Exquando: à quand une gestion documentaire réellement “gouvernée”?

Portrait
Par · 11/09/2014

Créée en 2009, Exquando, basée à Wavre, s’est positionnée sur le terrain des services et du conseil en matière de gestion documentaire et, plus particulièrement, pour les besoins de grandes entreprises évoluant dans des secteurs réglementés et qui ont à gérer et orchestrer de grandes quantités de données techniques. Ses clients sont par exemple des bureaux d’études, internes ou indépendants, opérant pour des sociétés telles que GSK, Tractebel ou Elia.

Exquando, c’est une équipe de “content professionals” et de documentalistes, des consultants orientés business qui font le lien entre les analystes métier et décideurs du client et les personnes chargées de l’implémentation de solutions de gestion documentaire. “Nous n’intervenons pas pour l’implémentation. Pour cela, nous passons la main à des experts. Exquando se positionne sur le terrain du solutionnement de problèmes opérationnels. Nous aidons les entreprises à structurer et à cataloguer les documents, à définir les règles de stockage, les taxinomies, les processus, les plans documentaires… Nous assurons la formation des utilisateurs et décideurs. En résumé, nous veillons à amener l’information au bon endroit et à permettre à l’utilisateur de la retrouver aisément.”

La genèse

Exquando a été fondée en 2009. Elle est en quelque sorte, via son fondateur Marc Ansoult, l’héritière de l’expertise – métier et produit – qui avait été développée depuis le courant des années 90 pour divers clients. A commencer par l’aéroport de Bruxelles-National (pardon! de Zaventem) via la BATC (Brussels Airport Terminal Company). A l’époque (construction du nouveau terminal), une solution de gestion des informations techniques, devant notamment être échangées avec tous les contractants de l’aéroport, avait été mise en oeuvre afin de rendre gestion et échanges plus efficaces, éviter les redondances et aléas de versions, mieux supporter les projets et fluidifier la gestion des changements.

Lorsque les nouveaux propriétaires australiens débarquèrent à Zaventem, ils décidèrent de revendre toute activité qui n’était pas directement liée au coeur de métier d’un aéroport. Exit donc les solutions informatiques de gestion d’informations techniques dédiées à la construction ou à l’aménagement (solution que le shared services center vendait à d’autres sociétés). Produits, contrats, ressources humaines et expertise passèrent alors entre les mains de Fujitsu. Suite à un changement de stratégie de ce dernier, c’est Capgemini qui hérite de l’équipe, mais pas de la propriété intellectuelle. Pendant 18 mois, Marc Ansoult reconstruit une activité avant de décider de voler de ses propres ailes, suite à des divergences de vue avec son nouvel employeur sur certains choix technologiques.

Exquando était née.

Compte tenu de son passé et de l’expertise engrangée au fil des ans (voir l’historique en encadré), Exquando preste essentiellement des conseils et des services liés aux problématiques de gestion de la documentation technique de projets d’ingénierie. Ses interlocuteurs privilégiés chez ses clients? “Les chefs de projets, responsables engineering, responsables qualité, document managers…”

Mais son intention est de mettre cette expertise au service d’autres environnements.

La société a par exemple décroché un premier client au Luxembourg, à savoir la société d’investissement Luxempart pour laquelle elle intervient dans le cadre d’une gestion de contenu où l’information n’est pas uniquement “technique” (en termes de flux et transactions financières). “Le projet concerne tous types d’informations, toutes celles en fait qui s’échangent au sein du conseil d’administration de Luxempart”, indique Marc Ansoult.

“Jusqu’à présent, nous nous sommes essentiellement concentrés sur des secteurs réglementés parce qu’ils présentent la double particularité d’environnements très dynamiques et d’un contrôle documentaire obligatoire.”

Aujourd’hui, “de nouveaux secteurs-cible sont en cours d’évaluation”. Outre le secteur financier, celui de l’EHS (environnement, santé, sécurité) pourrait à terme être exploré. Tout comment le secteur public. “Nous évoluons jusqu’ici essentiellement dans l’industrie parce que le secteur public présente notamment des caractéristiques de longueur de cycle de vente qui sont difficilement gérables par une PME. Mais nous envisageons de réouvrir cette option…”

C’est que le moment pourrait être propice: “Notre coeur de métier est celui de la transparence et de la gouvernance de l’information. Ce qui fait immédiatement penser à l’e-gouvernement et aux open data. Exquando pourrait dès lors être un partenaire naturel du secteur public dans ces démarches. Notre souhait est en tout cas de participer à ces initiatives.”

Le rôle qu’il envisage? Du conseil, tant en termes de gestion de l’intégrité, de l’authenticité, de la qualité des données que d’organisation des flux d’informations au sein des administrations. La dimension des open data et son corollaire qui veut que “chacun, en ce compris le citoyen, est à la fois producteur et consommateur d’informations” ont pour conséquences que “c’est le bon moment d’ouvrir cette discussion” [avec les acteurs du secteur public].

