ShareIf: débuts commerciaux du projet étudiant

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Par · 10/11/2014

Parcours réussi pour ce trio d’étudiants de la Faculté polytechnique de Mons. Voici trois ans, ils participaient et sortaient lauréats du premier programme StarTech (1) lancé par l’incubateur WSL.

Aujourd’hui, le trio, après avoir poursuivi leur projet et bien qu’étant encore aux études (2ème Master), en est au stade de la start-up. La sprl ShareIf a en effet vu officiellement le jour le 10 octobre dernier et le produit fait ses débuts commerciaux en cette mi-novembre.

Baptisée à l’origine Pipeline.net, la solution ShareIf est en quelque sorte un Dropbox sécurisé. Autrement dit, un espace protégé où les utilisateurs peuvent stocker et partager des documents en tous genres: textes, présentations, photos… à l’abri des regards et des accès indiscrets ou non autorisés. Condition sine qua non pour attirer des utilisateurs voulant partager des documents plus ou moins confidentiels ou sensibles- depuis des documents comptables ou financiers jusqu’à des présentations commerciales ou des documents de gestion d’entreprise.

Mon petit fort Knox

Le concept n’est pas neuf mais l’idée de l’équipe d’étudiants montois fut dès le départ d’en faire un espace particulièrement sécurisé, afin que seules les personnes réellement autorisées aient accès aux contenus. Le nom de la start-up et de son produit est tout un symbole: “share” mais seulement “if” toutes les conditions sont réunies. Le “sheriff” veille…

Pour ce faire, les mécanismes mis en oeuvre concernent aussi bien les transferts, les contenus proprement dits que les espaces de stockage auxquels ils sont confiés.

“Share” mais seulement “if” toutes les conditions sont réunies. Le “sheriff” veille…

Pour créer son espace ShareIf, il faut par exemple montrer “patte blanche”. A savoir d’identifier via son adresse courriel et un mot de passe mais aussi passer par un deuxième stade d’identification: à chaque nouvelle connexion, un code d’accès spécifique est généré sur base des identifiants et communiqué à l’utilisateur via courriel. Cette clé privée change à chaque connexion.

Un troisième niveau de sécurité est même prévu au niveau des outils de gestion (création de compte, modification des droits d’accès…): chaque fois que l’utilisateur change de page dans cet espace, il doit réintroduire son mot de passe.

Déchiqueteuse numérique

Pour une personne non autorisée, l’accès à un document téléchargé relève de l’exploit. Non seulement les documents sont systématiquement chiffrés – et uniquement décryptés, à la volée, lorsqu’une personne autorisée y accède – mais ils sont… éparpillés. Tout document ShareIf n’est jamais stocké d’un seul tenant en un seul endroit. Lors de l’opération de chargement vers ShareIf, le document est automatiquement segmenté “en plusieurs dizaines de morceaux” qui sont répartis non pas sur plusieurs disques ou plages de stockage virtualisé, mais bien… entre plusieurs centres de données. Sécurité supplémentaire: chaque document est dupliqué. “Le système crée 4 exemplaires dans 3 centres de données différents. Cela garantit de toujours disposer d’une copie de secours”, explique Romain Cambier, l’un des trois fondateurs de ShareIf. “Et même un effacement complet n’implique pas que la personne autorisée ne puisse plus jamais récupérer le document. Il peut annuler la suppression – sans limite de temps.”

Romain Cambier: “Parce que vos documents sont confidentiels, ils sont stockés uniquement dans des centres de données européens d’opérateurs européens à l’actionnariat européen.”

Une opération de chiffrement intervient à trois niveaux (transfert, stockage, serveur) via recours à des clés symétriques.

Autre protection supplémentaire, cette fois vis-à-vis de regards curieux de certaines agences de sécurité ou organismes publics (suivez notre regard…): ShareIf s’engage à ne recourir qu’à des opérateurs européens et à des centres de données situés en Europe.

