Réalité virtuelle – Soigner ou convaincre par la suggestion

Pratique
Par · 26/11/2014

Récemment, Impulse organisait à Bruxelles une conférence consacrée à la réalité virtuelle afin de mettre en scène divers acteurs locaux positionnés sur ce créneau. Objectif: donner le coup d’envoi à ce que la Région bruxelloise espère être une nouvelle filière technologique, porteuse d’emplois et d’innovation.

Parmi les sociétés ou équipes qui présentaient leur solution ou projet, plusieurs évoluent dans le domaine médical. Nous vous en présentons trois dans cet article. Une quatrième – FeasyMotion – a déjà fait l’objet d’un article lorsque le projet s’appelait encore ICT4Rehab. Nous vous invitons bien évidemment à relire.

Mener le cortex cérébral en bateau

Le projet LISA est un projet commun de l’Ecole Polytechnique de l’ULB et du Centre de Réadaptation de l’Appareil Locomoteur (CRAL) de l’hôpital Erasme.

Son concept? Améliorer les traitements de rééducation motrice et aider à minimiser les douleurs neuropathiques (douleurs fantôme de membres amputés, douleurs dues à un traumatisme…) au moyen d’une immersion dans un universel virtuel où, par exemple, le membre manquant est simulé par ordinateur. La réalité virtuelle devient ainsi un nouvel “instrument” pour les kinésithérapeutes.

Simuler un membre fantôme, via réalité augmentée, permet d’agir sur le cerveau et de réduire les sensations de douleurs.

Pour ce faire, l’équipe de chercheurs fait appel à la technologie Kinect de Microsoft, à de l’affichage 3D ou encore au casque immersif Oculus Rift pour proposer une série d’exercices au patient qui doit mobiliser “en miroir” les deux parties du corps, en ce compris par exemple les muscles et nerfs commandant le membre disparu. Le but est de créer l’illusion que ce membre existe toujours.

Dans le cas de la Kinect, les images captées par la caméra 3D sont utilisées pour construire, en temps réel, un maillage texturé qui permet de faire s’afficher une image 3D réaliste en stéréovision. La position centrale du corps du patient est captée en temps réel et utilisée pour appliquer l’effet miroir, donnant l’illusion d’un corps sain et symétrique, sans membre manquant.

Les recherches et les études cliniques ont démontré que plonger le patient dans de la réalité virtuelle favorise une certaine réorganisation corticale. Les tests ont par ailleurs démontré que l’effet induit – une réduction de la sensation de douleur – est plus marqué en cas d’immersion virtuelle totale (via casque Oculus, par exemple). Pour des raisons qui doivent encore être analysées plus en détail.

[Nous aurons l’occasion de revenir plus largement sur ce projet dans un prochain dossier dédié aux nouvelles technologies dans le domaine de la santé]

Vaincre stress et phobies

VRphobia est une solution qui marie réalité virtuelle et biofeedback pour traiter les troubles paniques et anxieux. Elle est le fruit de développements de la sprl VRMI (Virtual Reality Medical Institute) qui a vu le jour en 2006.

Pendant 8 ans, elle s’est essentiellement concentrée sur des travaux de recherches, n’entrant en phase opérationnelle (offre de traitements) que cette année. L’équipe se compose actuellement de trois thérapeutes et d’un ingénieur biomédical.

VRMI a donc fait appel à la réalité virtuelle, couplée à des solutions de contrôle physiologique (mesure des rythmes cardiaque, respiratoire, de la température corporelle…), afin de procurer un nouvel instrument thérapeutique pour lutter contre les phobies et anxiétés en tous genres – peur de voler, agoraphobie, phobie sociale, peur de parler en public… Mais aussi contre certaines douleurs (arthritiques, causées par les traitements de chimiothérapie ou encore par des brûlures sévères).

Plus récemment, elle a poursuivi ses développements pour s’attaquer également aux problèmes de stress et de burnout. “Nous évoluons du traitement curatif vers le préventif”, explique Brenda Wiederhold, directrice de VRMI et par ailleurs psychologue clinicienne.

