Législature 2014-2019: jusqu’où la Wallonie misera-t-elle sur l’ICT?

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Par · 12/08/2014

Les technologies de l’information figurent en bonne place, mais de manière dispersée, dans la Déclaration de Politique Régionale (DPR) wallonne, intitulée “Innover, simplifier, rassembler”. Elles sont en effet considérées comme “l’un des trois piliers de la stratégie d’innovation globale”, au même titre que l’économie circulaire (circuits courts) et que le soutien à l’“excellence opérationnelle”, nécessaire pour réaliser des gains en productivité. Ce qui ne signifie pas que l’on retrouve dans la DPR un argumentaire cohérent, structuré, de la manière d’en faire un instrument de (re)déploiement économique pour la Région. L’ICT apparaît en fait en pointillé à divers chapitres. Pouvait-on espérer mieux vu le contexte économico-budgétaire?

Quels moyens?

Que trouve-t-on, dans les registres ICT et numérique, au fil de la Déclaration de Politique Régionale? Un peu de tout… Généralisation du Wi-Fi dans les écoles, “transversalité” de l’ICT dans les pôles de compétitivité pour favoriser la transition numérique des entreprises, fin du vote électronique, promotion du capital à risque et des investissements de business angels pour les entreprises innovantes, redéfinition du rôle de l’ETNIC pour l’informatique administrative, simplification de l’accès aux marchés publics pour les PME, promotion de l’open data au bénéfice des entreprises et du grand public…

La manière dont s’articulera la politique – peut-on espérer un “Master Plan TIC” remis au goût du jour ou refaçonné? – reste peu explicite. Au-delà ou en parallèle à la volonté affichée de mettre l’ICT en avant, le texte de la DPR tempère d’ailleurs d’emblée les espérances: “les prévisions de croissance demeurent faibles […] les nouvelles règles de discipline budgétaire européenne imposent une rigueur renforcée et étroitement contrôlée.

[…] Au cours des années 2015 et 2016, la quasi totalité des budgets régionaux seront gelés et la très grande majorité des départements seront amenés à réaliser des économies sur leurs dépenses.” Objectif: “dégager des marges qui permettront, pendant la deuxième moitié de la législature, de lancer des initiatives nouvelles.”

A court terme, ce sera donc ceinture et sélectivité. Fin juillet, Jean-Claude Marcourt déclarait par exemple au Soir: “l’objectif est de faire mieux avec moins. Je n’ai pas renoncé à initier de nouvelles politiques. Nous devons trouver des marges en étant encore plus sélectifs.”

Dans ce contexte, quelle marge y aura-t-il pour des investissements de relance, une politique volontariste pour permettre à ce “pilier de la stratégie d’innovation globale” qu’est l’ICT d’entrer en action dès l’entame de la législature? Quels dossiers seront mis en avant, en espérant que leur mise en oeuvre ne requière pas (trop) de budget?

Levier de créativité

Voilà en tout cas posé l’un des axes prioritaires de la nouvelle législature: “stimuler le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication […] qui ont pour effet d’accentuer la créativité.”

Volonté que salue au passage Agoria: “le secteur wallon de l’ICT, qui compte près de 1.000 entreprises et 10.000 emplois, est désormais reconnu à part entière en figurant structurellement au coeur du Plan Marshall”, souligne ainsi Thierry Castagne, directeur général d’Agoria Wallonie.

Si la DPR ne fait que poser de grands principes, une série d’éléments liés aux nouvelles technologies émaillent toutefois le texte. Nous les avons relevés pour vous.

L’ICT, axe transversal

Le Plan Marshall 2022 étant confirmé comme étant au “coeur de la stratégie de redéploiement” de la Wallonie, le concept des pôles de compétitivité et de leurs petits cousins que sont les “clusters” demeure un outil-clé de la politique wallonne. Un accès plus net sera mis sur la promotion de la croissance et et de l’internationalisation des sociétés membres des pôles.

Et l’ICT figure en toutes lettres dans les mesures de dynamisation. La DPR parle en effet d’ajouter des “axes transversaux”, comme celui de l’“économie créative” et de l’ICT (“notamment le big data”) “afin de permettre à nos entreprises de saisir les opportunités de l’économie numérique.”  Il est aussi question de “renforcer la complémentarité entre les pôles et les clusters.” Voilà qui confirme le mode de fonctionnement que se propose d’adopter l’Infopole Cluster TIC dans les années à venir. Nous vous en avions déjà parlé.

Contraintes budgétaires et chasse à la dispersion obligent, le gouvernement propose de “développer une spécialisation vers certains domaines des pôles identifiés comme plus porteurs” (ce qui laisse sous-entendre d’éventuels choix de priorités, voire de regroupement entre pôles) et de “développer des stratégies d’innovation communes entre les pôles et la DGO6.”

Emploi et entreprise

Que les porteurs de projets et entrepreneurs en herbe se réjouissent: le nouveau gouvernement wallon semble vouloir accentuer (ou, en tout cas, prolonger) politique et aide à la création et à la croissance d’entreprises innovantes et à fort potentiel. Projets IT et numériques sont donc directement intéressés.

