Les objets connectés domestiques à la mode Nest

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Par · 25/09/2014

Les détecteurs “intelligents” Nest – un thermostat “apprenant” et un détecteur de fumée et de CO₂ (le Nest Protect) – font leurs débuts sur le marché belge en cette fin septembre.

Pour toucher un public le plus large possible, Nest, désormais filiale de Google, ne se contente pas de les proposer via achats en-ligne sur son site (ou sur Google Play) mais a passé une série d’accords avec des partenaires locaux. Depuis le distributeur d’énergie Lampiris jusqu’aux magasins spécialisés (FNAC, MediaMarkt) en passant par un partenaire qui proposera les systèmes aux professionnels (électriciens, chauffagistes), à savoir Van Marcke (83 magasins en Belgique).

L’installation du “Learning Thermostat” devra se faire (de préférence) par un professionnel. Des formations ont d’ores et déjà été fournies à des chauffagistes via quelques partenaires (tels que Dauvister, S3S ou TPF). Les professionnels intéressés à ajouter cette compétence à leur CV peuvent se renseigner sur la procédure à suivre en visitant la version ‘pro’ du site de Nest (pro.nest.com).

La maison “consciente”

Sans doute pour éviter d’utiliser le terme galvaudé de “smart”, traduit en français par “intelligent” et mis à toutes les sauces, les responsables de Nest préfèrent promouvoir la “maison consciente”. Un environnement qui, par le biais de ses capteurs de température et détecteurs de fumée et de gaz carbonique, “apprend” progressivement les habitudes de ses occupants et s’en sert non seulement pour les renseigner et les conseiller (en termes de consommation énergétique, par exemple), pour piloter la chaudière ou autres systèmes de chauffage (chauffe-eau, pompes à chaleur…), mais aussi pour fournir ces infos à d’autres équipements connectés.

Le capteur, estiment les responsables de Nest, ne doit pas être programmable – le consommateur moyen ne saurait comment s’en sortir – mais auto-apprenant. “Le but est que, grâce aux solutions que nous proposons, la maison fasse plus pour ses occupants que ce qu’ils font pour elle”. En clair, les informations captées, analysées et transformées en “intelligence” par les capteurs (grâce à leurs algorithmes embarqués et au malaxage des données par les systèmes Nest) doivent permettre à la maison de s’auto-réguler, sans intervention, programmation ni interaction volontaire des occupants. Ce qui n’empêche pas toutefois le consommateur de pouvoir agir sur les réglages et piloter par exemple la température à distance, au départ de son ordinateur, d’une tablette ou d’un smartphone (l’appli – gratuite – peut être téléchargée à partir de l’AppleStore et de Google Play; la version Web, elle, s’obtient via l’adresse home.nest.com).

Prévenir les besoins

Le “Learning Thermostat” Nest ne mesure pas uniquement la température mais intègre divers capteurs qui détectent d’autres paramètres pouvant être utiles pour le pilotage du chauffage: détecteur de mouvements (pour vérifier si l’occupant est présent ou non et enclencher la fonction Auto-Away pour diminuer la température), de luminosité…

Le Nest Protect: un détecteur de fumée et de CO2 qui interagit avec d’autres objets connectés

De même, le détecteur de fumée et de CO₂ a été doté d’une fonction logicielle (c’est un algorithme qui est à l’oeuvre) qui permet de différencier fumée et vapeur – histoire que le détecteur ne déclenche pas l’alarme parce qu’une casserole fume un peu trop du côté de la cuisine…

Retour au thermostat: l’analyse au fil de l’eau des habitudes et comportements des occupants permet au système d’optimiser les scénarios de chauffage. Mais ce ne sont pas là les seuls paramètres pris en considération évidemment. Un petit exemple: le logiciel tient compte non seulement de la température externe réelle (si un capteur, évidemment, a été installé) mais aussi… des statistiques météo. En fait, sur base du code postal du lieu de l’habitation, le système intègre les moyennes de température historiques au schéma de chauffage afin de programmer la mise en route de la chaudière le matin par exemple.

Le système est censé anticiper les besoins et prévenir certains incidents. Exemples?

Si le Nest Protect détecte du CO₂, il en notifie le thermostat qui coupera le chauffe-eau, potentielle source du problème.

