La querelle “Femme et IT” de l’été

Tribune
Par Elena Lanzoni · 06/09/2013

Une petite querelle enflamme les esprits cet été. Début du mois d’août, LinkeIn supprime une publicité IT montrant une jolie femme, l’entreprise annonceuse traite LinkedIN de machiste, LinkedIn se justifie, l’annonce est re-publiée. Tout le monde relate l’histoire, des factions se créent en soutien de l’un ou de l’autre…

Interface3 a envie de faire le point: à quoi rime toute cette histoire? Machisme, mauvaise communication, stéréotypes de genre dans les professions, buzz d’une entreprise pour se faire de la pub? Une histoire pas banale, à propos de laquelle votre avis, aussi, nous intéresse!

C’est arrivé au début du mois d’août: suite à plusieurs signalisations d’utilisateurs, LinkedIn supprime un message publicitaire de l’entreprise Toptal, spécialisée en recrutement IT, qui utilise la photo d’une véritable, jeune et belle ingénieure, Florencia Antara, pour cibler ses clients potentiels.

Aux réactions d’étonnement de Toptal, LinkedIn réagit en expliquant que les utilisateurs, selon le cas, “n’ont pas pris la photo pour celle d’une vraie ingénieure”, “ont signalé que la pub n’était pas claire”, “ont estimé que l’image de la femme n’était pas professionnelle” ou encore “ont dit que cela ressemblait à du spam”.

Du coup, Toptal, rétorque que Linkedin fait preuve d’“un sexisme extrême au sein de la communauté technologique” et publie même un texte pour soutenir les femmes travaillant dans le secteur de l’IT.

Et il ne reste plus à LinkedIn d’autre choix que celui de re-publier l’annonce, le risque de perdre des milliers d’utilisatrices étant de taille.

Plusieurs personnes nous ont signalé cette histoire pendant nos vacances, nous souhaitons donc exprimer notre point de vue.

Avant toute chose, jetons un coup d’œil à l’annonce incriminée et à la photo avec une meilleure résolution.

La pub cible bien évidemment des clients potentiels en recherche d’ingénieurs: “We Recruit Top Engineers and Bring Them To you Fast” on peut y lire “$ 1500 -2800/wk. Try for 2 Weeks. Risk-Free.”

La photo de la jeune et  jolie femme ne nous choque pas.

Mais est-ce que l’annonce est claire? La combinaison de photo et texte ne donne-t-elle pas lieu à un message ambigu?

Tout d’abord, dans les petites annonces de ce type, on utilise souvent des images sorties tout droit des banques d’images quand les annonceurs ne tiennent pas à publier leur logo. En voici quelques exemples:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ensuite, nous n’apprécions pas le style du texte. S’il est vrai que le langage publicitaire est par définition provocateur, voir cocasse, il nous semble néanmoins que la manière de présenter la période d’essai relève d’une certaine vulgarité: à peu près “essayez pendant 2, 3 semaines, vous ne risquez rien” – traduction libre, par nos soins.

Nos étudiantes trouvent fort heureusement des entreprises de stage et d’emploi plus respectueuses de leurs collaborateurs, qu’ils soient hommes ou femmes!

Pour finir, venons-en à la combinaison de l’image et du texte. A quoi l’image fait-elle référence?

  1. Au “nous” de “we recruit”: la jeune femme serait donc une employée du service de  RH, un secteur de l’emploi où les femmes sont en effet bien représentées ?
  2. Aux “top engineers”? Elle serait donc une professionnelle de l’IT, mais l’annonceur Toptal ne prend pas la peine de la présenter en tant que telle. Faute de place? Ceci expliquerait la réaction indignée du CEO, qui a déclaré avoir naïvement choisi la photo d’une de ses ingénieurs, et tant mieux si son aspect physique pouvait rendre la pub plus efficace!
  3. Ou alors il a choisi sciemment d’utiliser une image aguicheuse qui représente plutôt le stéréotype assigné à un autre métier (disons, par exemple, hôtesse d’événement) et, au vu des réactions négatives des lecteurs, a voulu ensuite “rattraper la sauce’, en accusant LinkedIn de machisme…

Posons-nous la question suivante: le public aurait-il réagi de façon différente si la photo choisie avait été celle d’un beau jeune homme ne correspondant pas au cliché de l’ingénieur  (à savoir le geek, lunette et air maigrichon)?

Et si c’était celle d’une femme correspondant à l’image stéréotypée de l’ingénieure (une geekette, lunettes et cheveux courts…)?

Regardez ces images…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vous vous découvrez, vous aussi, victime des stéréotypes? Drôle d’effet, n’est-pas?

Il vous semble que, in fine, chaque métier correspond “naturellement” à une image assez précise du professionnel déterminé par son sexe, sa couleur de peau, son code vestimentaire, la couleur et coupe de ses cheveux?

A vos plumes, votre avis est important!

Elena Lanzoni

Responsable Communications & Relation entreprises, Interface3

PS: Nous espérons entre-temps lire la réaction de l’intéressée, Florencia Antara, jeune web développeuse argentine à qui nous souhaitons une brillante carrière technique. Malheureusement, nous n’en trouvons aucune trace sur le Web. Elle a probablement déjà été incommodée suffisamment et ne souhaite pas s’exprimer…