Au-delà du miroir

Hors-cadre
Par · 27/05/2014

S’il est un reproche, ou tout au moins un regret tenace, que les starters et porteurs de projet émettent à l’encontre d’investisseurs qu’ils sollicitent, c’est la trop grande rigidité de leur mode de pensée.

“Prouvez-moi que ce que vous me proposez de supporter financièrement est rentable? Convainquez-moi que votre business plan se déroulera comme vous le dites?”

Ce à quoi les quémandeurs répondent: “comment voulez-vous démontrer quelque chose de nouveau, voire de résolument innovant et pionnier, qui n’a jamais été fait auparavant?” Par définition, il n’y a pas d’exemple, de “cas d’école”, de référence. Et, même s’il y en a, ils ne garantissent pas d’être paroles d’évangile.

Certes, les investisseurs et financiers ont toutes les raisons de prendre des précautions, de se documenter, d’obtenir un minimum de garanties, mais s’ils n’osent pas introduire une certaine dose de risque dans leur réflexion, jamais le progrès, le bousculement des principes établis ne sera possible.

Autre travers, au-delà du pur financier: les raisonnements qui s’accrochent servilement aux schémas connus. Un exemple nous a été donné récemment par l’équipe (universitaire) qui est à la base du projet ICT4Rehab. Il a donné naissance à une plate-forme de développement de jeux sérieux, destinés à favoriser la rééducation et revalidation physique de malades et de personnes accidentées. Les jeux développés ont par ailleurs un caractère paramétrable, leur permettant de s’adapter à diverses pathologies.

Pour valoriser le projet (au stade de la spin-off), l’équipe des deux universités concernées (ULB et VUB) s’est adressée aux fonds universitaires Theodorus et QBIC qui ont un droit de premier investissement (priorité à eux s’ils désirent investir). Les chercheurs ont pu constater combien, même au sein de ces comités de valorisation, les raisonnements reposent souvent sur des principes traditionnels et ont parfois du mal à imaginer l’impact et le potentiel de concepts nouveaux – même s’ils ont déjà commencé à faire leurs preuves et même si le domaine de l’e-santé est évangélisé par l’Europe.

La difficulté pour ces comités est d’évaluer l’importance de l’effort commercial, et donc des coûts et longueurs qui retarderont la monétisation. Ou encore la difficulté à comprendre que le mode de commercialisation n’aura rien à voir avec les solutions passées. Un exemple “bête et méchant”: ICT4Rehab se positionne sur le terrain de la “rehab”, de la revalidation. Ce qui, aux oreilles de certains, se traduit par équipements et matériels et donc par démarchage par un représentant commercial. Alors qu’en réalité, le contexte est celui du virtuel, du jeu, du logiciel…

Conclusion: investisseurs et évaluateurs s’arrêtent encore trop souvent à l’image que reflète leur représentation de l’existant, du passé et des règles d’or qu’ils ont imposés jusqu’ici. Pour innover, oser l’inconnu et créer l’inexistant, il faut laisser son imagination aller au-delà du miroir. Sans qu’il soit pour autant nécessaire de renier totalement l’image qu’il reflète…