Parmi les intentions figurant, en la matière, dans la DPR, citons les points suivants:

– favoriser l’auto-création d’emploi, via une offre de formation à l’esprit d’entreprendre et un programme de formation et d’accompagnement des chefs d’entreprise

améliorer les accompagnements spécifiques des spin off, start-up et entreprises à potentiel de croissance “au-delà du seul financement, notamment via la mise sur pied d’une base de données de consultants, d’experts et d’administrateurs spécialisés, gérée par le Costra (Comité stratégique) des trois outils financiers publics (DGO6, invests, Novallia)

– mettre en oeuvre un dispositif de “détection proactive” des entreprises à fort potentiel de croissance pour leur proposer du conseil, du financement et des formations ciblées

– systématiser la mise à disposition d’administrateurs indépendants de haut niveau pour une durée limitée ; voilà qui semble vouloir pérenniser le programme CXO dont nous vous avons déjà parlé

– opérationnaliser rapidement l’AEI – Agence pour l’Entreprise et l’Innovation – et y intégrer Creative Wallonia (pour rappel, l’AEI verra fusionner l’ASE et l’AST et inclura, sous forme de filiale, l’AWT, rebaptisée AWTIC).

Côté “nerf de la guerre”, la DPR consacre aussi plusieurs paragraphes aux modes de financement à mettre en avant. Le nouveau gouvernement dit vouloir:

– favoriser le capital à risque “en mettant en relation les entreprises en croissance et les investisseurs via les réseaux des invests”

– mobiliser l’épargne privée au bénéfice de l’économie wallonne (il sera procédé à une “évaluation de divers dispositifs possibles, dont la Caisse wallonne d’investissement”)

– favoriser le passage à la phase d’industrialisation en amenant les divers organes de financement à mieux coopérer pour finaliser les tours de table

– encourager la SRIW à participer à des fonds internationaux de private equity afin d’attirer de nouvelles sources de financement

– encourager les associations de business angels pour soutenir le développement des PME innovantes.

Le crowdfunding, lui, n’apparaît pas en tant que tel dans la liste (mais il se cache sans doute sous l’intitulé générique “épargne privée”). On le retrouve par contre, en toutes lettres, dans la Déclaration de Politique Communautaire, au chapitre “Industries créatives et culturelles”. Et ce, à titre de “source de financement complémentaire.”

Aide aux PME

La volonté de passer un Small Business Act “qui simplifie radicalement la vie des PME” est confirmée dans le texte de la DPR wallonne. De même que le souhait – et cela concerne directement les prestataires et fournisseurs IT locaux – de prévoir des “règles plus souples afin de réserver aux PME des lots lors des marchés publics, commandités ou subsidiés par la Wallonie.” Devraient également jouer en faveur des PME, à cet égard, l’introduction, dans les cahiers de charges, de “critères de type circuits courts et sous-traitance de proximité.”

Les chances de sélection des PME pourraient également être “boostées” via la mise en place un “mécanisme de détection et de contrôle des prix anormalement bas dans les marchés publics, afin de garantir une concurrence loyale entre les entreprises et de conseiller le pouvoir adjudicateur.”

La compétitivité des entreprises – petites ou grandes – dépendra aussi bien entendu de l’infrastructure. Ce n’est donc pas sans un intérêt certain qu’on relève cette petite phrase concernant l’aménagement de zones d’activité économique: une “attention particulière sera portée à la connexion des entreprises industrielles et technologiques au réseau wallon de fibres optiques […] réseau qui, au besoin et en fonction des disponibilités budgétaires, sera renforcé et étendu.”

Et le texte d’enfoncer le clou puisque l’une des priorités semble devoir être la “poursuite de la connectivité à très haut débit du territoire.”

Voilà qui semble trancher avec la décision prise par le précédent gouvernement de revendre l’infrastructure fibre dans laquelle la Région avait investi (relire notre information). Nous attendons avec curiosité les explications que ne manqueront sans doute pas de donner à l’avenir les responsables politiques à cet apparent revirement…

Toujours en matière de communications et d’infrastructure, on sait que les rapports s’étaient quelque peu tendus, lors de la législature antérieure, entre Gouvernement et opérateurs. Notamment sur la question de la taxation des antennes. Relevons dès lors aussi cette autre petite phrase de la DPR: le gouvernement entend “défendre un accès suffisant aux réseaux de communication pour les citoyens et les entreprises des zones rurales, notamment en développant un dialogue proactif avec les opérateurs de téléphonie mobile et de connexions à haut débit.”

Cet “accès suffisant” constitue l’un des paramètres énumérés comme étant nécessaire au développement et déploiement d’un “territoire intelligent”. Dans ce chapitre, la DPR laisse présager de belles opportunités pour les sociétés IT afin de contribuer à des chantiers tels que:

– la rénovation urbaine

– la mise en place de “territoires ruraux intelligents, via adaptation des outils des smart cities à la réalité des communes rurales

– la modernisation des infrastructures de mobilité et de transport

– la mise en place d’un réseau express de covoiturage

– l’activation de stratégies d’innovation et la promotion du savoir-faire technologique.

A LIRE, dans la seconde partie de notre article consacré à la Déclaration de Politique Régionale wallonne, les intentions du gouvernement en matière d’ICT au service de l’enseignement, des services publics et administratifs. Il y sera question de Wi-Fi dans les écoles, de vote électronique remisé aux oubliettes ou encore de mutualisation d’investissements informatiques au niveau des pouvoirs locaux.

A SUIVRE également, les intentions ICT/numériques qui figurent dans l’accord de majorité du nouveau gouvernement de la Région Bruxelles-Capitale.