Destination Flandre

Après 5 années d’existence, marquée par une croissance solide et constante, Marc Ansoult estime que le temps est venu de viser de nouveaux horizons. A commencer par la Flandre où la société compte déjà de premiers clients, notamment via les bureaux d’études travaillant pour Elia (par exemple dans le cadre du projet d’implantation d’éoliennes en mer du Nord).

Marc Ansoult: “Exquando pourrait dès lors être un partenaire naturel du secteur public dans les démarches de gouvernance de l’information, notamment dans le contexte de l’open data”.

Les acteurs du secteur public flamand aussi seront une cible nouvelle pour Exquando. Et ce, dans la perspective notamment de l’ère des open data qui est sensiblement mieux accueillie au nord de notre pays qu’au sud.

Pour s’aventurer sur le marché néerlandophone, la société wavrienne a commencé des recrutements. L’arrivée de Willy Sempels, fraîchement engagé pour assurer le business development, en est un premier exemple. D’autres devraient suivre, présentant notamment des profils de consultants senior, de gestionnaires d’information (amenés à travailler étroitement avec les clients).

Cette volonté de proximité géographique amènera sans doute aussi la société à recruter des Français et des Luxembourgeois pour desservir ces deux marchés qui figurent aussi parmi ses objectifs d’extension d’activités.

Information Office

Aux yeux d’Exquando, les entreprises, et pas uniquement les plus grandes, mais aussi les administrations publiques restent fort démunies et souffrent d’inefficacité dans leur gestion de l’information. Avec un risque de voir la situation se détériorer encore plus au vu de nouveaux défis: explosion des volumes d’informations, big data, disparité des systèmes de gestion, évolution vers le cloud, obligation croissante de “traçabilité” de l’information… Le remède, selon Marc Ansoult? Aménager des “Information Offices” au sein des organisations.

Un défi croissant

L’un des écueils que Marc Ansoult craint voir nombre d’entreprise prendre de plein fouet est celui d’une analyse non féconde du “big data”, ces données massives brassées et analysées par des algorithmes et autres mécanismes programmés, dont les résultats sont servis aux preneurs de décision mais sans qu’il y ait eu de prise de contact préalable avec ceux dont on veut résoudre les besoins. “Nous préférons une démarche basée sur la gouvernance de l’information. Nous sommes face à une crise de l’information. Pour faire face aux problèmes que suscite la surabondance d’informations, il sera nécessaire de mettre en oeuvre des “Information Project Offices.”

“A l’heure actuelle, ces Information Offices sont encore rares, sauf dans l’une ou l’autre banque internationale. Et encore le service de gestion documentaire mis en place a souvent une dimension purement technologique, se contentant de mettre des outils à la disposition des utilisateurs. Les “Information Offices” actuels interviennent par ailleurs surtout au niveau des master data. Rien n’existe encore en matière de contenus non structurés. Et c’est notamment de cela qu’Exquando veut faire la promotion. Nous voulons aider les entreprises, via une stratégie de gouvernance de l’information, à mettre en oeuvre des Information Offices.”

Ils doivent faire office de colonne vertébrale et de chef d’orchestre pour les flux d’informations. En cause, essentiellement trois phénomènes qui se conjuguent et prennent de nouvelles dimensions: l’explosion des volumes d’informations, la diversité voire disparité des systèmes de gestion qui, de plus, s’expatrient vers le cloud, et les exigences de “traçabilité” de l’information (en raison de contraintes légales, d’obligations d’audit…). Sans la structure d’un Information Office, les utilisateurs sont démunis. Comment peuvent-ils par exemple tout simplement s’y retrouver parmi les centaines de fichiers qui peuplent les file system, avec une énorme diversité de types de documents, mails compris, gérés par des solutions venant de divers fournisseurs (Microsoft, EMC Documentum…). Souvent l’utilisateur ne sait pas où il met l’information et ne sait pas comment la retrouver. C’est le rôle d’un Information Office de gérer, d’organiser, de restituer l’information.”

Quelles compétences, voire profil, devront avoir les membres de cet organe interne aux entreprises? “Ce seront des information stewards, des document controllers. Leurs tâches consisteront à gérer, indexer, classer, associer des droits d’accès. Parmi les autres profils nécessaires, des personnes ayant des compétences en audit, en sécurité, en gestion des risques. Tous ces acteurs doivent être présents au sein de l’Information office. Un Chief Information Officer (CIO) ne peut suffire à lui seul. Tous doivent intervenir, sinon on en arrive à des situations où le CIO s’épuise, sans qu’il y ait d’adoption de la part des principaux intéressés dans l’entreprise. Le Chief Data Officer agit en fait comme sponsor de l’Information Office.”