Pour le traitement des phobies, sept mondes virtuels ont été développés qui plongent le sujet dans un univers où il doit faire face à diverses situations, dans un environnement visuel, graphique et sonore dont les “tonalités” stressantes peuvent être modulées pour simuler des situations anxiogènes allant grandissant. Les réactions du patient sont contrôlées en temps réel.

Pour ce faire, les séances de traitement impliquent de coiffer un casque de réalité virtuelle agrémenté d’écouteurs stéréophoniques, de quoi combiner signaux visuels et auditifs.

Depuis peu, la société a transposé la solution du desktop vers des équipements mobiles. Un financement européen (DG Connect) lui a permis de développer une version pour iPad. L’appli interagit avec une montre connectée qui mesure le degré de stress de la personne (rythme cardiaque). Toute modification du rythme est visualisée à l’écran – par exemple, via le volume ou l’intensité d’une chute d’eau. Plus la personne se calme, plus le débit se ralentit.

Une autre demande de financement a été introduite, cette fois afin de développer des solutions de traitement de la dépression et d’“immunisation contre le stress”, par exemple en cas de désastre naturel. Publics visés: les sauveteurs, le personnel médical… Les mêmes principes sont déjà utilisés dans le domaine militaire tant pour soigner les soldats revenant de zones de guerre et souffrant de stress post-traumatique que pour les préparer à leurs futures missions. VRMI a ainsi déjà mené plusieurs projets pour les forces armées polonaises, croates et américaines.

Quand le marketing passe du rêve au virtuel

Ouat! est une jeune agence de marketing qui s’est choisie comme terrain de jeux le monde des sciences de la vie. Un secteur sélectionné à la fois en raison du parcours professionnel de ses deux fondateurs et parce qu’ils y ont vu “un univers scientifique, très conservateur, qui a besoin de développer et de mettre en oeuvre de nouveaux outils de marketing.”

Le fait est que Ouat! a de quoi bousculer bien des habitudes, L’agence fait en effet appel à la réalité virtuelle, notamment aux solutions développées par SoftKinetic, qui allient casque Oculus Rift et caméra 3D. “L’immersion dans des environnements virtuels permet de visualiser et de mieux faire comprendre concepts et messages. C’est là pour nous un nouveau medium de communication que nos clients pourront utiliser pour leurs propres besoins de marketing ou de démarchage de clientèle”, explique Matthieu Egloff, “architecte marketing” et co-fondateur de Ouat!

L’agence développe des univers virtuels qui permettent de présenter et de confronter pudiquement l’utilisateur à de nouveaux équipements, à des processus de production, aux méthodes de construction d’usines de production cellulaire, etc.

Un premier contrat a été conclu avec un client américain- Pall Life Sciences, société biopharmaceutique qui développe des solutions et unités de production cellulaire de nouvelle génération.

Ouat! a créé un monde virtuel dans lequel les clients et prospects de Pall peuvent se plonger pour se familiariser avec les concepts complexes de ce secteur, manipuler des objets et éléments virtuels simulant la construction d’unités de production de thérapie cellulaire. De quoi – en principe – mieux les convaincre des arguments différenciateurs de Pall Life Science.

Le réalisme est encore accentué par un potentiel de préhension et de manipulation (simulées) d’objet, rendue possible par la présence, sur le casque Oculus, de la caméra 3D développée par SoftKinetic, grâce à laquelle les mains de l’utilisateur se retrouvent simulées dans l’univers virtuel.

Si les premières cibles de Ouat! se situent dans le secteur des biotechnologies, l’agence espère étendre ses prestations, demain, au monde de la formation. “Les sciences de la vie sont une industrie où la formation et la qualification sont particulièrement onéreuses. Notre solution ne se veut pas un outil universel mais pourra faciliter l’apprentissage dans divers aspects.”