Condition supplémentaire: leur actionnariat doit être européen. D’où le choix qui s’est porté sur le français OVH et l’allemand Hertzner. Et si l’un d’eux vient à accueillir des actionnaires extra-européens, ShareIf changera de partenaires…

“Certes, la législation française prévoit que l’Etat a le droit, dans certaines circonstances, d’accéder aux contenus hébergés dans de tels centres de données basés sur son territoire mais qu’importe”, déclare Romain Cambier. “Mais l’accès ne se ferait toujours que vers un contenu crypté” et par ailleurs “éclaté” entre plusieurs centres de données n’appartenant pas au même fournisseur.

Cible: les entreprises…

… de toutes tailles. Selon un tarif progressif (mensualités), ShareIf s’adresse aussi bien à des indépendants et petites structures (avec du stockage pour 10 utilisateurs) qu’aux plus grandes (jusqu’à 1.000 utilisateurs). Les tarifs vont ainsi de 49 euros par mois pour 10 utilisateurs et 100 Go de stockage jusqu’à 999 euros par mois pour un maximum de 1.000 utilisateurs et une réserve de stockage de 10 To.

En phase bêta, ShareIf avait réussi à attirer l’attention de 20.000 utilisateurs, dont 10% de payants. Ce qui représentait un total de quelque 50.000 fichiers constitués pour un volume de 47 To.

A ce jour, la jeune société a passé contrat avec 10 clients qui font aussi office de testeurs et l’aideront  à affiner la solution. Aucun nom ne peut être cité mais ces clients sont actifs dans les secteurs bancaire, IT et horeca. Et certains viennent de l’étranger: Suisse, Allemagne, France, Pays-Bas, Grand-Duché et Royaume-Uni.

Le monde des universités n’est pas oublié non plus. Après tout, l’idée initiale était de permettre aux étudiants de disposer d’une plate-forme sécurisée où partager cours et documents de travail. Des contacts sont ainsi été noués avec trois universités, dont l’UMons. Objectif: leur proposer une solution qu’elles puissent elles-mêmes offrir gratuitement à leurs étudiants.

Romain Cambier: “sans le programme StarTech et l’accompagnement par WSL, nous en serions sans doute restés à l’idée d’un espace de stockage pour étudiants. Le programme nous a permis de pivoter vers le monde des entreprises et de monter un business plan viable.”

Le trio d’étudiants – pour rappel, ils sont au stade de la 2ème Master – continuera de développer la solution. Dans les prochaines semaines, une nouvelle fonctionnalité sera lancée chaque jeudi. A commencer par les clients légers desktop qui permettront aux utilisateurs d’installer un dossier ShareIf sur leur ordinateur (avec duplication de documents et synchronisation automatique en cas de modification de document sur le serveur). Suivront le système de synchronisation hors ligne et les applis mobiles pour iOS et Android.

Le trio sera bientôt rejoint par deux nouvelles recrues: l’une chargée de développer l’application, l’autre du volet marketing.

Pas d’influence extérieure

Le trio d’étudiants a jusqu’ici financé le projet entièrement sur fonds propres et mise sur les ventes futures pour continuer en autarcie. “L’accueil initial de la solution [en phase bêta restreinte] nous permet d’espérer pouvoir poursuivre en finançant la suite des développements et la commercialisation sur fonds propres”, déclare Romain Cambier. “Nous privilégions cette piste de l’autofinancement parce que nous ne voulons pas qu’un éventuel actionnaire extérieur nous impose ses vues. Nous voulons garder ShareIf tel que nous l’avons imaginé et nous ne voulons pas de la pression d’un tiers qui viendrait influencer le modèle sécurité.”

(1) StarTech est un programme d’incubation pour étudiants ingénieurs (2ème ou 3ème bac) initié par l’incubateur liégeois WSL avec le soutien de l’ASE. Objectif: susciter des vocations d’étudiants-entrepreneurs, sensibiliser de futurs étudiants aux débouchés que leur offrent leurs études, les faire se frotter très tôt aux réalités de l’entrepreneuriat et aux méthodes de gestion. Quatre écoles et facultés d’ingénieurs participent désormais à ce programme, à savoir la Faculté Polytechnique de l’UMons, l’EPL (Ecole Polytechnique de Louvain) de l’UCLouvain, la Haute Ecole Libre Mosane (HELMo) Gramme à Liège et la Haute Ecole Robert Schuman à Arlon. [ retour au texte ]