Vous êtes le premier Objet

Hors-cadre
Par · 25/02/2014

Et si l’objet, c’était vous en fait? Pas votre montre intelligente, pas votre téléviseur, frigo, brosse à dent ou tensiomètre connecté. Vous, dans votre intégralité. Vous vous êtes déjà posé la question?

Dans cet Internet des Objets dont on commence seulement à nous bassiner, ceux qui en tirent les ficelles n’ont qu’un objectif. Vous. Moi. Nous. Individuellement et massivement. Nous sommes leur objet, leur chose, leur machin. L’objet de leurs désirs, de leur quête d’omnipotence.

So what? quoi de neuf? direz-vous. Non mais vous vous entendez? N’y a-t-il pas, dans ce qui s’est produit la semaine dernière – Facebook/WhatsApp – , un petit quelque chose de différent de par son ampleur et sa forme qui, soudain, vous fait vous poser certaines questions?

Source: Symantec

Après tout, c’est vrai, on sait qu’en surfant, smartphonant, tablettant, conduisant, achetant, lessivant etc, nous sommes repérés. “Ils” nous suivent, nous pistent, nous traquent. Et on l’a accepté. Parce qu’après tout, cela nous procure des avantages.

Mais – malgré tout… – entre accepter d’être mieux cerné par ces géants – ces inconnus – afin d’obtenir quelques menus avantages, et être soi-même vendu, n’y a-t-il pas une petite différence?

Etre “vendu”? Comment appelleriez-vous autrement le fait de voir votre identité se retrouver du jour au lendemain dans d’autres mains à qui, au départ, vous n’avez pas donné l’autorisation, même pas imaginé un jour donner l’autorisation de l’utiliser? N’est-ce pas ce qui vient de se produire avec WhatsApp?

40 dollars par “objet” – pardon par utilisateur – c’est tout compte fait pas très cher payé! 40 dollars, sans doute pas beaucoup plus que les 30 deniers bibliques ! La belle affaire.

Vraiment?

Au départ, vous acceptez de livrer des infos personnelles à une petite start-up sympa et vous vous retrouvez demain dans les listings, le sac à malices d’un tout-puissant à qui vous espériez peut-être faire la nique en misant sur ce petit Poucet… Ça ne vous chatouille toujours pas?

Qu’y pouvons-nous? Peut-être plus qu’on ne le croit, en fait.

On dit certes que la “vie privée” n’existe plus, que c’est une “chose” – tiens ! – du passé, une notion désuète tout juste bonne à être brandie par de vieux schnocks qui n’ont pas évolué avec leur temps. Mais à qui la faute si cette vie privée s’effiloche, disparaît dans les fils de la Toile? Car entre lever un coin du voile sur ce que nous sommes et se livrer corps et âme, sans retenue ni discernement, à des gens inconnus, à des sociétés et à leurs si géniaux instigateurs, il y a un pas de géant qu’on saute comme des lilliputiens innocents, véritables moutons de Panurge des temps modernes. Car, soyons enfin réalistes et honnêtes avec nous-mêmes: le but premier ou ultime de tous ces entrepreneurs si entreprenants n’est pas (ou pas pour tous) de changer le monde – noble illusion – mais de thésauriser  les choses, de les monnayer pour des sommes si colossales qu’elles en deviennent intangibles.

Vous, moi, pouvons éviter que la machine ne s’emballe. En se rendant compte qu’abdiquer son droit fondamental à ne pas être uniquement une “chose”, un “objet”, n’est jamais une bonne idée.