Une connexion avec le capteur du bracelet connecté Jawbone qu’une personne porterait à son poignet permettra de détecter qu’elle commence à bouger dans son sommeil, à l’aube, signe qu’elle s’éveillera plus tôt que prévu. Résultat: bracelet et thermostat se “parlent” et le chauffage s’enclenche plus tôt que d’habitude.

Le chauffage pourra également se déclencher en temps et heure parce que le GPS de la voiture aura été signalé quittant le bureau ou arrivant à telle distance de la maison, signe de retour au bercail (prière donc de ne pas s’arrêter pour la soirée chez des amis habitant à proximité! à moins bien entendu de connecter le système Nest à l’agenda de votre smartphone pour qu’il sache que vous vous délassez ailleurs…)

Source: Symantec

L’occupant n’est pas chez lui? Le thermostat le signale au… réfrigérateur qui peut se mettre en mode veille renforcé parce qu’il n’aura pas soudain à produire plus de puissance pour maintenir la température à niveau parce que l’occupant va venir ouvrir la porte pour se servir…

Le thermostat ou le détecteur de fumée “interagissent” avec l’occupant des lieux non seulement par des informations s’affichant à l’écran mais aussi, pour signaler une situation inhabituelle ou potentiellement dangereuse, en… prenant la parole. Le Nest Protect effectue ainsi, chaque nuit, un autodiagnostic (état de la batterie, vérification des logiciels embarqués et des composants matériels – alarme, capteurs…). Si tout est normal, un signal visuel apparaît à l’écran. S’il y a un problème, le système émet un message vocal. Autre exemple de manifestation visible: en cas de détection de fumée, en dehors de l’alarme sonore, une communication peut par exemple s’établir avec une ampoule “intelligente” (une Lifx, par exemple) qui commencera à clignoter pour avertir l’occupant.

Prix des systèmes: 219 euros pour le thermostat (Lampiris offre une réduction de 60 euros à ses clients); 109 euros pour le détecteur fumée+ CO₂. Coût estimé de l’installation (Nest recommande le recours à un professionnel): 90 euros. Avec un petit cadeau à l’occasion du lancement: l’installation par un professionnel est gratuite jusqu’au 1er octobre (Nest se charge de payer l’installateur).

Une chose à la fois

Selon Lionel Paillet, patron de Nest pour l’Europe, l’une des raisons pour laquelle le concept de domotique n’a pas connu l’engouement espéré jusqu’à présent vient du fait que les solutions qui rêvaient de tout réguler, via un seul système centralisé, étaient à la fois trop complexes et trop rigides, incapables de s’adapter à l’évolution rapide, et disparate, des technologies. L’approche de Nest se veut donc plus individualisée, au niveau de chaque “objet”. Cela permet d’en mettre à jour les fonctions via téléchargement de versions logicielles. Depuis ses débuts, le thermostat Nest a ainsi déjà vécu 20 mises à niveau. Et le potentiel de différenciation entre fumée et vapeur dont a hérité le Nest Protect lui a été ajouté par diffusion d’une nouvelle version (incluant l’algorithme dédié à cette fonction).

Lionel Paillet (Nest): “un pilotage par appli sur un smartphone ne suffit pas quand on se contente de remplacer un bouton physique par un bouton numérique…”

Nest, c’est donc pour l’instant deux produits. La société, rachetée par Google, en proposera d’autres à l’avenir mais sans vouloir pour autant investir tous les créneaux possibles et imaginables. “Nous n’allons pas proposer de voiture intelligente ou de machine à laver connectée. Ou encore d’ampoule connectée”, indique par exemple Lionel Paillet.

Malgré tout, Nest a bien entendu l’intention de lancer à l’avenir d’autres produits. Mais pas question de lever le voile. “Nous étudions des tonnes d’autres produits. Nous en lancerons quelques-uns… en temps et heure. Toujours selon ce principe de base qui est la “maison consciente” et la volonté d’éviter au consommateur les frustrations que provoquent généralement les interactions avec les systèmes et objets.”

