totalité de la chaîne, depuis le stade de l’imagerie médicale jusqu’à la construction des pièces. Sauf bien entendu [la société flamande] Materialize, mais elle réserve sa chaîne de production aux seuls fabricants d’implants (par exemple pour la reconstruction du genou). 3D-Side fournira ces services à tous – chirurgiens aussi bien que fabricants.”

Plus besoin dès lors de se tourner vers le Sirris, comme c’est encore le cas aujourd’hui. 3D-Side possédera sa propre imprimante 3D (un système allemand Eos). Ce qui lui permettra de gagner au minimum une semaine dans le processus de production. Elle ne dépendra plus en effet des disponibilités du Sirris et pourra relancer rapidement la production d’une nouvelle pièce en cas de modification par le chirurgien.

3D-Side visera trois spécialités: la chirurgie osseuse tumorale, la production d’implants crâniens sur-mesure et l’orthopédie pédiatrique à des fins de correction anatomique (malformations, consolidations non anatomiques…).

Toujours de la recherche

L’imprimante 3D de 3D-Side ne lui servira pas uniquement pour produire des instruments d’assistance chirurgicale et des implants. “Elle nous servira aussi à poursuivre la recherche afin d’améliorer certains paramètres de fabrication, tels que la précision de l’impression 3D, la résistance des pièces ou, selon le cas, leur flexibilité. Cela nous permettra de programmer différents profils de fabrication à très haute précision.”

Un dossier de recherche sera bientôt introduit auprès de la DGO6 afin de bénéficier d’un budget recherche.