Dans un premier temps, des services complémentaires seront proposés grâce au rachat récent de la société Dropcam, spécialisée dans les caméras de surveillance pour environnements domestiques. En cas de départ de feu, le Nest Protect déclenche une communication vers la caméra Dropcam qui se mettra en mode enregistrement. Histoire de pouvoir proposer une “preuve” à l’assureur. Autre exemple: la maison est censée être inoccupée mais soudain le détecteur de mouvements intégré au thermostat repère une présence inhabituelle. Là encore, la caméra se déclenche et commence à enregistrer.

A noter toutefois que, pour l’instant, les caméras Dropcam ne sont pas encore commercialisées chez nous.

Si Nest dit ne pas avoir l’intention de multiplier à l’extrême les objets “conscients” qui sortiraient de ses cartons, le fait est que l’invasion des objets connectés (prétendument “intelligents”) a commencé. Nest doit donc s’insérer parmi l’offre existante ou à venir – et y a d’ailleurs tout intérêt dans le cadre d’une collecte massive d’informations et pour réaliser son objectif qui est de devenir le “pilote” de la maison “consciente”. Car c’est évidemment une prééminence sur ce marché naissance que vise la société.

Pour ce faire, elle propose son API à des fabricants et développeurs et milite aussi (nous aurons l’occasion d’y revenir dans un prochain article) en faveur d’une nouvelle norme en matière d’infrastructure et de communications (basée sur radiocommunications), jugeant que le Wi-Fi, Bluetooth ou encore ZigBee ne sont pas adaptés aux contraintes et spécificités de l’Internet des Objets.

Dans le cadre du programme “Works with Nest”, des accords ont ainsi d’ores et déjà été passés avec des sociétés telles Jawbone (bracelet connecté UP24), Mercedes, Logitech (commande à distance Harmony), Lifx (ampoules WiFi), LG et Whirlpool (électroménager)

“Nous ne sommes pas Google”

Quelles garanties Nest offre-t-elle en termes de respect de la vie privée et de protection des données?

“Nous pensons à la conscientisation de votre maison comme s’il s’agissait de la nôtre”, insiste Lionel Paillet. “Toutes les données que s’échangent les divers systèmes connectés sont préalablement encryptées. Les données destinées à affiner l’efficacité des algorithmes sont anonymisées. Nous ne partageons les données privées et personnelles des consommateurs (nom, adresse…) avec personne. En ce compris Google. Nest a été racheté par Google mais ce sont deux sociétés distinctes, avec des politiques et des équipes de direction différentes.” Du moins, jusqu’à présent et jusqu’à nouvel ordre, est-on tenté d’ajouter.

Lionel Paillet poursuit: “c’est l’utilisateur qui décide s’il autorise le Thermostat à partager des données avec la lessiveuse par exemple et toujours par le biais d’un handshake chiffré. Il peut à tout moment annuler cette autorisation. Tous les calculs s’effectuent sur le dispositif, pas dans le cloud.”

Les données, par contre, sont bel et bien agrégées dans le cloud, en l’occurrence sur les systèmes de Nest… aux Etats-Unis. “A terme, nous envisageons d’effectuer le stockage sur le sol européen. En Irlande.”

Au consommateur de savoir que l’auteur de telle ou telle application a une conception plus ou moins approximative ou élastique du concept de vie privée.

Et Nest dit assumer la totale responsabilité d’un piratage de données (puisqu’il en est le seul détenteur). “Nous n’avons encore eu à déplorer aucun hacking sur des dispositifs Nest. Et nous avons, au sein de notre équipe, notre propre hacker qui veille au grain…”

En dépit de toutes ces garanties apparentes, il n’en reste pas moins que le verrouillage d’accès et la responsabilité d’éviter que des données trop précises ou “sensibles” ne tombent dans de mauvaises mains seront toujours du côté du consommateur. A lui, scénario par scénario, d’autoriser ou non les communications entre ses capteurs Nest et les autres systèmes ou applis.

Au consommateur, dès lors, de savoir que l’auteur de telle ou telle application a une conception plus ou moins approximative ou élastique du concept de vie privée. Laissez Google et ses applications (pour ne prendre que cet exemple) dialoguer sans réserve avec les solutions Nest et le loup sera malgré tout introduit dans la bergerie. Ces fournisseurs d’appli auront alors accès à une mine de données sur les habitudes de l’occupant. “Laissez la maison faire pour vous plus de choses que vous ne faites pour elle”, pour reprendre l’un des slogans favoris de Nest prend alors une toute autre dimension…